Mon travail photographique s’intéresse à l’action de l’homme sur le paysage et à la redéfinition des usages et de la notion de territoires. Cet intérêt se porte principalement sur le paysage méditerranéen dans sa diversité et dans les lieux communs qui, ensemble, donnent une définition générale de ce territoire géographique et humain.
Mon projet dans le cadre de Création en cours est un projet avant tout de recherche qui passe par de la documentation, du repérage (déambulation, marche, découverte), et de la prise de vue. Je souhaite développer un projet de création au sein de l'établissement scolaire plus libre qu'un projet seulement photographique. Les élèves pourraient imaginer leur contribution sous toute forme artistique, et l’œuvre finale seraient ainsi aussi bien la création que la documentation du processus de création. Extraits de texte lus en classe, petit musée imaginaire des images marquantes, herbier... Au final, nous pourrions arriver à une représentation singulière du territoire d'implantation de la résidence sous une forme éditoriale qui regroupe toutes ces contributions.
Un de mes premiers contacts avec la représentation de la méditerranée a été les peintures de De Stael, de Ziem, de Bonnard..., quand j'étais enfant. J’ai été frappé par la façon d’arrêter les paysages, de cadrer. Les personnages les plus présents sont souvent typiques, mais parfois familiaux ou amicaux (on peut retrouver cette intrusion de l'intime dans les photos de Willy Ronis à Gordes qui rappellent les portraits réalisés par Bonnard de sa femme).
Après avoir évacuer de ma propre pratique les personnes pour me concentrer sur l’environnement naturel/artificiel, aujourd’hui, j’ai moi-même permis un retour ponctuel de personnes/personnages dans mon travail, notamment dans la dernière série Ceux qui ont compté les étoiles (...). Ils sont alors aussi bien pris pour qui ils sont (membres de ma famille, amis) que comme des marqueurs symboliques identifiés non pas dans un lieu mais dans un récit plus large où chaques lieux peuvent singulièrement se fondre dans une unité photographique. Mais même lorsqu’aucun personnage n’est directement photographié le paysage est encore animé, peuplé. Il n’y a pas de naturalité des lieux explorés mais bien une historicité humaine et un présent, celui du temps photographique.
Pour Création en cours, je souhaite développer/continuer un travail sur le paysage méditerranéen en écho aux récurrences importantes de ce territoire dans mon travail et dans celui des artistes contemporains. Je regarde depuis longtemps les représentations de Marseille, archétype français du monde méditerranéen (de la Grèce antique aux rivages sud) avec entre autres les travaux "Dos à la mer" de Geoffroy Mathieu, les situations plurimédias de Till Roeskens, ou encore les vidéos de gethan&myles et les oeuvres photos et vidéos de Valérie Jouve.
Suite à l’obtention de mon diplôme je me suis installé à Marseille. J'ai commencé à l’arpenter, comme une première étape et j'ai rapidement imaginé un travail qui me permette de pénétrer la ville, de la faire mienne. Il n’y a pas vraiment de banlieue qui entoure et contraint la ville. Loin du Grand Paris ou du Grand Londres qui absorbent concentriquement les extensions urbaines, Marseille ne peut que tendre des fils vers les villes au-delà des monts. Elle est naturellement délimitée avec trois échappées : l’Huveaune à l’est, le ruisseau de la Caravelle ou des Aygalades au nord, la mer à l’ouest. La contrainte est rocheuse, topographique, physique. J'ai souhaité travaillé le long du ruisseau de la Caravelle (nom tout à fait symbolique pour cette traversée du nord de Marseille en direction de la mer), fleuve devenu presque invisible et insignifiant avec l’arrêt des industries et le remplacement des cultures qui s’étaient installées à proximité. Il sinuait le long des collines, il suit aujourd’hui les aplombs des carrières abandonnées et des façades des cités. La Caravelle finit sa course dans le quartier d’Arenc-EuroMéditerranée en reconversion. Depuis quelques années, des programmes urbanistiques renouent un dialogue avec ce cours d’eau presque entièrement urbain. Sur 17 kilomètres, ce ruisseau trace un parcours à travers la métropole marseillaise dans sa diversité sociologique, urbaine, architecturale, géographique. Le ruisseau devient prétexte et progamme d’exploration d’une portion de la ville de Marseille. Ce travail a connu une première étape dans le cadre d'une conversation photographique avec Valérie Jouve, qui donne lieu actuellement à une exposition aux Rencontres d'Arles.
Je souhaite poursuivre ce travail sur les quartiers de Marseille du bassin des Aygalades tout en le connectant photographiquement au reste du territoire français de la zone méditerranéenne que j'explore depuis plusieurs années. Mon travail s'étend également aux rivages catalans et ligures. Dans le cadre de Création en cours, je m'éloignerais de la côte pour m'introduire dans l'arrière-pays. Arrière-pays qu'on veut présenter comme protéger, sauvegarder, à l'écart de certaines mutations mais qui, comme le montre déjà certains travaux artistiques ponctuels, n'est plus, ou n'a jamais été. En gardant en mémoire la mythologie de ce territoire, la genèse des lieux communs qui entourent la Provence, je m'intéresse à ces paysages dans la façon que l'homme a d'habiter le monde.
Je réaliserais la majorité de mes prises de vue au moyen format argentique, en format 6x7. Ce type d’appareil permet un rendu d’image riche et des possibilités d’agrandissement intéressantes.
Par le(s) artiste(s)