© Marion Augusto et Lisa Schittulli

La terre tremble en direct sur Mayotte la 2ème

Publié par Lisa Schittulli

Journal du projet

Aujourd’hui nous nous installons dans la cour de l’école. Deux grands arbres à pains font de l’ombre dans cet espace qui est entouré de classes en rez de chaussée et au premier étage. Nous allons travailler en petits groupes et expérimenter ensemble performance et mise en scène avec des outils qu’on pourrait qualifier a posteriori d’objets relationnels. Il s’agit de récoltes glanées pendant nos balades - branches de bananier séchées et durcies, bois et écorces de différents arbres, rafia de plastique bleu arraché à la mangrove, toile peinte par les enfants…

 

Nous nous mettons en cercle et commençons par quelques jeux corporels. Un élève prend la pause avec un objet qu’il place par exemple sur sa tête, ou dont il se couvre. Le groupe doit alors suivre, chacun·e avec ses propres outils et leurs caractéristiques propres. Ainsi, quand le panier tressé forme une immense coiffe, la boule de rafia bleu se transforme en perruque.
 
Les enfants s’emparent très vite des objets et du jeu lui-même. Naturellement, ils prennent les choses en main et improvisent des scènettes : avec Famila et Nouranya en reporters chevronnées et leur micro/fruit, la chaîne de TV Mayotte la 2ème s’invente et rivalise avec l’officielle 1ère; Faïke, Ibrahim et Massoundi métamorphosés en rochers se mettent à trembler et la terre s’ouvre sous nos pieds, tandis que Houdaïdine, un instant perchiste, est soudain possédé par l’âme d’un vieillard - Bakoko*1 - qui transforme sa voix et ses gestes, laissant les autres enfants comme interdits. 
 
Se dessinent alors des personnages et des histoires qui apparaîtront dans la vidéo Vogue Archipel : il ne s’agira pas de rejouer en perdant la grâce de ce moment imprévu, mais plutôt de se réapproprier les images filmées d’abord comme des archives en les fictionnalisant par le doublage de nouveaux dialogues.
 
Ainsi, l’atelier de mise en scène s’est transformé en jeu où l’une s’est prise pour une randonneuse interviewée par la télé mahoraise, les autres pour des éléments minéraux en proie aux mouvements tectoniques de la planète, et les derniers comme des papis, des adultes, ou des enfants.
 
Une fois ces images visionnées et replacées dans le contexte du réel - celui d’une documentation - il fallait les retransformer à nouveau dans cette dynamique qui animera tous les ateliers : allers/retours entre réalité et fiction, palpable et invisible, jeu et sérieux… toutes ces dimensions tendues vers des revendications poétiques et politiques exprimées par les enfants du bout des lèvres, en criant ou en riant.
 
*1 Le grand père en shimaoré