Nos ogres et nos ogresses (et autres monstres intéressants)

Nos ogres et nos ogresses (et autres monstres intéressants)

En 2017, j'ai mis en scène ma pièce Truelle (une histoire d'enfant triste). Cette comédie abordait, à partir du destin d'une adorable petite tueuse en série et de ses deux mamans, des sujets dits "graves" - en gros : la mort, le deuil et le mensonge. Malgré la noirceur de son propos, j'ai constaté que la pièce rencontrait formidablement les plus jeunes spectateur·rice·s, les faisait hurler de rire (littéralement !) et amorçait des dialogues et des réflexions fertiles.

Ces rencontres ont confirmé mon intuition que les spectacles tout/jeune public ont tout à gagner à prendre le taureau des peurs par les cornes, à ne pas censurer leurs sujets sous prétexte que c'est "pour les enfants" et à inviter à se confronter librement aux difficultés, même les plus tragiques. La seule limite que je m'impose (et la seule différence avec les pièces que j'écris à destination des adultes) est l'interdiction absolue d'être désespéré ou désespérant.  

C'est dans cette lignée que j'aborde aujourd'hui le projet Leur ogresse de mère (une histoire de famille effrayante). La pièce n'étant pas encore écrite, il est fatalement difficile d'en parler. Je sais simplement qu'elle sera pensée pour quatre interprètes (le chorégraphe et danseur Daniel Larrieu dans le rôle de Pélagie l'Ogresse, les comédiennes Olga Mouak et Mathilde Panis dans le rôle de ses deux filles, Perruche et Pervenche, et le comédien Quentin Bardou dans le rôle du Bon Fé), qu'il y sera question d'une mère Ogresse esclave de ses appétits, de ses deux filles qui n'ont pas du tout envie d'être mangées (par leur mère ou par n'importe qui) et du Bon Fé leur parrain qui veille. Dans un univers de conte de fées, j'ai à nouveau envie d'explorer un registre de comédie acide et mélancolique où la gravité dialogue avec la légèreté. Enfin, je crois que la pièce ira chercher du côté des peurs, de la joie qu'il y a à les surmonter - et du plaisir ambivalent qu'il peut y avoir à se faire peur.

Le projet que je soumets pour cette "Création en cours" s'articule donc principalement autour de l'écriture de cette pièce, avec l'objectif d'aboutir, en fin de parcours, à un premier jet du texte. Des temps d'échanges et de lectures par et avec les élèves et leurs professeurs rythmeront mon propre travail et me permettront de partager l'expérience et la dynamique de l'écriture théâtrale : comment on construit les choses, comment elles se structurent, comment des impasses obligent à changer de direction, comment des intuitions s'avèrent justes, etc ... Enfin, une lecture publique, donnée par les comédien·ne·s susmentionné·e·s, viendra clore la résidence.

En amont puis en parallèle, j'inviterai les élèves à s'emparer avec moi de la question des monstres. A travers des ateliers et des exercices menés pour et avec les élèves, je mènerai un travail de réflexion, de dialogue, d'écriture (collective et individuelle) et de mise en scène d'une petite forme, présentée publiquement elle aussi à l'issue de la résidence.

Le travail avec les élèves s'organisera en plusieurs temps forts :

- une lecture d'un de mes précédents textes : occasion de découvrir le type de texte que j'écris, et d'échanger avec les élèves sur le spectacle en particulier, et sur l'écriture et le théâtre en général.

- ateliers dramaturgiques : collecte et partage de matériaux (contes, livres, films, pièces, tableaux, souvenirs, idées ... ) autour de la thématique des monstres (et plus particulièrement des ogres et des ogresses) ; identification de thèmes et de possibilités ...

- ateliers d'écritures : nourries des ateliers dramaturgiques et à travers des exercices simples et des protocoles de travail ludique, expériences individuelles et collectives de l'écriture théâtrale.   

- ateliers de jeu et de mises en scène : à partir des écrits des élèves, mise en jeu et en scène d'une petite forme théâtrale par et pour les élèves.

- partage de l'écriture : rendez-vous réguliers pour confronter mes avancées sur la pièce Leur ogresse de mère (une histoire de famille effrayante) aux avis et retours des élèves et de leurs professeurs.

- Présentation et représentations : pour conclure la résidence et en rebond de la lecture du premier jet de Leur ogresse de mère (une histoire de famille effrayante), représentations publiques de la petite forme théâtrale.

Ce travail prendra donc des formes et des aspects variés au fil de la résidence, mais sera néanmoins organisé autour d'un axe solide, et permettra à chacun·e de s'impliquer personnellement dans le processus de création et de se poser de manière créative la question : "qui sont mes monstres ?".