Mon projet initial consiste à réaliser une bande-dessinée sur le thème de la chasse au trésor. Le héros s’embarque dans la quête d’une merveille, non pas dans un pays exotique mais dans un paysage familier, son village. Sur un chemin semé d’embuches, il découvrira un nouveau visage du territoire qu’il parcourt chaque jour. Sur la façade d’une maison ou au détour d’une rue familière, une autre réalité s’offrira à lui. Cette aventure est celle que je souhaiterais faire vivre aux enfants. Faire parler les lieux ou objets de leur quotidien servirait de moteur narratif. Par le biais de différents jeux de dessin et d’écriture, ils créeront de nouveaux souvenirs et anecdotes propres à leur lieu de vie. Ce dernier dépassera la simple image de décors de fond et c’est vers cette sensibilité que je voudrais les amener. Cette matière nous servira ensuite à nourrir la création d’un guide illustré empruntant autant les codes de la cartographie et du jeu de société que ceux de la bande dessinée.
L’engouement pour les escape games voit naître de nouvelles formes de visite guidée dans les villes touristiques et leur cœur historique. Elles permettent de faire découvrir le plus souvent l’histoire d’une ville en traçant un parcours stratégique. En suivant les indications d’un carnet de route, les énigmes font avancer les participants pour débusquer les merveilles de la région.
Originaire d’un petit point sur la carte de France situé dans une zone loin d’être touristique, à savoir l’Indre, en pleine diagonale du vide, j’ai pour ce nouveau projet de bande-dessinée souhaité à mon tour en dévoiler les trésors à partir des différents endroits de ce territoire: ces paysages si plats qui nous font douter que la terre soit ronde, ces fermes abandonnées qui semblent encore respirer, cette sorcière du Berry qui se cache sous le tapis, ces petits bosquets qui ressemblent à de gros brocolis.
De cette faune locale aux allures si banales peut émaner tout un imaginaire. C’est dans cette démarche et ce même environnement berrichon que George Sand a inscrit sa Mare au Diable.
La thématique est trouvée mais bien des choses sont à établir pour cette nouvelle bande dessinée. Je compte expérimenter et jongler avec différentes formes de narration, que ce soit dans le traitement graphique et technique ou dans l’écriture.
Ces expérimentations ne doivent pas entraver la lisibilité de l’ouvrage final, elles nécessitent donc un retour critique extérieur constant. La création d’une bande dessinée nous laisse souvent seul face à notre bureau, les points de vue extérieurs se résumant pour ma part aux échanges avec l’éditeur et quelques personnes choisies.
Création en cours permettra en ce sens une nouvelle forme de collaboration avec les enfants. Leur regard sur l’évolution de mon travail, ainsi que le projet d’illustration et de narration dans lequel je les orienterai en parallèle nourriront autant mon processus de création que leur découverte du monde de l’édition. Ils seront amenés à passer eux même par toutes les étapes de création jusqu’à la parution du guide illustré de leur territoire (réel et fantasmé) sous forme de strips.
Cette parution est l'objectif final.
Jusqu'à l'atteinte de cet objectif, le but est de mettre les enfants dans la peau d'un auteur, en leur donnant les clés pour explorer leur imaginaire, le travailler et le retranscrire autant à l'écrit qu'à l'image, puis en les exposant à toutes les étapes, contraintes, et processus de création inhérent à la production d'une bande-dessinée .
Ce qui fait de la bande-dessinée un médium intéressant à exposer aux enfants, c’est sa pluralité. Elle permet d’aborder l’écriture, le dessin, la typographie, la colorisation pour ne former qu’un seul et même objet. C’est aussi cette multiplicité qui peu accroître le temps de création. J’aimerai montrer qu’il est encore possible dans cette société du «toujours plus vite» de donner du temps et de la place à la recherche pour de nouvelles formes de bande-dessinée. Cette démonstration se fera en plusieurs étapes.
Je commencerais par un échange avec les enfants sur leur rapport à la bande-dessinée, leurs lectures. Je ferai une présentation et la lecture de différents ouvrages allant de la bande dessinée où l’on est le héros, aux histoires muettes, en passant par le pop-up contemplatif, toujours en résonance avec les thèmes de l’habitat ou de l’enquête.
On pourrait ainsi penser, parmi d’autres, aux intrigues à choix multiples de Yvan Pommeaux ou aux maisons hallucinées d’Edouard Goray.
Sur la seconde étape viendra une présentation de mon projet, intimement lié à ma région natale.
Je les encouragerai alors à se présenter à leur tour par le biais du dessin mental de leur lieu de vie, ce qu’il y a d’important à y voir ou à y faire et si ils lui associent des histoires particulières. Ceci permettra de tracer une grande carte des lieux qui servira d'introduction à leur futur guide. Nous continuerons ensuite avec des expérimentations graphiques et narratives pour passer du lieu réel au lieu fantasmé.
Leurs recherches pourront être mises en résonance avec le cinéma pour ses jeux de cadrage, la peinture pour ses jeux de lumière, la littérature pour ses différences de styles ou encore le jeux vidéo et/ou de société pour ses systèmes narratifs. J’aspire à exposer cette frontière très poreuse entre la bande dessinée et d’autres univers artistiques.
Ces processus de création peuvent paraître ambitieux à mener avec des enfants. Mon expérience en milieu périscolaire grâce aux ateliers menés dans des centres aérés et à une formation vécue autour du «conte à lire, jouer et écrire» m’a permis de mieux évaluer les objectifs réalisables avec les enfants dans un temps et avec un budget donnés. Une pédagogie ouverte sur l’échange et des activités modulables selon l’évolution du projet seront de mise pour s’adapter aux difficultés d’assimilation et de projection des enfants dans le projet.
J’anticiperai donc les variables pédagogiques à mettre en place pour répondre à ces difficultés. Si ils n’arrivent pas à libérer leur imagination pour créer une réalité augmentée de leur entourage, des ateliers pratiques sont envisageables. Par le théâtre d’improvisation par exemple, en enfilant le rôle de guide touristique, je présenterais aux enfants une zone délimitée autour de l’école. A partir d’éléments architecturaux réels, une fissure dans le mur de la mairie, une maison biscornue, le nom banal d’une rue, ou une enseigne de vieux garage je composerai de nouvelles histoires fantasmagoriques, puis les inviterai à en faire de même, leur laissant la place de guide.
Des exercices ou activités sont ainsi prévues pour chaque difficulté rencontrée.
La finalité du projet pourra prendre différentes formes. La réalisation du guide illustré pourra se composer d’un seul et même livre ou d’une série de petits livrets proposant différentes visites soutenue par la carte des lieux.
La présentation du projet aux familles par les élèves pourra se faire par le biais d’une exposition scénographiée.
Par le(s) artiste(s)