Je suis une enfant drôle pour les grillages

Publié par Mathilde Garcia-Sanz

Journal du projet
Littérature Poésie

Première semaine à l’école élémentaire de Nogaro.

 

Chaque jour nous faisons un atelier d’écriture, parfois en groupe, parfois en classe entière, nous choisissons des mots pour nous présenter et des mots pour nous représenter le monde.

Je leur parle de Sei Shonagon, de ses listes de choses ; les « choses qui font battre le coeur » ou les « choses qui tombent du ciel » ; les « choses contrariantes » et les « choses désolantes ». Je leur parle des nuances. Ils ne trouvent pas de différence entre les « choses effrayantes » et les « choses dont le nom est effrayant ». Ils écrivent, ils cherchent ensemble. Un élève propose de lister les « choses qui marquent pour la vie », quelqu’un écrit « cicatrices », un autre « une fois où j’ai quitté ma maison la nuit ».

Je leur parle d’Anne Waldman, de l’écriture et de la lecture à voix haute, des anaphores (ils connaissent, ils pratiquent avec la maîtresse). On s’échauffe à l’oral, chacun son tour on dit « Je suis un enfant » et on ajoute quelque chose : « Je suis un enfant banane » ; « Je suis un enfant roi » ; « Je suis un enfant exemple » ; « Je suis un enfant télé » ; « Je suis un enfant plat » ; « Je suis un enfant blanc » ; « Je suis un enfant noir ». La parole circule vite, les mots sont puissants. Je leur parle des pouvoirs magiques qu’on les textes parfois.

Je leur parle d’Inger Christensen, de son Alphabet, ils cherchent, trouvent, inventent des choses qui existent : « les alouettes existent » ; « les bougies dégoulinantes existent » ; « les confiseries en carton existent » ; « une dent expulsée existe ». Je remarque que l’ordre alphabétique comprime l’imagination de certains, on décide de l’oublier pour permettre à plus de choses d’exister.

Je leur offre un cahier, un cahier de grand, plus petit qu’un cahier d’école, avec des pages blanches, je leur dit que c’est leur carnet de recherche en poésie, qu’ils peuvent tout mettre là-dedans : mots, phrases, dessins, ratures, fleurs séchées, mèches de cheveux, portraits d’animaux ou de footballeurs. Ils me demandent s’il peuvent écrire sur la couverture, s’il peuvent écrire en couleur, s’ils peuvent écrire penché. Ils sont contents. Ils écrivent un poème en pensant à tout ce que l’on s’est dit cette semaine. Ils disent qu’ils ne pensaient pas qu’ils étaient capables d’écrire autant.