Pendant la résidence Création en Cours, je vais réaliser un court-métrage d'animation, en stop-motion, racontant un voyage initiatique et onirique. Celui d'un petit être, d'abord sans visage, qui va se construire au gré des rencontres et des paysages qu'il traverse. Au fur et à mesure de son odyssée, à la lumière d'une lanterne qu'il porte toujours avec lui, les traits de son visage apparaissent. Le monde symbolique et étrange qu'il explore sera construit en six tableaux, chacun utilisant une de mes sculptures comme décor. Une partie du scénario sera écrite suite aux échanges avec les élèves : après leur avoir présenté le projet, ainsi que les bases de la technique du stop-motion, ils pourront participer au processus créatif. Il s'agira de définir avec eux les interactions que le héros aura avec chaque environnement et décider des personnages qu'il y croisera, et ce que ces rencontres lui apporteront. Les sculptures utilisées comme décors seront présentées aux élèves au sein de leur établissement. La majeure partie du tournage sera effectuée sur place. Les élèves de troisième cycle pourront ainsi découvrir toutes les étapes de mon travail de recherche et s'impliqueront dans plusieurs étapes de création.
Le court-métrage "L'autre visage" va mettre en scène un petit personnage sans nom ni visage (cf. les visuels) qui traverse différents paysages symboliques : une forêt, les débris d'une machine fossilisée, une ville immense et verticale, un désert de sable rouge où s'élèvent de hautes cheminées ou volcans (plus deux autres décors encore à définir). Les liens entre ces paysages et les défis environnementaux de notre époque sont représentés de manière symbolique. Cela pourra alimenter des discussions, pour lesquelles ma double formation d'artiste et d'ingénieur civil des Mines me confère un regard singulier et transversal sur notre manière d'habiter et d'interagir avec notre environnement. Dans chaque tableau, le héros fera une rencontre qui s'écrira de manière collaborative avec les élèves. Ces scènes seront filmées un peu à la manière d'un jeu vidéo de plateforme, un type d'images avec lequel ils seront sûrement familiers. Mais les rencontres s'établiront non comme des affrontements mais des découvertes, des échanges, des dialogues.
Le personnage principal est éclairé et éclaire les paysages autour de lui par une lumière qu'il porte devant lui, à la manière des poissons des abysses. Mais la lumière se teinte avec les émotions du personnage, et des lumières provenant d'autres personnages viennent éclairer différemment chaque scène : si chacun est détenteur d'une vérité, il faut faire en sorte que la différence des points de vue soit enrichissante. Le protagoniste de l'histoire évolue ainsi de tableau en tableau, sur un horizon toujours incliné, qui grimpe, qui l'élève. Son visage se modifie, se complexifie à chaque rencontre. Le passage d'un tableau à l'autre se fait au travers d'un miroir, face auquel il découvre et accepte son nouveau visage.
L'histoire ne se déroule plus seulement sur un plan réel, où il traverse l'espace et le temps, mais aussi dans un "paysage spirituel" intérieur, puisque le héros apprend sur lui-même tout au long du court-métrage.
L'histoire racontée par le court-métrage est donc un voyage initiatique. Je souhaite ainsi faire réfléchir les élèves de troisième cycle sur une fable qui raconte le mécanisme d'individuation. Ce projet leur fera donc écrire les aventures rencontrées par une jeune personne en chemin vers elle-même. Il me semble en effet intéressant d'utiliser les moyens de la création artistique pour les confronter à cette mise en abîme, pendant cette période de transition qu'est la pré-adolescence.
L'animation par la méthode du stop-motion est une technique très riche, magique même, puisqu'elle permet de donner vie à des objets inanimés. De par cette capacité à faire rêver et son aspect ludique, elle est très propice à transmettre aux jeunes la passion de la création artistique.
Que ce soit en volume, en théâtre ou en audiovisuel, mon travail s'adresse à l'imagination, en transposant des problématiques contemporaines dans un monde fantastique et symbolique. Développer ce projet de court-métrage en le confrontant à l'imagination féconde d'élèves du troisième cycle va être une belle expérience, qui va faire évoluer mon travail.
En effet, réaliser ce court-métrage "L'autre Visage" pendant la résidence sera pour moi une occasion unique de rassembler en un seul projet différentes problématiques qui traversent mes recherches artistiques depuis plusieurs années. En utilisant plusieurs de mes sculptures comme décors afin de construire un monde complet, avec ses habitants, ses territoires, ses règles, le film court obtenu sera une manière stimulante de partager mon univers avec les élèves. De plus, cette façon de réutiliser des sculptures pourtant autonomes en les activant est dans la continuité de mon travail, puisque je les utilise généralement dans des performances et des pièces de théâtres. Je suis enthousiaste à l'idée de leur donner une nouvelle vie en tant que décors d'un film d'animation, médium qui me semble aujourd'hui le plus adapté pour cultiver leur portée symbolique.
De plus, ce changement de lieu et de façon de donner à voir mon travail me permettra d'aller à la rencontre d'un public différent de celui fréquentant habituellement les lieux culturels. Je suis profondément convaincu de l’intérêt réciproque à aller à la rencontre des personnes les plus éloignées de la culture.
Enfin, l'idée du court-métrage que je propose ici me vient d'un projet au long-cours : film d'animation plus long, dont j'ai déjà le scénario, se déroulant principalement dans la sculpture "Ville" (cf. le visuel maquette n°1 et l'œuvre récente n°1). Avoir réalisé "L'autre Visage" sera aussi pour moi un moyen de démarcher des partenaires culturels et trouver des soutiens pour sa continuation et sa diffusion dans des festivals de films d'animation. Ce sera donc l'occasion d'enrichir ce grand projet personnel, qui me tient énormément à cœur.
La résidence, pilotée par les Ministères de la Culture et de l’Éducation, m'accompagnera dans ma volonté de vivre de la création artistique tout en lui apportant un sens social fort par les objectifs de transmission de Création en cours.
Cette expérience d'immersion intensive dans le milieu scolaire me permettra possiblement de confirmer mon attirance pour le milieu de l'enseignement, me confortant ainsi dans mon projet de passer (par vocation et non uniquement par besoin) le concours de professeur territorial d'enseignement artistique.
Ille-et-Vilaine
Par le(s) artiste(s)