Le projet proposé est un temps rapporté à celui de la fiction. A travers l’outil cinématographique, l’idée est de re-présenter un territoire, un paysage situé sous nos yeux et qui pourtant nous échappe.
Le projet « IMAGE PAR IMAGE » est né d’un questionnement large autour des outils de représentation dont dispose l’architecte, l’urbaniste ou le paysagiste pour imaginer et concevoir la ville contemporaine.
Il semble aujourd’hui acté que nous sommes entrés dans ce que Paul Crutzen appelle l’âge de l’Anthropocène. Cette crise de la modernité, nous pousse à réinventer notre manière de voir le monde. Nous ne sommes plus en dehors ou au dessus de lui, comme des êtres supérieurs, mais bien à l’intérieur du monde. Le progrès, les Lumières et les grands récits laissent place à l’incertitude, aux fragilités, à l’ambivalence. On cherche aujourd’hui à descendre de l’observatoire et à faire l’expérience du quotidien, à s’immerger.
Ce besoin de voir autrement redéfinit nos représentations. Aujourd’hui, les notions de ville et de campagne, d’urbain et de rural semblent impossibles à cerner, à spatialiser. Alors même qu’elles se multiplient, leurs limites sont floues, brouillées. La représentation des espaces urbains et ruraux se forge à travers la mémoire d’un temps révolu plus que par les sensations d’un territoire actuel vécu et nous oblige à nous orienter dans une zone d’invisibilité.
Questionner nos modes de représentations semble alors essentiel. Si l’architecte utilise depuis toujours de nombreux modes de représentation, tel que le plan, la coupe, la maquette… il nous faut aujourd’hui en inventer de nouveaux. Dans ce monde, où les échelles et les temps se tendent et de distendent, l’idée est alors d’imaginer des modes de représentations pluriels, subjectifs, discontinus offrant une multiplicité de points de vue, de possibles… Ne cherchant plus de vérités absolues, les outils de représentation doivent prendre en compte l’incertitude et la complexité émanant du territoire.
Nous partons du constat que le territoire de demain est très largement déjà là et qu’il nous faut le montrer : non pas à travers une image idéale, ni même un plan ou un modèle unique, mais bien à travers l’identification de réalités présentes ou possibles. À la lisière des grandes métropoles, là où l’urbanisation a englobé des fragments de territoires ruraux, là où les rythmes naturels et urbains se mêlent et s’hybrident, nous imaginons un projet de relecture. Ces territoires en marges, souvent délaissés ou même absents de nos représentations, expriment pourtant les enjeux du monde contemporain, plus complexes, plus déployés, plus riches.
Un projet à deux voies –architecture et cinéma-
Ainsi, la mise en place de nouvelles représentations passe par l’exploration d’autres champs disciplinaires. Loin de l’image de l’architecte, « savant-constructeur », le projet « IMAGE PAR IMAGE » propose de faire interagir les disciplines architecturale et cinématographique. Il pose la question de comment les arts numériques et le cinéma pourraient concourir à la transformation de la conception architecturale du territoire en un processus ouvert, davantage en lien avec la société. C’est aussi l’occasion de décortiquer les processus et les techniques cinématographiques pour en comprendre leur valeur. En effet, le cinéma porte à lui seul, les notions d’espace et de temps et leur imbrication. Il offre un cadre propice à la fiction, détournant ainsi le réel, le quotidien.
L’outil cinématographique et plus particulièrement les techniques du cinéma d’animation, nous permettront la réinvention de ces espaces du quotidien et des pratiques qui leurs sont associées. Il ne s’agit pas de proposer une simple promenade filmée, où les espaces deviendraient de simples images numériques mais bien de construire grâce au « pouvoir de l’image » des fictions, des immersions visuelles.
Le cinéma d’animation, réalisé images par images nécessite un temps long. Il y a des temps d’études, où l’on décortique, décrypte les lieux, les habitudes, les cycles en place, les ambiances, les matières, des temps de recherche, historiques, sociologiques, puis des temps de créations, d’inventions. Le format « résidence » est alors une opportunité précieuse pour prendre le temps de faire naître une réelle production collective riche et profonde. A travers nos compétences complémentaires, nous poserons ainsi les bases d’une lecture collective. Fabriquée ensemble, cette lecture doit donner à voir un territoire habité: un palimpseste mêlant des éléments du présent, du passé, des éléments oubliés, cachés mais elle laisse avant tout place au rêve, à l’imaginaire, aux possibles du territoire de demain. Elle se construit collectivement, à travers le point de vue des habitants du territoire, des enfants des classes de CM1,CM2 ou 6ème, mais aussi des enseignants, des commerçants, des usagers de l’espace public…
L’artiste, l’architecte intervient ici, comme médiateur. Nous proposerons aux élèves, des clés de lecture afin d’identifier, de définir, de comprendre un fragment d’espace, de paysage puis d’en proposer une relecture.
L’idée est de regarder ensemble ce qu’on ne voit plus, les lieux oubliés, les lieux du quotidien. Ceux qui tellement ancrés dans nos modes d’habiter ne nous interpellent plus. Nous venons en tant qu’exploratrices enthousiasmées par la découverte de nouveaux lieux inconnus.
Cantal
Par le(s) artiste(s)