Appelé Fournitures, mon projet se résumerait à la création d’une nouvelle série de formes usuelles, des bancs, qui jalonneraient les espaces communs d’un l’établissement scolaire. Au premier abord, cette approche pourrait être affiliée au domaine du design : créer un volume à vocation d’assise, dont la conception et l’esthétique seraient liées à sa fonctionnalité : «La forme découle de la fonction». N’étant pas designer mais plasticien, mon intérêt se trouve ailleurs. Plutôt que de parler de mobilier urbain, je souhaite entreprendre un travail de sculpture et ainsi éclater les catégories. La fonction serait prise en compte, sans toutefois être le critère premier de ces formes construites. Chargées d’une aura conceptuelle, elles prendraient l’étiquette de «sculptures d’usage». Le meilleur moyen de comprendre une forme n’est-il pas de la créer soi-même? Je ne conçois pas cette résidence comme un simple transfert de mon atelier dans un nouvel espace. Je souhaite être l’instigateur d’un projet que les élèves pourront s’approprier en devenant des collaborateurs. Influencé par l’architecture moderne et l’invention du Plan Libre par Mies van der Rohe, la série Fournitures se composerait de sculptures issues d’un agencement de formes géométriques simples. Lignes convergeantes avec le bâtit environnant, impliquées dans un jeu d’emboîtement complexe dont l’équilibre en fait la particularité, hommage à une architecture référente... toutes les exploitations sont envisageables A la dimension sculpturale toujours en vigueur, il faudra réfléchir à un usage supplémentaire, celui d’un banc. Cela impliquerait une réflexion liée au contexte d’implantation de cette sculpture, vis-à-vis de l’architecture déjà présente, mais aussi au rôle du spectateur. D’abord projetées sous formes de maquettes pensées et produites par les élèves, ces sculptures actives seraient construites pour finalement êtres implantées dans l’établissement.
Une image, une forme créée par un artiste peut-elle posséder un avenir? Telle est ma question quand mon regard se porte sur certaines formes qui ont fait l’histoire de l’art, celles de la modernité en particulier.
Doit-on attribuer ces formes à une période donnée, ou celles-ci peuvent-elles êtres prolongées, portées par un nouveau contexte, sans toutefois négliger leur passé? Mon travail peut être compris comme un ensemble d’études référentielles. Il est lié à un processus autour duquel l’influence de courants de la modernité gravitent. Après une série de recherches qui me permettent d’en assimiler les clés, des formes sont reconstruites de manière nouvellement autonome et subjective. Au travail étroitement lié à cette histoire de l’art, ces déplacements et connexions me permettent d’appréhender l’essence de ces formes préexistantes, tout en questionnant le statut de l’œuvre «authentique», ou «véritable».
Pour Création en cours, je souhaite prolonger cette réflexion autour d’un projet participatif dans lequel les élèves seraient les acteurs de ce moment d’échange.
Dans l’emploi du temps d’un écolier, l’instant de la récréation est probablement le créneau le plus attendu. Ces moments libres permettent les retrouvailles, les échanges, et instaurent un temps de décompression avant la reprise du travail en classe. Cours, préaux, espaces communs sont autant de lieux qui caractérisent et permettent ce temps de pause. Il est d’usage dans de nombreux établissements d’agrémenter ces espaces par du mobilier. Leurs compréhensions et appréciations sont multiples : pouvant regrouper plusieurs individus d’un même groupe, socle d’une bande d’amis retrouvée pour quelques minutes, détourné en estrade pour les jeunes orateurs, en lit pour un camarde fatigué, en bureau pour l’élève consciencieux ou en retard... De cette idée de mobilier, je souhaite développer une recherche, un nouvel axe de réflexion que le temps de résidence Création en cours me permettrai de concrétiser.
Appelé Fournitures, mon projet se résumerait à la création d’une nouvelle série de formes usuelles, des bancs, qui jalonneraient les espaces communs d’un établissement scolaire. Au premier abord, cette approche pourrait être affiliée au domaine du design : créer un volume à vocation d’assise, dont la conception et l’esthétique seraient liées à sa fonctionnalité : «La forme découle de la fonction». N’étant pas designer mais plasticien, mon intérêt se trouve ailleurs. Plutôt que de parler de mobilier urbain, je souhaite entreprendre un travail de sculpture et ainsi éclater les catégories. La fonction serait prise en compte, sans toutefois être le critère premier de ces formes construites. Chargées d’une aura conceptuelle, elles prendraient l’étiquette de «sculptures d’usage».
Le projet Fournitures est né d’un constat sur l’appréhension des œuvres publiques. Il est aussi lié à deux temps forts de l’histoire de l’art : la modernité, aux travers de courants comme l’Art and Craft, le Constructivisme, De Stijl, l’influence de l’école du Bauhaus; et l’art minimal. Les artistes de ces courants portaient aux Arts plastiques, au design, à l’architecture, une même pensée, pouvant passer d’un domaine à l’autre sans négliger leur philosophie conceptuelle.
Dans l’espace publique, nombres de sculptures sont détournées de leur essence par les usagers. Elles deviennent tantôt assises, tables, modules de skate, terrains de jeux, etc... Une volonté qui n’est pas toujours celle de l’artiste, mais que l’espace commun invite et que le spectateur s’autorise. La compréhension de ces sculptures ne se trouve pas moins réduite, mais prolongée au travers d’une nouvelle lecture formelle qui s’allie à la dimension conceptuelle dont elles étaient déjà chargées. De ce constat sont apparues deux questions : pourquoi ne pas adjuger une valeur usuelle à une sculpture, sans toutefois négliger son sens? Si des sculptures sont perçues comme des bancs, pourquoi des bancs n’auraient-ils pas vocation de sculpture? Duchamp se servait d’objets domestiques (tabourets, urinoirs, pelles à neige...) pour composer ses sculptures, ses reday-made. Pourquoi ne pas en inverser le mode?
A cette problématique, se lie l’influence de nombreux noms de la modernité dont les pratiques pouvaient englober les arts plastiques et le design. En passant d’un médium à l’autre, de la contemplation d’un tableau à l’utilisation d’une table, la philosophie qui guidait l’esthétique restait semblable. Seul le statut était divergeant. Gerrit Rietveld appliquait le manifeste du néo-plasticisme de De Stijl dans la réalisation de ses chaises, Mondrian lui-même s’y était essayé. Même si il les a toujours différenciés, Donald Judd produisait aux côtés de ses sculptures, du mobilier dont l’esthétique était largement inspirée des premières, et inversement. Ses meubles étaient formellement limités à l’utilité qui les caractérisaient. Tous ces éléments et ces histoires m’insufflent cette volonté d’expérimenter ce type de forme.
Le meilleur moyen de comprendre une forme n’est-il pas de la créer soi-même? Je ne conçois pas cette résidence comme un simple transfert de mon atelier dans un nouvel espace. Je souhaite être l’instigateur d’un projet que les élèves pourront s’approprier en devenant des collaborateurs.
Conjointement à mon travail de plasticien, j’ai occupé un poste d’enseignant d’arts plastiques durant l’année scolaire 2015 - 2016, au collège Alphonse Allais de Honfleur (14). Parmi les séquences que j’avais proposé aux élèves (dans le cas présent, des élèves de troisième), l’un se nommait «Plan libre». Cet exercice débutait par une analyse d’exemples significatifs de l’architecture moderne. Était mis en évidence l’assemblage géométrique des formes et l’épure qui caractérisent ce mouvement. Le nom «plan libre» était tiré de l’invention de Mies van der Rohe, qu’il appliqua à la construction du Pavillon Allemand lors de l’exposition universelle de 1929 à Barcelone. Par la suite, les élèves devaient concevoir des maquettes à partir de morceaux de cartons plumes prédécoupés. Ces cartons de formes géométriques simples avaient tous des hauteurs standardisées. S’en suivait une série de tests d’assemblages dont l’aspect final prenait la dimension d’une architecture ou d’une sculpture. Tel un jeu de Kaplas, cette expérience mettait en évidence les multiples connexions possibles entre des formes simples. Ce cours était lui-même inspiré d’une séries d’expérimentations personnelles que j’avais effectué en atelier. Ambitions personnelles et pédagogies pourraient êtres concrétisées.
Dans le contexte du programme Création en cours et à travers le projet Fournitures, j’aimerai adapter cette même expérience. Le présent projet porterait les mêmes bases : une série de formes en carton plume seraient distribuées et transformées par un jeu d’assemblage. Toutefois, le contexte ne serait plus le même : à la dimension sculpturale toujours en vigueur, il faudra réfléchir à un usage supplémentaire, un banc. Cela impliquerait une réflexion liée au contexte d’implantation de cette sculpture, vis-à-vis de l’architecture déjà présente, mais aussi au rôle du spectateur. Les lignes pourront êtres convergentes avec le bâtit déjà présent, impliquées dans un jeu d’emboîtement complexe dont l’équilibre en fait la particularité, pourront être l’hommage d’une architecture référente... toutes les exploitations sont envisageables à condition d’identifier l’aspect et la fonctionnalité d’un banc. Il faut l’imaginer comme un puzzle dont les créateurs ont la clé, tout en gardant rigueur et raisonnement dans sa construction. Le temps de construction serait précédé d’un temps d’échange et d’analyse. Cet instant serait l’occasion d’étudier la dimension conceptuelle de l’art minimal (adapté aux élèves du cycle 3) : l’apport de la forme et sa compréhension avec l’espace environnant et le spectateur. «L’art ne doit pas représenter mais être» disait Donald Judd. Le but n’est pas de réitérer une œuvre minimale, mais de comprendre les influences de ce mouvement sur l’histoire de la sculpture et les enjeux communs au projet.
Dans ce contexte, les élèves deviendraient les acteurs de ce temps de résidence. Leurs réflexions seraient mises à contribution afin que ce projet, certes émanant d’une volonté personnelle, puisse toucher plusieurs créateurs, et à l’échelle de l’école, plusieurs individus. La notion de maquette prendrait tout son sens. La finalité de ce travail serait sa concrétisation en volume et son implantation dans l’enceinte de l’école. Ayant la volonté de m’impliquer et directement dans ce projet, j’ai le souhait de réaliser un des futurs volumes auprès des élèves, et d’assurer la réalisation de leurs desseins.
Une documentation relative à cette résidence (temps de rencontres, évolutions des projets de leurs dessins jusqu’à leurs constructions) serait visible sur internet au travers du site du collège ou grâce à la création d’une page dédiée. Son rayonnement et sa communication n’en sera que plus visible et simple d’accès.
Orne
Par le(s) artiste(s)