Mon projet est un conte illustré en céramique. Cette histoire, en lien avec la région, sera écrite, séquencée, illustrée par la classe. Nous choisirons ensemble le conte qui sera le plus pertinent. La première étape sera celle de l'écriture du conte par plusieurs exercices, du séquençage par groupe et du choix de la scène que l'élève illustrera. Nous travaillerons dans un second temps le dessin des décors in situ, des personnages et détails clés. Puis chaque illustration sera retravaillée pour qu'elle passe en volume et se traduise en un vase en porcelaine ou grès, qui pourrait appartenir à ce temps passé des contes. Enfin nous les prendrons en photo pour faire de ce conte un livre où nous pourrons travailler la relation texte-image. C'est ce changement permanent de techniques qui m’intéresse. Il bousculera l’écriture des élèves (manuscrite et dessinée), créera de nouvelles formes, et les fera réfléchir à la question du support, mais aussi celle de l'exposition lors de la fin de résidence.
Les contes du temps passé sont le sous-titre du recueil des contes de Perrault sur lequel je travaille depuis ces six derniers mois. J'ai plus particulièrement travaillé sur Barbe bleue et le conte les Fées. Ces deux contes, dont les personnages masculins sont avant tout absents, se focalisent sur le caractère des femmes entre elles. Habituée aux contes japonais ouverts sur la nature et son influence sur l'homme, j'ai été frappée en relisant les contes de Perrault de voir tant de caractères et personnalités décrits en si peu de pages. Ces contes m'ont offert la possibilité d'agrandir mon vocabulaire, et de dessiner des personnages aux expressions diverses. Ce projet d'illustration sur céramique allie aussi bien un travail de dessin, d'expressions, qu'un travail sur la forme du support. Mon travail de recherche durant ces six derniers mois a surtout consisté à trouver une juste combinaison entre les couleurs des terres, les oxydes, les émaux, les volumes et mon dessin. La céramique donne à mon dessin, expressif, un côté atemporel. La gamme colorée utilisée se rapproche d'anciennes céramiques retrouvées sur les lieux de fouilles. C'est également une volonté de rester d'une certaine manière "classique" contrastant avec mon dessin, personnel. Le cobalt dans l'histoire de la porcelaine est l'équivalent du noir et blanc en dessin. Par ce projet d'illustration et de vases, je veux inscrire des contes dans une réalité palpable. Donner aux images un corps, tout en donnant à mes dessins une utilité décorative et ludique. Les vases grecs, illustrés, sont une manière pour nous de découvrir leur civilisation tant parce qu'ils sont des objets de leur quotidien que parce qu'ils parlent de leur mythologie, leurs histoires racontées. Au Japon l'esthétique des céramiques, de leur vaisselle utilisée chaque jour, nous plonge sans obstacle dans leur culture, leur manière de manger, de respecter le repas et l'alcool servi. Ces céramiques donnent de multiples occasions d'être attentif au quotidien. En France, les céramiques narrant par le dessin des évènements historiques ou inventions ont été très populaires. Elles offrent toujours des sujets de discussion, et nous permettent de connaître un peu mieux notre pays, notre culture. Mon travail se nourrit de ces diverses traditions. Il nous faut retrouver ce plaisir de raconter, sans texte précis, un conte. L'histoire serait racontée dans un livre dont les personnages en seraient sortis. Ces petits êtres souvent sans nom des contes peupleraient ainsi l'espace d'une maison ou d'une galerie. J'aimerais durant création en cours poursuivre cette série de vases sur Barbe bleue, les Fées ainsi que d'autres contes de Perrault. Les questions techniques étant résolu j'aimerais profiter de ce temps de recherche pour continuer à illustrer les contes du temps passé de Perrault. Mon but est de produire une édition que je proposerai à une maison d'édition. Ce projet sur plusieurs niveaux est pour moi l'aboutissement de mes années d'études aux arts décoratifs en illustration image-imprimée. Il est une sorte de manifeste de ma démarche artistique: garder trace en cascade. Chaque étape est pensée pour elle même: un dessin, un vase, une photo, un livre. Mais le projet est également pensé en cascade: le livre garde en mémoire les photos avec un texte, les photos gardent en mémoire les vases avec un décor, les vases gardent en mémoire le dessin avec une matière, le dessin est une trace écrite de ce qui m'a été raconté, de ce que j'ai vu, de ce que j'ai ressenti. Il me semble intéressant d'aborder ce projet en parallèle avec des enfants, pour avoir leur regard, leur point de vue sur ces contes qu'on ne connaît plus tant (sauf ceux vus et revus de Disney). Création en cours me permettrait de rencontrer leur monde et leur imaginaire. Je travaille en parallèle en tant que surveillante dans un collège-lycée, et cela m'a fait comprendre à quel point rester dans ce monde de l'enfance (adolescence) est important pour mon travail d'illustration. Leur regard compte énormément, autant que ceux des générations antérieures qui ont un regard plus référencé. Il m'oblige à mettre de coté tout un tas de références, et m'aide à savoir si mon image parle d'elle même, nous amène ailleurs sans avoir besoin d'aide. J'ai également animé en remplacement des ateliers TAP dans des écoles primaires, et ces rencontres ponctuelles avec des enfants m'ont émerveillée par leur richesse d'expression plastique. Sur un long terme, travailler avec une classe serait une bonne manière de combiner ces deux expériences. C'est pourquoi j'aimerais réaliser avec eux un réel projet, qui s'apparenterait à mon projet des contes du temps passé. Il serait également un projet d'illustration en céramique, autour d'un conte. Ce conte, que nous choisirons avec l'équipe enseignante et la classe, sera un conte local. Cette contrainte me semble importante, car elle nous permettra si le conte est trop succinct d'approfondir leur connaissance de leur région, par un autre biais que par l'histoire apprise à l'école tout en laissant une grande place à la création.
Eure-et-Loir
Par le(s) artiste(s)