Voyageurs endormis dans le train.

De Paris à Jausiers

Publié par Aude David

Journal du projet

Récit de cette première semaine dans les montagnes...

Une longue journée...

Dimanche 29 janvier

C'est le petit matin, Paris est calme. Ses habitants ignorent leur réveil et laissent soin aux touristes les plus matinaux d'habiter la ville déserte... Le bruit infernal d'une valise à roulettes traînée sur le bitume vient rompre le ballet des perches à appareil photo. Troublés dans leur collecte photographique, un groupe de touriste me lance un regard noir. Je me sens déjà étrangère.

Plus tard, la Gare de Lyon, la voiture 16, le siège 74 dans un "carré famille". Les individus avec qui je partage la vue de ces paysages changeants n'ont rien en commun. Un homme d'affaire penché sur un journal, un enfant déjà paré pour le ski et une jeune gloussant à chaque réception d'un SMS. Pourtant, nous formons une famille.

Grenoble. Un vent frais m'accueille à la sortie du train. Le froid. J'approche du but. Quelques jours plus tôt, la directrice de l'école de Jausiers avait particulièrement insisté sur l'amplitude climatique de la région et m'avait fortement conseillée d'investir dans de bonnes chaussures et une grosse "doudoune". Au souvenir de cette mise en garde, j'en conclue qu'il est temps que je m'équipe. Je m'habille d'une "doudoune" bleue électrique. Un côté année 80 qui me donnerait un air certain, celle qui connaît bien la montagne. Le regard insistant des voyageurs semble néanmoins vouloir dire autre chose...

Après des heures de train, de bus, d'attente, de questionnements intérieurs, j'arrive dans la commune de Barcelonnette où je fais la rencontre chaleureuse de Sophie Novara-Thévenet, directrice de l'école de Jausiers. Il fait nuit. Je ne vois rien du paysage. Et même si le soleil avait éclairé de plein feux la vallée de l'Ubaye, je n'aurais rien vu, les kilomètres avalés d'heures en heures m'ont rendu totalement aveugle.

Quelques minutes plus loin, je suis enfin à Jausiers.
 

Découverte de Jausiers / Temps de rencontre avec les élèves

Lundi 30 janvier - Vendredi 3 février

L'école se situe à quelques mètres de l'appartement que j'occupe. Il faut dire, tout est proche de tout à Jausiers. Le Proxi Market est voisin d'une petite boulangerie, qui elle-même est voisine d'un coiffeur, non loin de la boucherie-charcuterie située sur le petit chemin menant vers l'école.

Ce premier matin, je vois des montagnes sortir des nuages, autour de moi une chaîne de montagnes émerge d'une brume épaisse. J'assiste à un spectacle qui se joue depuis des millénaires. La crainte d'oublier cet instant unique me pousse à photographier de façon obsessionnelle tout ce qui m'entoure. Je repense au groupe de touristes rencontrés hier matin à Paris.

  Rencontre avec les élèves / Programme de la semaine

Avant cette première rencontre avec les élèves, nous avions prévu, avec Sophie la directrice de l'école, d'organiser cette semaine autour d'une présentation du cinéma d'animation. L'idée était que je puisse me présenter, expliquer le projet Création en cours aux élèves, leur montrer différents courts-métrages réalisés avec des techniques variées, puis leur expliquer le principe simple de quelques anciens jouets optiques, les ancêtres du cinéma actuel. Le projet étant au départ proposé aux élèves du cycle 3 (CM1, CM2 et 6e), Sophie me proposa d'élargir la proposition, et ainsi d'y inclure les CP, CE1, CE2. Au moins pour cette première semaine de présentation.

Nous avons convenu d'un emploi du temps : chaque matinée et après-midi, des petits groupes d'élèves plus ou moins grands viendraient me rendre visite et prendre place sur de petites chaises dans une salle qui m'était attribuée pour cette semaine, la salle du TBI.

J'ai rencontré la classe des CP de Sabrina (12 élèves), la classe des CE1 (8 élèves ) et CE2 (17 élèves) de Laurence et Fabienne, et celles des CM1 (10 élèves ) et CM2 (13 élèves) de Sophie.

Avant mon arrivée à Jausiers, j'avais pris soin de préparer une petite bibliothèque de courts-métrages d'animation, des disques de phénakistiscope, des Flip-books.

Chaque groupe d'enfants était relativement calme et très attentif ! Je leur montrais quelques-unes de mes réalisations animées et leur expliquais mon projet : réaliser un portrait subjectif de leur école en dessin animé. Les questions commençaient :

- Mais comment tu es arrivée jusqu'ici "Eude" ?

  - Tu vas nous filmer tout le temps ? Tu es venue en avion ? 

Durant cette semaine, je montrais quelques extraits du Hérisson dans le brouillard de Yuri Norstein, des phénakistiscope de Koji Yamamura, les poupées animées des artistes Emma de Swaef et Marc James Roels, les peintures animées de Florence Miailhe... Tous ces univers riches et variés donnaient lieu à de florissantes discussions et des questionnements. Ils semblaient curieux et participaient d'une manière très spontanée.

  - Vous voyez, on peut animer un personnage avec 12 images par seconde...

- Mais... ça fait beaucoup d'images... dans une minute, il y a...

- 720 images...

- Ohlalalaaaaaa (exclamation générale)

 

Découverte de Jausiers / Temps de rencontre avec les élèves
Montagne.

Dans les murs de l'école. Avancée de la recherche artistique...

Ce premier voyage me permettait d'investir cette petite école de montagne où je pouvais me dissimuler dans le fond d'une classe pour enregistrer des petites voix hésitantes apprendre l'italien, et filmer le silence lourd d'une classe plongée en pleine réflexion sur un problème mathématique.

Quand les enfants entraient en classe, que les courses-poursuites en trottinette avaient cessé d'être des voitures de police pourchassant des voitures de bandits et que le ballon n'était plus qu'une balle en mousse abandonnée dans une flaque d'eau, les montagnes, elles, ne bougeaient pas. Elles entouraient l'école de leur sérénité, d'un regard presque protecteur.

Au cours de cette semaine, j'étais vite frappée par ce paradoxe : un paysage calme, un décor façonné par le temps, puis d'autre part, l'énergie débordante, les mouvements vifs, le brouhaha continu des enfants.

Je commençais à faire quelques dessins du paysage.

Durant ce premier voyage très riche, j'avais déjà récolté de nombreuses matières sonores, écrites et visuelles pour mon film. Maintenant, il s'agissait de faire un travail de sélection puis commencer à dessiner et raconter ces instants vécus dans la vallée de l'Ubaye...

Dans les murs de l'école. Avancée de la recherche artistique...
Montagne.