Quid - Musique d'exploration

Juliette et Paul sont dans un bateau…ça pourrait commencer comme ça :

Paul et Juliette se sont levés, ils ont enfilé leurs chaussures, ont rempli leurs sacs de machines multicolores, d’instruments miniatures. Ils ont gonflé le bateau, installé les rames. Juliette s’est mise à siffloter. Paul a remis son chapeau en place. Juliette lui a tendu un micro. Paul a frappé le sol avec. C’est parti ! 

Un matin de printemps alors que la nature appelle, alors que les minéraux scintillent sous la pluie douce, Juliette et Paul décident de parcourir le jardin de leur imagination. Ils préparent tout comme une vraie expédition : ils emmènent leurs dictionnaires de botanique et de minéralogie, leur loupe, leur casque, et leur lampe frontale. Sur scène, tous les deux, ils jouent de leurs machines tout en manipulant les faux rochers et les vraies encyclopédies, les forêts imaginaires et les vrais instruments. Mais au milieu de leur parcours, le danger gronde : l’orage, les grottes, la nuit noire les inquiètent. Alors ils vont jouer encore plus fort, pour se rassurer et se protéger des inquiétudes du monde, mais aussi pour en faire partie. 

La musique électronique, les champignons et peut-être quelques cailloux.

« J’en suis venu à penser qu’on pouvait apprendre beaucoup de choses sur la musique en se consacrant aux champignons. » C’est à partir de cette pensée du musicien John Cage, que nous est venue l’idée qu’il y aurait peut-être des liens obscurs à rendre visibles sur scène entre les forces et les voix de la nature, entre le pouvoir qui fait que les plantes poussent, que les glaciers craquent, que les minéraux prennent leur temps, et la musique électronique.

Nous voulons raconter la rencontre entre la musique et la matière minérale : comment elles dialoguent, se répondent, se font échos. Il s’agit de faire de l’expérience musicale de ce qui est apparemment silencieux pour développer l’écoute des spectateurs et faire voguer leur imaginaire.

La musique de Quid : thématiques, formes et objectifs.

 La musique de Quid se construit à partir de drones, de boucles, de musique concrète et d’improvisations au violon ou au synthétiseur. Elle est faite d’électro frénétique, de krautrock, de dance music… Elle dessine des atmosphères dans lesquelles il faut plonger tout entier. Elle sait aussi insérer des ruptures, des reprises, et des moments pour rire. C’est une musique faite par des machines mais qui parle au corps, à la matière sensible. Il faut que les spectateurs puissent comme les musiciens ressentir l’envol d’une séquence ou la pesanteur d’un sample.  Nous portons également une grande attention à la spatialisation du son et à la transformation des sensations acoustiques. L’idée de l’exploration imaginaire sur la scène nous permet de transformer le son à mesure que l’espace se transforme et de transformer la perception de l’espace par les spectateurs au moyen d’une disposition des enceintes et des éléments de la scénographie.

Le geste et la machine face au paysage

Le travail de Quid, musique d’exploration naît du désir d’interroger la relation du musicien à son instrument et, dans le cas de la musique électronique, aux machines dont on se sert. Nous nous questionnons sur la visibilité du geste et du corps des musiciens. En expérimentant la dissociation de ce que l’on écoute et ce que l’on voit, nous cherchons à renforcer la compréhension du jeu et de l’attitude ludique que nous croyons nécessaire à la création et à l’exécution de la musique électronique.

La situation d’exploration que nous inventons est destinée à renforcer cette interrogation sur le geste. Ainsi, le paysage de la nature que nous tâchons de reproduire sur scène nous permet de mettre en mouvement les corps : on ne joue pas pareil du clavier quand on doit ramper sous des monticules de sables ou escalader des cailloux posés sur la scène.

L’exploration de Quid est donc double, à la fois tentative pour dialoguer avec les formes apparemment inertes de la nature (cailloux, roches, cristaux ) à la fois mise en jeu physique des musiciens dans l’exploration des possibilités de la musique. Nous croyons à la nécessité de l’imagination et du jeu sur le plateau pour improviser, reconstruire des paysages sonores et expérimenter la relation musicien.ne.s-spectateur.rice.s

Commenter, interroger, parcourir et s’adresser.

Dans le spectacle Quid on ne s’interdit pas de parler, d’expliquer, de raconter et d’inventer des histoires à partir de la musique et du paysage. Si nous ne sommes pas acteurs nous pensons que notre présence scénique et les différentes explorations qu’on entreprend doivent pouvoir se ressentir comme un voyage à plusieurs, dans lequel on commente et on explique pas à pas notre démarche. Nous cherchons les mots simples et précis pour décrire un fragment de roche aussi bien qu’un drone sonore : ainsi nous lisons des définitions, commentons nos doutes, interrogeons amis et spécialistes. Toutes ces paroles figurent sur scène et construisent le fil de l’expérience.

Le spectacle passe donc de la représentation directe de l’expédition des deux personnages à des instants de commentaires, à des récits, des anecdotes et des conférences sur l’histoire de la musique et l’histoire de la minéralogie. 

Quid de Quid ?

Quid est un voyage sonore dans le paysage, une histoire encyclopédique du paysage qui traite les éléments de la nature comme des morceaux de musique et des cartes à parcourir.

Le projet entend favoriser les échanges entre ce qui s’entend et ce qui se voit, ce qu’on manipule et ce qui nous manipule. Paul et Juliette jouent double jeu : ils jouent (sont) les musiciens qui composent l’ambiance de ce monde proposé sur scène et les acteurs qui le découvrent et s’en émerveillent. Prenant la musique comme matériau principal de la création, Amélie et Victor, construisent un spectacle plastique et chorégraphique fait du bruit des échanges de Paul et Juliette.