fenêtre sur ciel, crédit photo de Morgane Fourcault

CHANGEMENT DE DIRECTION, ATTENTE ET DOUTE...

Publié par Antoine Raffalli

Journal du projet

La longue incertitude liée à un confinement inédit qui ne nous laisse que des questions sans réponses....

Nous sommes maintenant en avril. Confinés, chacun chez soi, dans nos petits foyers respectifs, qui ressemblent certains jours à des prisons. Adieu les montagnes Pyrénéennes, le fantasme du grand air pur… Ici, on s’asphyxie lentement. Nous sommes dans la grande ville, silencieuse comme une cathédrale, attendant et réfléchissant à comment ne pas se laisser vaincre par l’angoisse, la morosité et l’attentisme. 

Entre temps notre référente sur le projet, Ariane Vives, échange avec nous et se démène pour trouver des solutions. 

Pour nous l’essentiel est de continuer à nourrir le projet artistique. Celui-là et les autres aussi. Ce temps suspendu doit-il, peut-il nourrir notre créativité ou au contraire l’assécher ? Notre appartement se transforme alors parfois en château dans le ciel...

Je me lance alors dans l’écriture. À corps perdu. 

Retoucher les vieux textes, inventer les nouveaux, adapter les anciens. 

J’ai écrit une pièce qui doit (devait, devrait ?) se jouer en juin, je la ré-examine, la retouche. Il s’agit, comme dans L’Enfant Brûlé, d’une histoire de famille qui s’intitule Les 22 Décembre (Survivants) , elle parle également d’un événement traumatique et comment une famille tente d’y survivre, d’y résister. 

Évoquer le principe de résilience, de dépassement d’une épreuve traumatique. Dans une famille, la famille comme image de la société, comme première société qu’on rencontre. 

C’est donc des points de convergence dans le choix de mes projets. Comme un indice sur les obsessions qui m’animent, me donnent l’envie d’écrire, de mettre en scène des histoires. Ce temps-là suspendu me sert également à en faire l’analyse.

Hamlet Swedish Dog, notre projet avec Morgane, c’est donc cette histoire d’un jeune garçon qui compte les jours, les heures et les mois qui le sépare désormais du décès de sa mère. 

Il y a dans cette histoire, toute la question du temps qui s’écoule, de la solitude nécessaire pour permettre (au temps) de guérir, de combler le vide. 

Dans cette période, où notre propre rapport à la temporalité est bouleversé, où nous ne savons plus très bien les jours, les heures, et les mois (depuis combien de temps sommes nous là et pour combien de temps ?), je sens encore davantage la puissance de cette histoire intime de solitude, d’enfermement, des mois qui passent…

Néanmoins, malgré la force de l’histoire que nous portons, nous nous heurtons encore et toujours aux mêmes embûches dans notre questionnement dramaturgique. Faut-il adapter, réécrire dans une langue plus contemporaine ? J’ai décidé de m’appuyer initialement sur la pièce de théâtre que Stig Dagerman a écrit comme adaptation de son roman mais l’écriture (ou sa traduction) nous paraît désormais franchement démodée, je n’ai plus de doute sur le fait qu’il faut l’actualiser. Mais comment ? 

Nous tentons alors des réécritures des lettres que le personnage s’écrit dans le roman, et des dialogues issus de la pièce de théâtre : par exemple en changeant de prénom, Bengt devient Pierre, en créant des modifications de vocabulaires, des élisions, une tentative vers plus de modernité… mais rien n’y fait, les résistances sont partout. Et ces modifications ne sont que superficielles. Le mal est plus profond. Se pose alors, et de nouveau (chaque fois que le doute revient), la question de son adaptation : est-ce une oeuvre dont la dimension théâtrale, orale, est suffisante pour la faire exister sur les planches ? Ou ce roman ne mérite-t-il pas uniquement d’être lu ? 

Les questions se bousculent, les attentes s’éternisent, et le moral en subit logiquement les conséquences...