Le film se finalise

Développement et montage de notre film

Publié par Lawrence Vaigot

Journal du projet

Si le tournage était un moment angoissant le développement n’en est pas moins…

Développement en court
Développement en court

Entre notre imaginaire et la réalité, il y a toujours un fossé de taille variable et lorsqu’il s’agit de développer dans la salle de bain de Lawrence Vaigot, nous comprenons que ça sera beaucoup plus difficile que prévu. Effectivement la douche est plus étroite que nous le pensions et nous peinons à faire rentrer tous nos bacs de chimie.

Un labo photo peu ergonomique
Un labo photo peu ergonomique

Nous développons en inversible c’est-à-dire qu’à la fin de l’opération nous obtiendrons un film positif et non un négatif. Notre pellicule va subir différentes étapes avant d’arriver à son état final. Elle est d’abord plongée dans un révélateur qui comme son nom l’indique rendra visible l’image latente, révélant des grains noirs d’argent dans les parties exposées au soleil. Nous obtenons ainsi une image négative (c’est-à-dire que les partie claires apparaîtrons sombres et vise versa). Nous plongeons alors la pellicule dans un bain de blanchiment visant à éliminer ces grains d’argent afin de détruire le négatif provisoire, puis dans un autre de clarification afin de redonner la transparence au film. Nous exposons le film plusieurs minutes à la lumière directe. Cela permet alors d’exposer les parties qui ne l’étaient pas, donc les parties sombres. Les parties les plus lumineuses, elles ont déjà été exposées et blanchies, elles apparaîtrons donc plus claires, nous avons bien « inversé » notre négatif. Nous le passons alors dans le bain du deuxième révélateur qui cette fois révèle un positif que nous fixons grâce au fixateur final. Bien sûr entre chaque bain nous plongeons notre film dans de l’eau afin de bien le rincer (étape d’une importance capitale comme nous le verrons par la suite...) Il n’est pas évident de décrire d’une manière limpide, en quelques lignes, les différentes étapes du développement inversible et j’espère avoir été compréhensible. Bref, on développe quelques bouts d’essai avec différents temps de révélation et nous somme plutôt satisfait du résultat puisqu’une image apparaît !

Nos bouts d'essai nous permettent de choisir la durée du premier révélateur.
Nos bouts d'essai nous permettent de choisir la durée du premier révélateur.
La bobine encore dans sa spire va être enroulée.
La bobine encore dans sa spire va être enroulée.

Nous choisissons le temps de révélation final et c’est alors au tour de la bobine entière de naviguer dans les différents bains chimiques. Là ça devient compliqué, nous avions décidé de développer les 30m de pellicule en même temps dans une seule cuve étanche à la lumière. C’est la première fois que nous essayons ce procédé, mais nous nous mélangeons les pinceaux, la cuve se remplie très lentement si bien que nous ne sommes pas sûrs des durées, nous sommes serrés, tordus, il y a de la chimie par terre et nous avons la tête dans les produits… Nous finissons tant bien que mal le développement et lavons le champs de bataille. Nous faisons sécher la bobine puis l’enroulons. A ce moment nous nous apercevons que le film n’a pas été suffisamment rincé après le bain au permanganate de potassium et que des tâches apparaissent parfois… Nous sommes un peu déçu. Nous sommes toutefois satisfaits d’avoir mené notre expérience au bout, mais pour la suite du film il nous faut revoir nos exigences. Nous devons soit mieux aménager notre « labo photo », soit faire développer par une entreprise. Le temps s’est déjà trop écoulé et l’idée de nouvelles taches de permanganate nous pousse à ne pas développer nous-même les prochaines bobines. A notre connaissance aucune entreprise en France ne développe du 16mm inversible noir et blanc, nous le ferons faire en Allemagne.

Les fameuses tâches de permanganate visible sur l'image de droite
Les fameuses tâches de permanganate visible sur l'image de droite
Nous montons enfin nos images

Il n’y a plus qu’à attendre. Une attente un peu préoccupante puisque nos films vont beaucoup voyager et subir de nombreuses manipulations. Mais tout se déroule le mieux du monde et quelques mois plus tard nous recevons nos bobines et la numérisation sur une clef usb. Nous enregistrons la suite pour deux violons de Telemann que Camille et Lawrence interprètent. Il s’agit d’une suite retranscrivant quelques moments des histoires de Gulliver.

Nous avons tout, nous pouvons commencer le montage. Nous jouons avec les images, nous les faisons répondre à la musique, notes et plans se confrontent et s’agencent. C’est un réel plaisir de voir enfin se concrétiser nos rêveries.

Gulliver au Japon
Gulliver au Japon

Dans notre film deux parties seront finalement entièrement en animation. Bien que nos rêves nous poussaient à réaliser ces animations en utilisant notre caméra argentique, notre sens des réalités prend cette fois le dessus et nous réalisons une animation numérique. Numérique, oui, mais en utilisant des gravures et peintures tombées dans le domaine publique et ainsi libre de droit. Il s’agit pour la rêverie des Laputiens (scientifiques dégénérés sombrant dans des sommeils profonds et féconds en images halucinées) de faire déambuler Gulliver à travers différents tableaux d’époques, d’origines et de styles variés. Nous y ajoutons quelques éléments incongrus pour réaliser un ensemble bien dépareillé. Le bateau de Gulliver prend son envol et l’amène jusqu’à l’île volante de Laputa, dans son voyage il aura traversé Paris, le Japon et aura visité la Lune…

Gulliver passe devant la tour Eiffel, dans une tableau "accroché" au mur dans une gravure publicitaire.
Gulliver passe devant la tour Eiffel, dans une tableau "accroché" au mur dans une gravure publicitaire.
Nous animons la dernière mesure de la Chaconne des Lilliputiens.
Nous animons la dernière mesure de la Chaconne des Lilliputiens.

C’est une technique que nous ne connaissions absolument pas mais pour laquelle nous nous prenons d’affection. Nous sommes ravis de faire revivre des gravures anciennes, de leur donner du mouvement et d’y ajouter une touche de fantaisie. C’est aussi l’occasion de rendre hommage à la partition de Telemann, qui jusque dans la forme de la partition illustre les voyages de Gulliver. Ici, nous faisons danser les Liliputiens, des quintuples croches dans une mesure en 3/32, une valeur de temps très petite, jamais utilisée dans l’histoire de la musique.