Dans le cadre de la résidence « Création en cours » je souhaite écrire un scénario d’un documentaire-fiction dans lequel la notion de l’espace commun et de l'école prennent une place essentielle. L'école deviendra un terrain de recherche des espaces et des personnages du film co-écrit avec les élèves. Je voudrais approfondir ma connaissance des mécanismes de scénario participatif ainsi que la façon dont le lien entre documentaire et fiction révèle des espaces, des groupes et des récits. De même, l’écriture en commun d’une fiction documentaire autour de l’espace de l’école et de l’environnement proche, en le transformant symboliquement, permet aux élèves de révéler ces lieux et de se les approprier.
Le projet artistique que je défends est en continuité avec ma démarche de cinéaste. Je souhaite approfondir ma compréhension des mécanismes de scénario participatif ainsi que la façon dont le lien entre documentaire et fiction révèle des espaces, des groupes et des récits. En partageant avec une école mon expérience de réalisateur je souhaite leur faire prendre conscience des potentialités du cinéma. En construisant avec leur aide une série de courts métrages, un film plus long ou un objet filmique qui reste à déterminer, je nourris ma pratique du cinéma participatif et expérimente plus profondément ce qui fait le coeur de mon travail. Selon moi l’école est un lieu idéal pour expérimenter car c’est, à son échelle, un village, où les gens se connaissent et se côtoient au quotidien. C’est un lieu de transmission d’un savoir qui a besoin d’être mis en pratique. Nous connaissons tous les canons des salles de cinéma, mais plus rarement avons nous l’occasion de passer derrière l’écran, de réfléchir à la lumière, aux cadrages, à la phrase qui vient d’être dite par un acteur. Selon moi, une prise de conscience de ce qui se joue au cinéma advient lorsqu’on s’y essaye et qu’on expérimente la réflexion en commun autour d’un objet inédit. Du scénario écrit ensemble, à la réflexion autour du jeu d’acteur jusqu’à la projection d’une réalisation commune, ce médium est extrêmement riche et formateur. J’ai l’habitude de travailler sur des lieux en cours de transformation, sur des chantiers qui révèlent progressivement un nouvel espace. Ici, de même, l’écriture en commun d’une fiction documentaire autour de l’espace de l’école et de l’environnement proche, en le transformant symboliquement, permet de révéler ces lieux et de se les approprier. Je propose donc de construire une réflexion partagée autour de l’école en mélangeant le genre documentaire et la fiction. Les enfants comme les professeurs ont beaucoup à dire au sujet de leur école, au sujet de ce qui les touche au quotidien, dans l’école ou aux alentours. Je souhaite faire travailler la spontanéité et l’improvisation, qualités propres à l’enfance. Les discussions sur le scénario et quant à l’école génèrent une matière qui sera ensuite utilisée pour imaginer un ou des films. Une fois cette matière collectée, je consacrerais mon temps de recherche à la mettre en forme afin qu’elle puisse servir pour le film. Le but de ces ateliers est de trouver une forme de décalage, une histoire fictionnelle qui vienne raconter les grands enjeux de l’école. J'ai animé de nombreux ateliers de thêatre d'improvisation pendant ma scolarité secondaire, c'est aussi la spontanéité et le jeu d'invention qui m'intéresse ici d'expérimenter. Je suis également très stimulé par le travail de recherche d'Augusto Boal sur le théâtre de l'opprimé. Le théâtre étant à la base du cinéma, il guide ma vision de la fiction et de ce qu'il est possible de faire à partir de situations très simples de la vie quotidienne. C'est en cela qu'il s'agit d'une fiction documentaire : c'est une forme qui permet de révéler ce qui n'est pas forcément dit d'emblée. Une parole qui peut prendre des chemins de traverse, qui s'exprime justement parce qu'elle passe par un prisme nouveau, entre le réel et l'invention. Ainsi, à partir de scénarios et de scènes existantes je leur proposerai de réfléchir à la façon dont ils veulent raconter l’histoire de leur école et leurs histoires personnelles au sein de celle-ci. Cette période d'écriture sera le coeur du projet. Le résultat dépendra de l'énergie des élèves et de l'alchimie qui se sera créée à ce moment là. Elles seront associées à des ateliers de mise en scène en situation : dans la cour de récréation, à la cantine, en classe etc... Toutes ces situations formeront soit un film long ( 30 -40 min) où se répondront et s'alimenteront toutes ces scènes, soit en plusieurs courts métrages. J'ai une préférence pour le film de long ou moyen métrage en ce qu'il force à trouver une cohérence, à travailler un scénario qui se déploie dans la durée, à trouver une esthétique et une temporalité qui forme une unité du film. Une fois ce travail de scénario suffisamment avancé la phase de tournage d’une partie des scénarios débutera. Mes expériences, surtout avec des enfants de leur âge, m’ont démontrées que l’énergie propre au tournage est fondatrice d’un nouveau rapport au groupe et à l’environnement qui nous entoure. Qu'il s'agisse d'un travelling ou d'une scène avec une grue tout le monde est intrigué par ce qui se trame et veut souvent en faire partie. L'effervescence suscitée par une scène où une bande d'enfant suit une caméra dans le coffre ouvert d'une voiture est exceptionnelle. Je crois beaucoup que c'est en faisant ensemble que des relations se nouent, c'est du moins ce dont j'ai été le témoin lors de ces tournages. Une fois cette phase de tournage bien avancée, il s’agira de commencer le montage des images, en partie seul et en partie avec les enfants. Seul, je tenterai de construire un cadre dans lequel ils pourront venir donner leur avis et ainsi nous permettre de retravailler les images en commun. Ce travail de montage en commun me semble indispensable, même si il est à moduler en fonction du temps qu'il nous restera pour le travailler ensemble. C'est par le montage qu'on comprends les relations entre les scènes, l'intérêt de jouer sur le champ contrechamp et toutes les possibilités offertes par une suite d'images imaginées et tournées ensemble. Cette partie de montage est d'autant plus expérimental qu'habituellement le montage est un "art" solitaire ou en binôme. Il s'agit ici de voir ce qu'il est possible de faire en groupe, quelle est la taille qui convient et quels sont les enjeux liés à un montage collectif. J'envisage de monter en groupe restreint afin de pouvoir au mieux partager mon expérience et permettre à chaque enfant de véritablement comprendre les potentialités de cette discipline. Enfin, une fois la phase de montage terminée, la phase de restitution consistera en une explication par les enfants au public, du chemin parcouru. Je souhaiterai qu’ils mettent l’accent sur les processus qui nous ont amené aux films et à la nouvelle image qu’ils auront le sentiment d’avoir construit sur leur école. Je souhaiterai, en fonction du lieu et de l'implantation de l'école, faire une projection en extérieur, afin que l'environnement (lumières, voitures, passants...) s'intègrent d'une façon ou d'une autre aux images imaginées, tournées et montées par les enfants. La projection finale des films me semble importante mais ne doit pas être la finalité de ce travail, la question du processus et du travail en collectif en sont les clés de voute.
Vaucluse
Par le(s) artiste(s)