En métro, le Palais de Tokyo ne se trouve en théorie qu’à 36 minutes de l’école Maurice Genevoix. Un changement sportif à Saint-Lazare, une ligne 12 bloquée, un passage obligé par les ligne 13 et T3 bis bondées plus tard, le trajet se trouve rallongé d’une bonne vingtaine de minutes. En travaillant avec les enfants sur leur territoire, à travers la cartographie, la danse et les enregistrements sonores, j’ai voulu déplacer leur perspective et traverser Paris avec eux. Une expérience pour saisir ce qui peut relier ou séparer les espaces d’une même ville, à seulement quelques kilomètres. A l’image des poupées russes, où chacune d’entre elles représenterait une échelle spatiale, de la plus grande à la plus petite, nous avons appréhendé cette sortie comme un voyage social, artistique et géographique.
d’abord il y a le pique-nique, les sacs à dos
les gourdes
les chips
les sandwichs triangles
et les petits chocolats à offrir
ensuite, il y a la ligne 12, la ligne 9
mais en fait non
on recommence : la ligne T3 bis, la ligne 13 puis la ligne 9, un coup de chaud et on y arrive
des poufs à même le sol
les enfants s’élancent et se jettent dessus je trouve qu’ils dansent quand ils font ça tout est chorégraphie
tout est improvisation
du jus de pomme en guise d’accueil
« trop bon » dit Omar
« j’en reveux stp Myriam » dit Enzo
« ce matin, l’exposition est rien que pour nous. vous êtes VIP » dit Éléonore, les enfants s’exclament
devant l’Adidas Arena, quelques semaines auparavant
il y a avait une entrée VIP devant laquelle nous n’avions pas pu rentrer
en explorant le palais
les enfants observent l’espace depuis différents points de vue
tout à l’air très grand dans leurs yeux
dans les escaliers Fanta murmure à Léa
« mais c’est géant c’est un château »
Henri dit « pourquoi ça s’appelle le Palais de Tokyo ? c’est japonais ? »
avant d’aller à l’exposition, détour par le toit
encore un rooftop
mais pas aussi joli que celui du 47 rue de la chapelle
on épie depuis les beaux quartiers
j’aime partager avec eux ce nouveau point d’horizon
de hauteur
c’est ça que j’ai envie d’explorer dans la danse avec eux par l’imaginaire, par la physicalité
dans l’exposition, il y a les jardins de Gennevilliers, de Blida, il y a le Sahab Museum
le musée des nuages
le musée sans frontières
un musée virtuel
je lis « محترف السحاب » aux enfants
sur les murs de ce musée des nuages
ce sont les rues de gaza qui se dessinent
je ne sais pas ce que les enfants comprennent
mais ils regardent attentivement
et je me dis que ce moment restera longtemps inscrit en eux, ils sont silencieux
après le silence,
on se dirige vers l’atelier
on trempe les mains dans des bassines
on assemble des objets
on créé nos propres cartes postales en cyanotype
je me demande à qui ils pourraient les envoyer
je me demande ce qu’ils pourraient écrire dessus
sur l’herbe du jardin du Trocadéro entourés des installations des JO nous mangeons
des chips
des sandwichs triangle
et des petits chocolats
Hajer me dit
« je peux envoyer ma carte postale à des enfants de Palestine ? »