Une première réunion pour comprendre dans quelle situation nous nous trouvons. Il nous faut comprendre dès le début que ce ne sera pas simple.
On nous annonce lors de cette réunion qu’il faudrait mieux venir avec un scénario tout fait plutôt que de passer par un fastidieux processus de recherche qui nous épuiserait nous comme les enfants. On nous assure qu’ils sont très turbulents et qu’ils ne supporteraient pas de passer par quelques moments de doute.
Mais en fait c’est pour ça que nous sommes venus, pour se laisser la possibilité de douter, d’essayer, de choisir une direction puis de rectifier le tir.
Il y a ensuite la question du nombre d’élèves. Deux classes, cinquante enfants. Et les heures de cours, comment caler nos temps avec les groupes de cinq, entre la piscine, l’allemand, les TAP, les sorties, les récrés, les jours offs ?
Notre recherche s’articule autour de la question de la fiction - documentaire : comment la fiction peut elle permettre de révéler le réel ? Comment l’école peut elle devenir un décor, où le film vienne donner la possibilité d’un pas de côté, pour les élèves comme pour nous ?
Mais ce travail demande du temps, beaucoup de temps, peut être même trop. Car le cadre fictionnel, nécessaire pour faire émerger ces moments ambigus, ne vient pas de soi. Nous cherchons un cadre très particulier. Un cadre à la fois lâche pour que les enfants puissent s’y engouffrer et se l’approprier et à la fois suffisamment balisé pour qu’ils suivent une trame.
Cette recherche nous passionne, c’est ce qui nous anime dans les films que nous menons. Nous souhaiterions pouvoir amener les enfants à une écriture commune, à une prise de recul sur ce qu’ils vivent au quotidien. Qu’ils parlent d’eux mêmes sans en avoir l’impression. Nous recherchons à cette étape des récits fictionnels, des histoires qui se passent à l’école et nous envisageons une étape d’écriture commune des scènes. Les enfants se mettent à imaginer des récits fictionnels que nous essaieront ensuite de mettre en scène et de filmer.
Nous avons choisi d’orienter notre projet autour de la question du commun. C’est le premier cadre que nous avons souhaité donner à notre travail.
Pour les ateliers d’écriture de scénario, nous décidons de travailler avec 6 élèves à chaque fois. Nous cherchons à mettre en scène des situations du quotidien en les intégrant dans un cadre fictionnel plus large : le vol d’un gouter, la dégradation du jardin collectif etc…
Ces cadres fictionnels nous permettent d’apporter un éclairage différent et de prendre du recul. Les élèves se prennent rapidement au jeu.
Nous avons également choisi très récemment, après avoir suivi un atelier de philosophie mené par une des professeurs, de tourner plusieurs scènes où nous évoquerons les thèmes du commun avec toute la classe avec des questions telles que : Est ce que c’est toujours bien de partager ? L’école rend elle heureux ? Est-il possible de ressentir la souffrance de l’autre ? etc…
Comme nous travaillons avec un grand nombre d’élèves (cinquante sur 2 classes) nous décidons de mener un travail complémentaire avec les deux classes : des petites scènes de récits fiction - documentaire avec la classe d’Émilie et des ateliers de philosophie filmés avec celle de Sonia. L’idée finale étant de créer une forme d’écho et de réponse entre les deux classes. La confrontation entre la réponse à des problématiques quotidiennes et des questions philosophiques universelles.