Saint Pons #03 - En couleur

Saint Pons #03 - En couleur

Publié par Carol Landriot

Journal du projet

Le mois de mars est chargé en trajets. Je suis de retour à Saint-Pons, une semaine après mon dernier séjour, pour pouvoir avancer les piñatas au mieux. Je commence à m’habituer aux deux heures d’attentes à Béziers pour attraper le bus qui m’emmène à Saint-Pons juste à temps pour commencer l’après-midi. Les jours rallongent et le village se fait de plus en plus accueillant, il semble se peupler au fur et à mesure que l’été approche.

Cette semaine j’ai un sac à dos chargé de papier crépon et de pots de peinture, de colle et de pinceaux : il va falloir commencer la couleur. L’angoisse de ne pas avoir fini à temps commence à surgir chez certains des enfants mais ils s’aident les uns les autres et les projets avancent bien. Certains finissent la structure pendant qu’on tente d’installer un plan de travail pour la peinture avec les plus avancés. Après avoir repris les bases de couleurs primaires, essayé de réguler tout le monde pour limiter les incidents acryliques et rassuré les plus inquiets, la machine est lancée. Ça frange, ça colle, ça peint, ça poile, ça décolle, ça scotche, ça recolle …

Il y a Ludwig, qui joue le dur du haut de sa classe de CM2, et qui a choisi de construire un cœur à frange dorées et blanches. Il y a Laura et Tom qui avancent sur les écailles vertes de leur serpent commun, Elvira qui décore sa pyramide jaune d’une Cléopâtre au trait, Judikaël et son énorme camping car aux multiples nuances de marron; il y a le visage orange et noir de Moreno avec ses quatre cheveux collés sur le haut du crâne, le nuage argenté et doré de Paloma. Brandon, Lucie et Benji font chacun un avion à leur façon. Basma la timide qui avance son bateau sans même qu’on la remarque alors que Kaëly peint sa serrure et sa clé en rose à grand renfort de commentaires à voix haute. Diego qui avance au gré de ses humeurs changeantes sur sa bouteille cassée pendant que les monstres cauchemardesques de Philéas, Noa et Evan commencent à émerger des bouts de cartons aux formes étranges. Mathis et Sohan ont repeint la salle en bleu plutôt que leurs larmes de papier mâché pour aller avec le rose que Yasmine a dispersé partout ailleurs que sur son nuage, simulant une partie de paint ball improvisée. La tombe de Louiza s’orne de frange violettes, jaunes et bleues pendant que l’iphone géant de Sacha se pare de jaune.

Sinon, j’ai fait du yoga avec les CPs, de la broderie avec Luce, les plus petits de l’école m’appellent toujours Carol-l’artiste, je commence à croiser les parents et les éducateurs de la maison d’enfants dont je reconnais la navette.

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Pendant ce temps je brode, après l’école, pendant le déjeuner, le mercredi, tentant tant bien que mal d’avancer la goutte d’eau qui fera déborder le vase en terre de ma piñata. Les sequins aux différentes nuances de bleu mais d’un seul blanc se rangent sur ma base, parfois très ordonnée, parfois volontairement dressés vers le ciel, imitant l’écume blanche qui se trouve au bas des cascades, se frayant une existence entre mes doutes et les tests.