Il est important pour moi de parler de ce qui se passe en ruralité grâce à un objet artistique qui impliquerait des élèves. Cela fait plusieurs années que la Compagnie de la Joie Errante est basée en milieu rural, et je souhaite créer toujours plus de lien social. Ouvrir des espaces de réflexion, soulever des questions et susciter des émotions chez les enfants. Je souhaite interroger leur vision de la ruralité grâce à des rencontres avec des habitants, grâce à mes souvenirs personnels et aux leurs. Créer un moment de partage avec les enfants autour d'un quotidien qu'ils connaissent peut être peu. Qu'est-ce que leur ruralité? Comment s'imaginent-ils vivre dans 20 ans? Connaissent-ils le travail d'un agriculteur par exemple? Quelles images en ont-ils? Quelle serait la ruralité du futur ?
Initié en Avril dernier, le projet ''Vacarmes, ou Comment l'Homme marche sur la Terre'' est soutenu par la Chartreuse de Villeneuve les Avignon, Les scènes Croisées de Lozère, le Ciné Théâtre de Saint Chély d'Apcher, le département de la Lozère, la DRAC Occitanie, les Ateliers Médicis et le Ministère de la Culture.
En voici le résumé, au 20 Avril dernier :
Chapitre 1 : L’agriculture
Durée : 2h20
Mise en scène : Thomas Pouget
Avec : Valentin Clerc, Sylvain Lecomte, Thomas Pouget
Ecriture : François Pérache
Il y a une vraie urgence à parler de ce qui se passe en ruralité.
Faire un spectacle qui parle de ce qui se passe en Lozère, mais pas seulement. Parler de la décentralisation, parler de la vie qu’on mène en milieu rural, sur plusieurs fronts (la culture, l’agriculture, la peur de l’étranger, la montée des extrêmes, la difficulté de se parler parfois
entre villages, les querelles ancestrales, la détresse, etc…)
Créer un spectacle sur la ruralité est la continuité même de la décentralisation souhaitée par Vilar, Dullin ou Copeau.
Ce spectacle itinérant, facilement transportable, adaptable à tous lieux sera composé de trois comédiens professionnels qui travailleront sur la mise en place de cette forme avec au préalable un travail de recherche en lien avec les archives départementales et les habitants
du département.
Les moyens techniques seront réduits au maximum pour faciliter l’implantation dans certains lieux atypiques.
Le spectacle est conçu pour le jeune public (école, collège, lycée).
Ce projet s'est créé sur deux premières semaines de résidence centrées sur l’agriculture. Nous voulons ouvrir. Ouvrir des espaces des réflexions grâce à des figures, des scènes quotidiennes,
Soulever des questions et susciter des émotions nous semblent être le moins d’ancrage de l’esthétique du spectacle.
Nous voulons parler des problèmes et des beautés du monde rural en partant de nos propres réalités, de nos souvenirs personnels, de nos anecdotes pour aller vers l'intime et ainsi parler à tous les spectateurs.
Ce titre « Vacarmes, ou comment l'Homme marche sur la Terre » est une façon d’affirmer notre volonté de créer un spectacle engagé, politique au sens noble du terme.
Que chaque spectateur puisse prendre la parole.
Que la terre engloutisse les planches du théâtre, qu’on puisse la sentir, la toucher, la piétiner.
A travers la série d’entretiens que nous avons mené avec des habitants vivants en milieu rural, quelques points communs émergent et de grands désaccords nous apparaissent.
Toujours est il, qu’après le spectacle, interrogés, spectateurs, acteurs se rencontrent et échange à travers un débat.
Nous ne souhaitons, à aucun moment, dire que la culture vient au secours de l'agriculture : nous souhaitons offrir un espace de discussion, un temps de réflexion et de rencontres.
Il s'agira de s'écouter et de se parler.
Le travail qui anime Thomas Pouget est un travail d’épure. Les acteurs et le texte sont très souvent mis au centre du spectacle. Très peu d’accessoires et une scènographie légère et mobile.
Extraits d'écriture :
''J’ai eu une époque, plus jeune, où je crois que j’avais honte d’être fils d’agriculteur. A l’école, c’était pas tous les jours simples, j’étais très vite stigmatisé parce que j’avais pas les dernières baskets à la mode, le dernier jeu vidéo, la bonne dégaine branché. Et oui, mes parents
n’avaient pas les moyens de nous payer les dernières nouveautés. J’ai eu cependant de la chance, j’avais parfois des habits neufs, et mes frères ont hérité de beaucoup d’habits à moi.
Ce que je veux dire, c’est que ça met terrifie aujourd’hui de voir que déjà à 6-7 ans, on se catégorise entre enfants. Ma mère m’a dit plus tard que je leur avais dit ‘’Je préfère que vous soyez au chômage que vous soyez agriculteur’’. En terme de salaire, ça doit se valoir, en
terme de travail, pas du tout.
Plus tard, il y avait des clans. Quand ma soeur se faisait traiter de peau de fromage, que le fils du pharmacien ne voulait pas jouer avec moi, j’ai compris que le problème venait de plus haut.
Tout ça, c’est un problème d’éducation et de société.
A quel moment on a décidé que les paysans étaient sales, qu’on pouvait les appeler bouseux, qu’on ne respecterait pas le travail vital pour qu’on puisse manger chaque jour ?
A force d’entendre les autres le penser, moi, leur propre fils, j’en étais venu à penser que c’était un métier indigne et je reniais mes origines.
Je crois que ça s’applique à toutes les professions. Dès qu’on stigmatise, on se ferme des horizons.''
Je souhaite continuer à questionner cette ruralité mais cette fois à travers le regard des enfants.
Je suis moi même issu du milieu rural et je souhaite voir s'éveiller des consciences, rencontrer des jeunes êtres humains qui fatalement se questionnent sur leurs avenirs.
Après un spectacle fondateur autour du texte d’Olivier Py « Epître aux jeunes acteurs», le spectacle « Vacarmes » se veut une pièce-manifeste pour la compagnie de la Joie Errante résolument tournée vers la ruralité et implantée en 2015 par Thomas Pouget au coeur de la Lozère qui l’a vu grandir.
Après un important travail de collecte de témoignages locaux, trois comédiens en ont proposé une première restitution publique au printemps 2018. Thomas a alors demandé à François Pérache, avec qui il collabore régulièrement au théâtre et à la radio, d’écrire un spectacle à partir de ces témoignages et du travail de recherche au plateau.
A travers les enjeux quotidiens de la vie rurale, paradoxalement si proches des enjeux de société les plus contemporains, il y sera notamment question de la place de la parole dans un milieu qu’on dit « taiseux ».
Par le(s) artiste(s)