Le projet « Contrefaçons », propose de réaliser des figures, de représenter des personnages ou encore de créer des paysages visuels ou sonores à travers l’emploi d’objets performatifs. Il sera question ici de s’approprier des objets et de les manipuler, de les modifier voire de les re-fabriquer. Dans Contrefaçons il y a bien sûr l’idée de copier à partir d’un modèle original, mais Contrefaçons sous-entend également le fait de contre-faire, d’aller à l’encontre de, de prendre une direction inverse ou du moins non conventionnelle, non établie. Il s’agira ici d’interroger le quotidien, de le remettre en question et par le biais de ces détournements, de faire émerger de la poésie au contact des objets. En d’autres termes de transformer l’ordinaire en extra-ordinaire. Il s’agira également d’étudier le rapport que nous entretenons entre le corps et l’objet, des standards qui en résultent et d’utiliser la performance afin d'opérer un changement de registre.
Le projet de performance que j’aimerais mener dans le cadre de la résidence création en cours s’intitule Contrefaçons. Derrière ce titre se cache une double perspective : celle de reproduire un modèle original et celle de contre-faire, de dé-faire, de prendre une direction opposée à la direction communément admise.
Nous nous baserons donc sur cet écart mimesis/inversion pour élaborer des performances à partir d’objets sélectionnés, impliquant ainsi une production plastique et corporelle. Nous nous attellerons à l’appropriation, la modification, la re-fabrication de ces objets ainsi qu’à l’interaction que nous pouvons avoir avec ces derniers. L’enjeu du processus étant d’engendrer des images, de créer des tableaux vivants, nées de cette relation du corps avec l’objet et de remettre en question les codes domestiques et sociaux. Contrefaçons est une manière d’employer les objets comme facteur de dérèglement et de réorientation de la perception.
En nous appuyant sur les mots de Pierre Reverdy : « plus les rapports des deux réalités rapprochées seront lointains et justes, plus l’image sera forte, plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique », nous tenterons à travers ce projet, d’opérer des métamorphoses poétiques, d’aller au-delà des apparences, de faire jaillir un potentiel sous-jacent, d’exprimer l’inexprimé. Ce projet permettra de s’autoriser d’autres modalités de pensée qui ne sont pas conditionnées.
Mes sculptures et performances reposent sur l’appropriation et la fabrication d’objets appartenant au domaine du domestique, de l’artisanat ou de l’industrie. Je transforme la nature de ces objets et les détourne de leur emploi habituel. Je leur ajoute des qualités supplémentaires qui provoquent des particularités hors du commun. Mes recherches et expérimentations se basent sur l’articulation corps/objets, objets/corps. Le corps vient détourner l’objet de sa fonction initiale, et génère un déplacement d’usage. Ces décalages créent des écarts subversifs non sans humour. Récemment, je m’intéresse aux objets qui sont multiples, qui offrent plusieurs fonctionnalités comme les shampooings deux en un. Ces objets ont été conçu pour répondre à des changements d’ordre économique et social (gain de temps, de place, facilité de transport, ergonomie) qui font écho à des problématiques sculpturales (espace, stockage, transport).
Je souhaiterais dans le cadre de cette résidence, partir à la fois d’objets propres à l’école, ainsi qu’à mon travail. Je crois au fait que l’enfant détient cette faculté de percevoir dans un objet ordinaire la possibilité de nouveaux usages, fidèles tant à son langage qu’à ses désirs.
En guise d’introduction, il s’agira d’éveiller les enfants au projet et à sa conception. Je profiterai des premiers jours de la résidence pour faire une présentation de mon travail, j’apporterai certaines pièces que j’ai réalisées afin que les enfants puissent apréhender de manière concrète ma démarche. Je ferai également un petit exposé d’auteurs qui m’ont inspiré dans le domaine de la danse, des arts plastiques et du cinéma, et qui leur permettrait d’acquérir certaines références et notions théoriques en histoire de l’art. Puis nous ferons connaissance à travers un jeu inventé par Robert Filliou et George Brecht qui s’appelle « Le Jeu des Objets » qui mêle collage et assemblage.
Suite à cette première étape, nous commencerons à mettre en place le projet en partant d’objets divers. Des objets qui gravitent autour de l’environnement scolaire, comme le cartable ou le bic à quatre couleurs ; mais aussi des objets sur lesquels je travaille actuellement tels que le filet de ping-pong ajustable, le plateau repas pliable ou encore le bonnet séchoir ; ou encore de l’objet que j’ai conçu pour ma performance « Sainte-Hélène » qui consiste en un accessoire inspiré du bicorne napoléonien distribué aux visiteurs du musée de l’armée à Paris. En fonction des effectifs et des désirs de chacun, je constituerai des groupes de travail. De même que le projet sera ouvert à d’autres objets amenés par les enfants.
Nous nous emparerons de ces objets, nous étudierons ensemble leurs caractéristiques physiques et techniques (comment est-ce fait ? en quel matière ? comment cela tient ? quels sont les mécanismes de fonctionnement ?) nous imaginerons d’autres qualités, nous les re-fabriquerons et pour finir nous jouerons avec nos inventions.
En effet, parallèlement aux étapes de fabrication, il s’agira de faire en sorte que l’objet pénètre la scène d’un théâtre imaginaire et bascule dans une toute autre réalité. Ainsi je souhaiterais développer avec les enfants un travail autour du geste qu’ils engageront avec l’objet qu’ils auront créé. Comment agir avec celui-ci ? Quelle attitude, quel mouvement dois-je adopter ? Comment habiter l’objet ? Ainsi remanié, les objets se transforment en véritable modulateur de mise en scène et de regard. Ils deviennent des catalyseurs d’actions spécifiques.
Nous composerons une écriture chorégraphique en travaillant avec les objets sur le rythme, les enchaînements de mouvements, de gestes, et les poses. Je montrerai à chaque groupe des exemples de partitions de chorégraphes contemporains afin qu’ils voient différents systèmes de notation. Ils pourront ainsi s’inventer leur propre partition et s’en servir comme un outil d’interprétation avec les objets.
Enfin nous réunirons nos productions au sein d’une scénographie. Celle-ci reproduisant le mobilier de présentation (portants, étagères, présentoirs, colonnes, tables) que nous trouvons généralement dans les magasins, qui sont eux aussi des lieux d’exposition (de marchandises). À la différence que le lieu d’exposition sera également considéré comme un espace scénique dans lequel nous activerons les objets présentés.
Par le(s) artiste(s)