Au cœur de la nuit, dans les studios d’une radio locale, deux chroniqueuses se rejoignent pour leur émission quotidienne de libre antenne. Dans cette émission, des auditeurs appellent pour résoudre un problème, déposer une annonce, témoigner, faire une déclaration...
Peu à peu l’absurde prend le pas et vient perturber la routine de cette émission, on oscille entre fiction et réalité.
Partant d’une rêverie autour de l’essai « l’éloge du risque » de Anne Dufourmantelle, cette création sera un aller-retour incessant entre des témoignages récoltés ainsi que des figures littéraires et mythologiques.
Nous nous sommes rencontrées à l’Ecole Nationale Supérieure d’Art Dramatique de Montpellier. Notre envie de créer ensemble n’a fait que se confirmer au cours de ces trois années de formation. Nous avons fait de nombreux stages, notamment avec Julie Deliquet, puis Guillaume Vincent où nous avons découvert de nouvelles techniques d’improvisation et d’écriture collective. Ce sont ces approches que nous avons envie d’explorer et de nous approprier durant notre création.
Nous avons aussi toutes les deux un vif intérêt pour la radio et les enregistrements.
Aller récolter des histoires, des tranches de vie, des souvenirs ou simplement du quotidien est quelque chose qui nous inspire dans notre pratique théâtrale.
(Après l’école, Lison a fait une formation de création de documentaire radiophonique au CIFAP et a réalisé un premier podcast sur la religion, tandis que Barbara, en voyage à Londres, est allée enregistrer les habitants sur leurs souvenirs.)
Nous avons ainsi réfléchi à un processus de création mélangeant réel et fiction pour écrire et créer notre spectacle.
L’essai « Eloge du risque » de Anne Dufourmantelle, a été pour nous, une lecture fondamentale.
Anne Dufourmantelle, docteur en philosophie et psychanalyste explore, dans de courts chapitres, toutes les formes de la prise de risque. Son ouvrage est axé autour de la question : « qu’est-ce que risquer sa vie, à savoir prendre le risque de vivre ? » Elle y évoque la passion, la liberté, le rêve, la tristesse, l’oubli, la famille, la solitude ou encore le rire, la beauté et la croyance.
Nous nous sommes alors posé la question à nous même. Qu’est-ce que nous risquons ? Sommes-nous à la hauteur de la vie dont nous avions rêvé ? Avons-nous revu à la baisse nos aspirations ? A quoi rêve-t-on enfants ? Où est passé le temps où toutes les aventures étaient possibles, la vie rythmée d’actes audacieux, de bêtises faites avec joie et malice qui viennent affronter l’ennui et la monotonie du quotidien ?
Nous questionnons aussi le passage entre la fatalité et la liberté. Qu’est ce qui fait qu’avec nos conditionnements multiples, générationnels, familiaux, nos fidélités diverses, nos croyances, il peut y avoir des moments de conversion, de retournement qui font qu’une vie s’ouvre à nouveau ? Qu’est-ce que l’irrévérence ?
Notre spectacle sera donc une rêverie autour de ce livre, une enquête sur le risque.
Le livre « Happycratie. Comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies. » nous a aussi beaucoup interpellées. Dans cet ouvrage, le docteur en psychologie Edgar Cabanas et la sociologue Eva Illouz dénoncent l’injonction à être heureux quelles que soient les circonstances, ainsi que la manière dont le bonheur est récupéré par la société capitaliste.
Nous nous en inspirerons pour questionner la notion de bonheur en se réappropriant les clichés qui en découlent et les recettes préfabriquées que diverses nouvelles thérapies, coaching et livres usent pour prôner la réalisation de soi.
Notre pièce se déroulera dans les studios d’une radio locale, où se créé en direct une émission de libre antenne. Des auditeurs appellent pour évoquer des problèmes, témoignages ou questions qui les traversent.
Le but est de récolter, en amont, un maximum de témoignages pour pouvoir ensuite s’en servir.
L’enregistreur sera ainsi notre premier outil pour créer.
Il est important que cette création soit ancrée dans le réel, une sorte de théâtre documentaire qui s’échapperait ensuite vers une forme plus absurde.
Nous nous inspirerons d’émissions comme la libre antenne de Sophie Peters sur Europe 1 ou encore « remède à la mélancolie » où la présentatrice Eva Bester interroge un invité sur son rapport à la mélancolie.
Nous interviewerons alors différentes générations et des personnes de milieux sociaux différents, pour créer une pièce qui parle au plus grand nombre. La matière récoltée autour de laquelle nous pourrons articuler le travail sera donc des témoignages mais aussi des enregistrements d’ambiance, de discussions prises au vol et d’interviews avec des questions ciblées. La différence ou la similitude des réponses seront intéressantes à traiter pendant la création. Les enregistrements peuvent être très courts et anecdotiques, ou au contraire de plus longs récits de vie.
Sur le plateau nous nous emparerons de cette matière sonore et nous l’utiliserons de différentes façons pour tisser notre histoire.
C’est la nuit, comme d’habitude deux chroniqueuses prennent l’antenne de leur radio libre. Comme d’habitude, les gens appellent pour parler de leurs petits tracas, pour faire des annonces, pour poser des questions, pour parler de leur aspiration au bonheur, pour faire des blagues, pour demander qu’on diffuse leur musique préférée ou juste pour ne pas être seul au milieu de la nuit. En somme c’est une nuit normale. Mais peu à peu, ce jour-là, les questions deviennent plus métaphysiques, les chroniqueuses s’emballent, les auditeurs ne paraissent plus tout à fait réels.
Les deux personnages se laissent submerger par leur propre émission, on ne distingue plus qui elles jouent, elles se mettent elles-mêmes à inventer de nouveaux auditeurs de plus en plus inattendus. Les figures de Narcisse, Eurydice, de « L’homme dé » (Roman de Luke Rhineart où le personnage principal décide de jouer son destin aux dés) ou encore d’autres personnages (qui nous inspirerons durant la création), s’invitent dans le studio radio.
Un trouble commence alors à s’installer et donne une ampleur étrange au spectacle. Cette simple émission de libre antenne devient peu à peu une épopée romanesque.
Nous imaginons pouvoir jouer autant dans un théâtre que dans des lieux plus intimistes ou même en plein air, à la manière d’une radio qui viendrait s’installer pour quelques heures dans une ville.
Par le(s) artiste(s)
Par les participants