Notice : les écritures du mouvement

Notice : les écritures du mouvement

Publié par Marie Orts et Lina Schlageter

Journal du projet

Une histoire brève des systèmes d’écriture du mouvement.

Le premier témoignage d’écriture de la danse date du 15ème siècle et a été retrouvé à Cervera en Catalogne. Il représente un enchaînement de pas codifiés, nommés par des signes abstraits, des initiales, des chiffres ou des abréviations.

Trace isolée, c’est au 18ème siècle que la danse notée, tracée, gravée va connaître un de ses essors les plus important. Différents systèmes ont été inventés pendant le règne de Louis 14 en France et c’est Raoul Augier Feuillet qui va avoir les faveurs du Roi. Il publie en 1700 : Chorégraphie ou l’art de décrire la danse par caractères, figures et signes démonstratifs. Les Maîtres de danse qui font danser la cour de Versailles et les cours d’Europe, utiliseront ce système pour chorégraphier, c’est à dire à l’époque, «écrire la danse », et non pas inventer les mouvements et leur enchaînement.

Pour Laurence Louppe (historienne de la danse spécialisée en esthétique et connue pour Poétique de la danse contemporaine), Feuillet fait naître une grammatologie du corps en inventant et je reprends ses mots: « un graphe neutre, cellule unitaire de tout déplacement spatial, sur lequel viennent se greffer toutes sortes de processus opératoires. La structure dansée ne naît plus de la récitation d’un lexique, comme c’était le cas auparavant, mais d’une infinité d’articulations flexionnelles ». La cellule de base pour Feuillet est le pas. Pas en avant, en arrière, sur le côté, pas glissés, pliés, sautés, pas immobiles ou positions et pour finir, gestes de jambe. Avec cette notation vous ne pourrez pas noter autre chose qu’une danse debout et en déplacement qui correspond à la « Belle Danse » de cette époque. Malgré tout et c’est sur ce point que Laurence Louppe insiste, ce pas comme élément nucléaire à partir duquel tout se complexifie équivaut au degré zéro du mouvement et cette identification est pour cette chercheuse, l’invention de la théorie de la danse, de son analyse fonctionnelle. Le corps en mouvement peut ainsi s’analyser, il devient une langue qui peut se parler et s’écrire. En fait, il devient le support à de nombreuses lectures et transpositions en systèmes d’écriture. La notation comme langage porté sur le mouvement va même permettre l’avènement de la modernité en danse. Avec Vladimir Stepanov et son Alphabet des Mouvements du Corps Humain publié en 1892, on entend bien qu’il ne s’agit plus d’analyser un type de danse mais de donner une grille de lecture aux mouvements du corps humain. Chaque langue ou système d’écriture donne une certaine vision du monde. Ann Hutchinson Guest, américaine, notatrice Laban et chercheuse émérite, dans Dance Notation voit une corrélation entre la connaissance du système Stepanov par Vaslav Nijinski et Michail Fokine et la modernité des chorégraphies dont ils furent les auteurs. Autrement dit, cette notation comme système d’analyse leur a permis d’envisager le mouvement en dehors des codes des formes fixées et du vocabulaire classique. Ils deviennent auteurs de chorégraphies non pas en les notant comme au 18ème siècle mais en en inventant les mouvements. Ils ouvrent la modernité en danse en inventant un chorégraphe auteur de ces pas. Notons cependant que Nijinski, avait noté l’Après midi d’un faune, pièce qu’il crée en 1912 au sein des Ballets Russes, à partir du système Stepanov. Le chorégraphe et le notateur ne faisait alors peut-être qu’un…

Au sein du vingtième siècle, quatre grands systèmes d’écriture de la danse ont été inventé et font aujourd’hui école: Laban, Benesh, Eskhol-Wachmann et Conté.

Dans l’ordre d’apparition : manuscrit de cervera puis les notations Feuillet, Laban, Benesh, Eskhol-Wachmann et Conté.

Notice écrite à l’aide de:

Danses Tracées, sous la direction de Laurence Louppe, édition Dis voir, 1991.

Danse avec les signes, Par Marie-Christine Vernay(http://www.liberation.fr/auteur/9729-marie-christine-vernay) — 22 janvier 2007

Compte rendu du débat 1 – Auteur de Danses Aujourd’hui ?, au festival d’Avignon 2015 – Chorégraphes Associés

Notices du Centre National de la Danse, sur les systèmes d’écriture, Laurence Pagès, 2007.

Rest in pieces. Partitions, notation et traces de la danse. Myriam Van Imschoot in Multitudes 2005/2 (n°21)