Photo personnelle prise lors de mon premier atelier à l'école (27 février 2024)

4 minutes à vélo

Publié par Myriam Rabah-Konaté

De mails en messages vocaux, en passant par des appels et de longs cafés, cette résidence a été nourrie de plusieurs et précieux échanges. Elle m’a d’ailleurs permis de réactiver certaines relations. Ci-dessous, je partage un mail envoyé à une artiste qui a résidé dans le quartier, à 4 minutes en vélo de l’école Maurice Genevoix où je suis en résidence.

1er décembre 2023

de : myriam

à : violette

objet : Deligny, un livre et le temps qui a passé

Chère violette,

Je ne sais pas si tu te souviens de moi : j’étais venue un jour, il y a plus de 2 ans déjà, à ton atelier, au 10 rue Saint-Luc. Je me baladais après le couvre-feu, et j’avais profondément besoin d’air. Un rayon de soleil était rentré dans ma chambre vers 17h50 et j’avais pris ça comme un élan pour sortir. Es-tu encore là-bas ?

Je me souviens très bien du jour de notre rencontre : je me suis arrêtée au 10 rue Saint-Luc face à une affiche où un certain Janmari, autiste mutique, était mentionné. J’avais tout de suite pensé à mon cousin marocain, Younès, atteint d’un handicap qu’on n’a jamais su nommer. C’est ce qui m’a fait rester quelques secondes de plus face à l’affiche, juste le temps que tu viennes m’ouvrir.

On a commencé à discuter et nous avions bu un verre (je me souviens que la bouteille sur la table était bleue). Tu m’écoutais parler de mon intérêt naissant pour la cartographie et sans rien dire, tu t’es levée pour aller chercher un livre que j’ai toujours avec moi : cartes et lignes d’erre. C’est à partir de ce livre de Deligny que j’ai commencé à découvrir que les cartes sensibles pincent une corde très singulière en moi, que je tends, je tords et j’emmêle depuis cette époque.

Cette soirée est l’un des souvenirs les plus lumineux que j’ai de cet espace-temps « confinement ».

J'habite désormais à Marseille et je t’écris un peu toutes ces choses qui me relient à toi car je serai l’an prochain de retour dans le quartier pour un projet de recherche- création que j’ai appelé « lignes d’erre / carto-chorégraphies de la cour de récréation ».

J’aimerais beaucoup t’en parler de vive voix, te rendre ce si beau livre que tu m’as prêté et que j’ai embarqué dans mes cartons sans penser à te le rendre. Et puis surtout prendre de tes nouvelles, manger un bout, se voir et discuter de vive voix.

je t’embrasse

Myriam
~ station du tramway T1 la courneuve - 8 mai 1945 ~