Écouter AC/DC en tracteur

Écouter AC/DC en tracteur

Publié par Maëlle Dequiedt

Journal du projet

Première semaine de résidence à l'école de Fours

Nous voilà à Fours, village nivernais de 658 habitants. Cette semaine, je suis accompagnée de Heidi, scénographe de notre compagnie. Nous posons à l’école nos valises pleines de livres, d’ordinateurs et d’enceintes. On rencontre les élèves de CM1-CM2. Ils sont quatorze, curieux de notre présence et avides de faire avec nous.

ll s’agit avant tout de trouver un moyen de communiquer, une porte d’entrée entre leur univers et le nôtre. On entreprend de poser les bases du projet pour eux, pour nous. Nous plongeons dans l’histoire de la musique pop-rock. Nous installons notre atelier de recherches documentaires dans la salle de réunion de l’école, que nous rebaptisons pour les six mois à venir la salle « JUKEBOX » . Nous tapissons les murs d’images, dates, titres musicaux et références sous forme de frise chronologique. Transformer ce lieu de leur quotidien, y laisser une trace. Faire le pari qu’ils se l’approprieront et qu’ils y viendront même lors de nos absences.

Pour les rencontrer, on procède avec chacun à une interview vidéo. Quand on a 9 ou 10 ans à Fours, quel rapport a-t-on à la musique ? Qu’est-ce qu’on écoute ? Et pourquoi ? Nous apprenons qui sont les idoles de cette toute jeune génération : Jul, Louane, Soprano, Kids United. Et aussi qu’on écoute AC/DC dans le tracteur de ses parents. Difficile de dépasser les laconiques : « J’aime parce que c’est entraînant. Je n’aime pas parce que c’est triste. »  Comment les faire parler de leurs émotions ? Leur rapport à la musique passe avant tout par le corps et le rythme. Il faut que ça bouge.

Au fil des récrés, les booms s’improvisent dans notre atelier. Ils font des pyramides humaines sur Irreplaceable de Beyoncé, une chorégraphie sur Poupée de cire, poupée de son. On parle de France Gall « Morte dans les bras de son fils » c’est le titre d’Ici Paris cette semaine. Ils grimacent à l’écoute de la voix éraillée de Janis Joplin. Se demandent si ce chanteur maquillé sur la photo -David Bowie- est une fille ou un garçon, le trouvent vraiment bizarre.

Ils retournent en classe et nous poursuivons la recherche. Les écrits des historiens et sociologues nous guident : Frédéric Bisson, Christoph den Tandt ou Larry Portis : « La musique populaire peut assurément jouer un rôle dans une stratégie de contrôle social par son influence médiatique qui se situe entre l'idéologie officielle et la conscience populaire. » Le champ est vaste mais le sujet se précise.

À la fin de cette première semaine, la rencontre a eu lieu et l’enquête est lancée. On reviendra avec le printemps, dans deux mois. En attendant, on laissera derrière nous ce jukebox de fortune : le petit poste de l’école et une clé usb remplie d’une trentaine de tubes. À suivre…