L’espace circonscrit du jeu : l’abolition d’un monde habituel + Le déplacement des règles, des conventions

L’espace circonscrit du jeu : l’abolition d’un monde habituel + Le déplacement des règles, des conventions

Publié par Alix Boillot

Journal du projet
Première semaine à l'école, premières discussions, autour du jeu et de ses règles. Le matin, nous sommes en classe : nous discutons et je donne aux enfants des questions/exercices/jeux à faire.
Fin janvier, j'avais déjà rencontré la classe. "Madame, vous mesurez au moins cinq mètres." Ils me demandent si je suis actrice, si je connais des stars, si je vais beaucoup au théâtre, si j'ai des amis à Val-de-Reuil, si je vais prendre le train tous les jours, s'ils vont faire du théâtre. Ils me racontent ce qu'ils ont déjà fait en théâtre et en "expression corporelle". Je les retrouve quelques semaines plus tard au théâtre de l'Arsenal, à Val-de-Reuil. Les filles m'entourent, me posent à nouveau mille questions, les garçons restent assis sur les bancs du théâtre. Après la pièce, nous nous retrouvons en classe. Une petite fille me demande si je suis stressée de parler devant eux, elle me rassure : "ça va aller, moi aussi je suis stressée quand je dois dire ma poésie."
Comment serait la Terre, si elle n'était pas ronde ? (sélection)
Première semaine, les bases : le territoire et le temps du jeu, le (non) respect des règles. Nous listons ensemble des espaces (l'arène, le stade, la piste, le terrain de sport, la scène, l'écran, la marelle, le plateau de jeu, le tribunal, l'espace d'une communauté, le champ de bataille, la Terre, le pays, le continent, l'école, l'île) dont nous déterminons ensemble les règles. Ensuite : qui, ou quoi, pourrait enfreindre ou modifier ces règles ? Nous discutons ensemble du sens des règles, de leur nécessité et du fait que parfois, on peut les enfreindre, les déplacer, pour en créer de nouvelles. Les questions et les réponses de chacun révèlent beaucoup de leurs conditions de vie, notamment lorsque nous parlons des règles du jeu à la maison, et de leur curiosité du monde extérieur. Les enfants viennent de milieux différents, la diversité des réponses permet d'ouvrir leur curiosité à des cultures ou des habitudes autres. Beaucoup parlent des terroristes. Ensuite, je leur demande de dessiner une île, sa végétation, ses animaux et son climat. Ils doivent maintenant écrire les règles de cette île imaginaire, en autarcie au milieu de l'océan. Tous disent d'abord qu'il n'y aura aucune règle, puis après avoir discuté d'un monde anarchique, ils ajoutent quelques bases : "ne pas tuer", "ne pas manger les animaux", etc. Ils sont très rationnels, je n'ai que deux propositions plus poétiques : "ne pas déformer l'île" et "ne pas marcher sur le sable : il est fragile". Quelques uns parlent de religion. J'apprends peu à peu à les connaître au travers de leurs réponses aux jeux préparés avec Agathe Joubert, graphiste : Écrire le début d'une histoire ; Dessiner la fin d'une histoire ; À quoi sert l'imaginaire ? À quoi sert l'Art ? À quoi sert le jeu ? C'est quoi "jouer le jeu" ? ; Comment serait la Terre, si elle n'était pas ronde ? Ils sont encore assez rationnels, ou bien se réfèrent systématiquement aux mêmes choses, et principalement aux jeux vidéos et aux zombies. Les filles ont d'autres sujets mais restent assez sages. L'après-midi, nous descendons dans une grande salle, "la salle miroir" pour donner corps aux concepts discutés le matin.
Le début d'une histoire (Johnatan)