Séance d'écriture

OÙ ON COMMENCE À ÉCRIRE (1)

Publié par Théophile Dubus - Cie Feu un rat !

Alors donc, j'avais compris que je voulais travailler, à travers les monstres, sur la notion d'AMBIVALENCE. Pour ce faire et bien faire le lien avec mon histoire de Mère-Ogresse, j'ai choisi de préciser le thème de ma résidence : désormais, il s'agit bien de deux termes, MONSTRE et FAMILLE.

Je suis revenu en février à Charmont-sous-Barbuise, et j'ai soumis cette idée aux élèves. Puis, toujours en demi-groupes et pendant deux jours, on a commencé à écrire.

Joseph Merrick
Joseph Merrick - dit Elephant Man

LE POÈME DU GROUPE JOSEPH MERRICK

Le premier groupe a eu comme tâche d'écrire des poèmes inspirés de Joseph Merrick, qui devaient commencer par "Nous sommes les soeurs, les frères de Joseph Merrick". Avec les poèmes réunis, j'en ai créé un nouveau, composé de vers pris dans chacun des textes. J'ai été un peu comme le Dr. Frankenstein, qui crée un nouvel être à partir de différents éléments. 

Et voici le poème en question :

Les sœurs et frères de Joseph Merrick, dit « Elephant Man »

Nous sommes les sœurs, les frères de Joseph Merrick.

Nous sommes nés en Angleterre. Notre frère a une malformation. Il a des bosses sur le crâne, des gens l’appellent Elephant Man.

Elephant Man, c’est un prénom débile à notre goût. C’est les gens qui le lui donnent.

Notre mère était enceinte de Joseph et puis elle est morte elle s’est fait écraser par un éléphant. Plus tard, Joseph disait que c’est pour ça qu’il était déformé.

Mais notre belle-mère ne « veut pas de monstres » dans la famille et elle a fait expulser notre frère de la maison.

On aurait préféré qu’il reste avec nous, mais bon.

Notre frère n’est pas un monstre mais un homme fantastique. C’est le plus fort, on imagine. Il nous raconte plein d’histoires, c’est le meilleur grand frère de tous les temps.

C’est un ange merveilleux.  Nous sommes comme lui : des anges.

Pendant toutes les saisons, nous attendons son retour. Bientôt ensemble nous volerons dans un ciel ambre. Nous nous envolerons.

On a de la colère en nous, que notre frère Joseph Merrick, il est mort à cause de sa maladie, il avait que 27 ans.

Un frère ce n’est pas pour longtemps. Nous pleurons sa disparition.

Nous nous appelons Candice, Jean-Marquis, Jean-Michelle, Jean-Mars, Jean-Merci …

Nous sommes comme notre frère. Nous on a deux pieds, deux bras, deux mains et lui il a deux pieds, deux bras, deux mains comme nous.

Nous avons des bosses sur la tête, sur les mains, sur les pieds, un œil à la place de la joue, la joue à la place de l’œil, comme lui.

Nous sommes déformés et nous en sommes fiers. Notre maladie, c’est de la chance.

Entre frères et sœurs, on s’amuse, on rigole et on s’aime.

Joseph Merrick, c’est notre frère.

L'esprit de la ruche, Victor Erice
Une image de L'esprit de la Ruche, de Victor Eric, que j'ai montrée aux élèves pour trouver de l'inspiration.

LE GROUPE CRÉATURE DE FRANKENSTEIN

Avec l'autre groupe, c'était presque la même chose, sinon que le poème devait être inspiré de la Créature de Frankenstein, et commencer par "Nous sommes les enfants du Docteur Frankenstein".

Et voici le poème en question :

Les enfants de Frankenstein

Nous sommes les enfants du Docteur Frankenstein.

Pour nous faire : il a fallu du temps.

Le Docteur Frankenstein nous a créés : on peut le remercier.

Le docteur nous a créé avec des composants humains, des cadavres, et fabriqués avec de l’électricité, de la foudre, des lampes vertes.

Et il nous a formé avec différentes lumières et tout ce qui se trouve dans la terre (même les poubelles) et encore plein de choses.

Quand la foudre nous a touché, nous nous sommes réveillés, et nous avons commencé à bouger, et nous nous sommes levés.

Et il nous a parlé. Et il nous a demandé de nous asseoir ; et on s’est assis.

Nous avons peur du feu mais nous on est gentils mais ils ne le comprennent pas.

Nous sommes terrifiants et nous aimons ça.

Notre père est fou, mais très intelligent

Il est méchant avec nous.

Il crée plein de créatures. Nous : on crée plein de problèmes

Si on pouvait être comme notre père, ça nous arrangerait de tous nos problèmes.

Nous serons professeur comme notre Papa – notre Papa est docteur et c’est chouette ; et nous serons chouettes quand on sera professeur.

On habite loin. Plus loin que vous. Plus loin que tout le monde

Nous sommes heureux. Heureux comme des cœurs.

On a plein d’objets. Objets hors-du-commun.

Et un jour : nous avons disparu.

 

OÙ ON PRÉPARE LA SUITE

Je suis content et admiratif de ces poèmes, ils me donnent envie de travailler encore. J'y aime leur caractère indécidable : est-ce que c'est cruel, est-ce que c'est tendre ? J'ai trouvé très intéressant de les découper et recoller ensemble. Il y a des vers que je serais incapable d'écrire - et dont j'ai justement envie de m'inspirer pour ma propre écriture. Parce qu'ils sont simplement bizarres. Ou bizarrement simples.

Bon, et alors, comme je savais que, bientôt Quentin Bardou allait nous rejoindre, j'ai décidé que, ces poèmes, ce serait notre premier support de jeu : les élèves allaient les apprendre et Quentin et moi, on allait les diriger.

Mais ça, je le raconterai plus tard.

A bientôt ?