Mon corps entre dans une chorégraphie avec la machine et la matière à la fois dans un rapport de force et d’écoute pour réaliser un travail de sculpture grâce à des assemblages de matériaux bruts et d’objets trouvés parfois détournés qui tendent à s’inscrire in situ dans l’espace d’accueil. Mon imaginaire se place dans le moment éphémère de l’inconnu aussi bien d’un outil, d’une technique ou d’une forme et dans l’observation de la transformation. Les rencontres matériologiques permettent de rendre compte d’une façon d’ingurgiter ce qui nous entoure, pour à un moment les mettre sur le même le plan sans donner primauté ou qualité supérieure à une matière particulière. Derrière une apparence robuste, solide et stable, mes sculptures sont fragiles autant dans leur mise en espace que dans leurs pores. Comment rendre compte du mouvement et d’une énergie dans une sculpture ? Par l’inachèvement, la suspension ou la motorisation, je souhaite donner une impulsion de vie à mon travail. Comme des lignes dans l’espace, mes sculptures semblent sans enveloppe, elles sont des structures, nues, immobiles et statiques. Suspendues et en attente d’être actionnées, elles invitent le spectateur à imaginer une possible oscillation. Ce flottement dans le vide, cette liberté de mouvement, cette tension engendrée par la gravité est un questionnement autour de l’équilibre. Elles sont retenues, prisent par leur propre poids qui les attirent vers le bas. La structure soutient et empêche la chute d’une partie de mes sculptures. Chaque sculpture, par ses caractéristiques, renvoie à un acte que nous pouvons faire, tel que filtrer, broyer ou écraser. Leurs dimensions acceptent en tant qu’égal un corps humain. Le corps est absent.
Ma recherche autour de la sculpture oscille entre le besoin de manipuler, de ressentir et une envie de me raconter sans être autobiographique. Je garde en tête des morceaux de la vie qui pourraient être anecdotiques que je transporte ailleurs, en une forme, un matériau, une mise en équilibre ou un mouvement. La résistance de la matière et les rapports de force qui existent entre elle et celui qui la travaille m’interpellent. Gaston Bachelard est un penseur qui me permet de nuancer mon rapport à la matière et de poser des mots sur mes intuitions. J’établis des parallèles entre le travail, proprement sculptural, de construction et d’assemblage des matières et la relation de l’individu avec lui-même et face à autrui. Ces rapprochements sont un fil rouge dans mon processus créatif.
Pour mon projet pendant le temps de la résidence, je souhaite approfondir les notions telles que les mouvements cycliques, l’inconstance, l’aspect vain ou défaillant et le fonctionnement mécanique de ce qui nous entoure. Le principe des cycles vertueux ou vicieux sont constitutifs de notre évolution, de notre perception et je souhaite questionner ces concepts à travers les formes plastiques comme la bobine, le fuseau, les engrenages, les poulies et les actes comme tourner et rembobiner.
Je souhaite faire une installation qui sera envisagée comme une cohabitation de plusieurs sculptures réparties dans l’espace dont le point culminant sera une structure dans laquelle se trouvera une bobine de grande dimension. Les parties secondaires seront moins imposantes et marqueront des étapes du circuit matérialisé par le lien qui les réunie. Tout comme les élèves auront expérimenté la confrontation entre matière dure et molle, la bobine apparaîtra comme molle voire organique laissant une ambiguïté dans sa matérialité. La construction de la structure reposera sur les formes architecturales des constructions de charpentes de Viollet Le Duc. J’utiliserai une technique de trempage du bois pour le contraindre aux torsions que je souhaite afin d’avoir des formes à la fois synthétiques et ornementales. La forme de la structure qui aura un escalier accolé sera en lien avec l’architecture des kiosques, constructions spécifiques à l’espace public qui conservent une structure ouverte et légère qui protège notamment des intempéries. Cette structure fragile nous surplombera donnant l’idée de l’ascension, de la progression dans un rapport de verticalité au corps. La structure sera démontable et travaillée par morceaux et des charnières.
Le contexte de la résidence qui s’organise autour de la transmission et du partage est en continuité avec ma façon de vouloir communiquer autour de mon travail et la façon dont le public peut se l’approprier. J’ai la volonté de ne pas rendre statique le public face aux œuvres mais dans une possible interaction. Je souhaite laisser une place importante à celui qui regarde, à travers des formes sculpturales indéterminées. Ce qui m’intéresse, c’est la capacité des regardeurs à projeter une identification. J’aimerais pouvoir échanger avec les élèves et les enseignants autour de cette marge d’identification pour nommer l’indéterminé qui est déclencheur d’imaginaire. J’ai déjà auparavant abordé les écarts d’interprétation lors des médiations que j’ai pu faire auprès d’un jeune public. J’ai trouvé intéressant d’entendre les diverses perceptions des œuvres et j’aimerais avoir ce retour sur mon travail notamment lors de la restitution qui aura lieu avec l’ensemble de la communauté scolaire ainsi que les parents d’élèves. Cette résidence sera une très belle occasion de collaborer avec les élèves et l’équipe enseignante afin de réaliser un projet avec une nouvelle ampleur.
Je documenterai la résidence avec des prises de vues régulières des ateliers avec la communauté scolaire ainsi que l’évolution de mes expérimentations et je mettrai en place une restitution écrite des ressentis et des impressions des élèves après et pendant les ateliers et visites. Une page facebook sera créée pour que les parents puissent avoir une visibilité sur ces temps d’échange et de transmission. Je serai parrainée par Georges Peignard, artiste et enseignant à l’Ecole européenne supérieure d’art de Bretagne.
Jura
Par le(s) artiste(s)