table de classe

2. Cadavre exquis, tampons et livre pêle-mêle

Publié par Anaïs Lacombe

Journal du projet

Deuxième semaine de résidence à l'école publique du bout du monde du 10 au 14 février 2020

Je passe une partie de ma matinée sur la photocopieuse. Après avoir imprimé la semaine dernière sur Paris les parties en couleur je m'attaque désormais au noir et blanc. 

Je retrouve les enfants l'après-midi. Léo et Tiffany, absents il y a quinze jours, sont revenus. La varicelle s'est propagée, je ne verrai pas Azélyne de la semaine.

On commence par se remémorer ce qu'on a fait la dernière fois. Je leur présente un prototype de la couverture de Vous pour moi, notre premier livre et leur lis le colophon. Je me rends compte que j'ai fait une erreur dans l'année, il faudra s'adapter. Toutes les photocopies n'étant pas prêtes je décide d'attaquer un nouveau projet avant le façonnage. Je leur présente le livre de Raymond Queneau Cent milles milliards de poèmes

On lit quelques passages puis on dévie sur des cadavres exquis. Ils en ont fait en dessin la semaine dernière, on en fait donc sous forme de phrase. Par groupe de quatre ou cinq ils sortent des phrases plus ou moins improbables. La chienne était au match de foot multicolore. La belle taupe gigotait devant la maison rousse. ...

cadavre exquis
cadavre exquis

On réfléchit ensuite comment d'après le livre de Raymond Queneau et le jeu du cadavre exquis on pourrait faire un nouveau livre commun, toujours sur eux et permettant de les mélanger. Après quelques propositions on arrive à l'idée du livre pêle-mêle. Je leurs sors donc Le théâtre de minuit de Kvĕta Pacovská que je leurs lis. 

On attaque ensuite nos portraits en pieds sur de grandes feuilles blanches, préparées pour les découpes. Les corps se déforment. Les épaules disparaissent, les lunettes changent de formes, les coudes s'arrondissent, les jambes se raccourcissent ... Avec Sarah nous repassons derrière eux, leur expliquons comment prendre des mesures, les proportions du corps humains. Je pose à plusieurs reprises pour certains. On détache et rattache nos cheveux pour déterminer ce qui sera le plus simple à dessiner. Je leur propose de toucher leurs corps pour en comprendre les formes, sentir la largeur de leurs épaules, l'inclinaison de leurs bras...

Ils demandent une récréation mais perdent leur ballon. Avant de sortir, dans l'escalier les questions fusent : "Est-ce que je suis connue ? Est-ce que j'ai fait une œuvre la semaine où ils ne m'ont pas vu ? Est-ce que j'ai une galerie ?" ... il y en a aussi beaucoup sur Paris.

Après la récréation, tout en continuant nos portraits je leur présente le journal de bord, certains l'ont déjà lu ... je les sens investis et suis ravie ! Je leur demande aussi de passer leur mercredi dans la salle de bain ou devant un miroir pour s'observer et bien retenir leur visage. Quelques uns sont sceptiques, ils cherchent des bonnes excuses.

Jeudi matin, de nouveau devant la photocopieuse, je termine le colophon en corrigeant mon erreur. À coup de colle, de découpes et de photocopies je m'en sors. Je fais pareil pour leurs noms et prénoms, je diminue ceux écrits en trop gros, rajoute des contrastes...

L'après-midi on reprend nos portraits en pieds. Nous mettons beaucoup plus de temps que ce que j'avais prévu. Ils s'appliquent, on les corrige encore et encore. L'anatomie décidément ce n'est pas trop ça. Un enfant nous sort : "Ah ... mais c'est des cuisses de poulets !". On gomme et on recommence.

Lorsqu'un portrait est validé par la classe, je leur propose de repasser finement leurs contours à l'encre de chine. Cela nous permet d'effacer tous les traits gommés par la différence de contraste. Ils peuvent ensuite se colorier au pastel gras et terminer leurs cuches (queue de cheval).

En parallèle j'installe un atelier pour avancer sur les couvertures de notre premier livre Vous pour moi. Deux par deux, ils viennent les plier et les tamponner. J'ai apporté deux sortes de tampons, des lettres capitales pour le titre et des scriptes pour le sous-titre : portrait chinois. Ils ont du mal à comprendre la composition des lettres pour le sous-titre. Elles sont mises à l'envers, ce qui nous donne des "tiartrop" "sionihc". On recommence, je leur ré-explique puis ils expliquent à leur tour aux suivants. Plioir devient péyoir, les joies de la transmission. On s'arrête pour aujourd'hui. On finira les couvertures quand tous les enfants seront là pour que chacun puisse venir y mettre son empreinte. 

J'ai hâte de voir le résultat mais pour l'instant se sont les vacances en Bretagne.