Je m’intéresse au livre et à ses différentes formes possibles, à ses moyens de production tout en effectuant un travail dessiné sur les détails de notre quotidien et de notre environnement alentour. À l’heure actuelle du numérique où tout s’enchaine, se scrolle et où le zapping est devenu premier, je souhaiterai amener les enfants à porter un autre regard sur ce qui constitue leur environnement tout en pensant l’objet livre qui rendra compte de leur production. Ayant commencé à réaliser des livres d’artistes au cours de ma scolarité pour instaurer un dialogue entre mes images, chacun est le fruit d’une réflexion poussée m’amenant vers des formes toutes plus différentes les unes que les autres pour répondre au mieux au contenu du livre.
À travers cette résidence, il s’agira de penser la forme du livre en fonction de son contenu. Je souhaite pour cela questionner le livre, sa production, ses différentes formes et formats par le biais d’une production d’images s’attachant aux détails du quotidien, à notre environnement alentour nous encourageant à porter un regard neuf ou différent sur nos cadres de vie.
Travaillant principalement l’image, je l’intègre souvent au sein de séries qui me permettent de les faire dialoguer entre elles, de suivre un fil conducteur où, même si aucune narration n’est apparement présente, le spectateur peut y déceler des éléments récurrents et s’inventer son propre récit. Le livre occupe une place importante dans ma pratique et se rapproche principalement de ce que je nommerai “le livre d’artiste”. Chacun étant en tirage limité, façonné de A à Z à la main et conçu avec des techniques telles que la gravure ou la sérigraphie. Pour chaque projet, une fois l’envie et l’idée naissante, je commence à penser la forme que prendra le livre (mise en page, format, façonnage, reliure, technique), celle-ci découlant nécessairement du fond. Mes avancées sont alors jalonnées de multiples questions quand à la possibilité technique de réalisation, du coût de production possible et supportable, du temps de réalisation, de mes compétences et moyens de production mis à ma disposition. Chaque livre étant un compromis entre mes envies et les possibilités réelles qui s’offrent à moi, ils possèdent tous leur propre identité.
Ma pratique s’imprègne en grande partie de mon vécu, de mes ressentis, de mes observations et errances, c’est pourquoi j’ai envie d’amener les enfants à reprendre possession de leurs environnements et d’une partie de leur quotidien en commençant par des exercices de dessins. Je souhaite en effet leur transmettre une nouvelle façon d’observer, leur apprendre à prendre le temps de regarder, à s’ennuyer, à voir le temps défiler, … en les plongeant dans des états de création où chaque détail peut devenir un élément propice à la création. Où tout est observé et pris en compte, de façon à pouvoir agrandir leur vocabulaire graphique, peaufiner leurs images, détailler leurs surfaces. Où leur propre environnement pouvant leur sembler banal et insignifiant, routinier et quotidien peut-être redécouvert sous un autre angle grâce à des approches inhabituelles.
Ces exercices de dessins auront pour but de collecter de la matière en vue de la réalisation de différents ouvrages. Les enfants travailleront par groupe sur un thème donné et j’en profiterai alors pour leur faire découvrir la chaîne de production du livre et évoquer rapidement l’histoire de l’imprimerie. Celle-ci étant à la source de la diffusion des livres, j’aimerai leur expliquer grâce à la technique de la taille d’épargne (gravure sur bois, linogravure) les fonctionnements et principes de base : comment manipuler une presse, pourquoi les images sont conçues à l’envers, … Nous pourrons ensuite utiliser cette technique pour enrichir nos ouvrages, par la création d’ex-libris ou bien de couvertures gravées. De cette façon nous distinguerons la production industrielle de la micro-édition ce qui nous permettra ensuite d’ouvrir notre champ des possibles, de construire et déconstruire le livre, de voir comment il est possible de détourner les moyens de production pour s’auto-produire au sein de notre classe. Nous explorons alors différentes formes possibles, notamment avec des combinaisons de reliures différentes avant de se les approprier pour mettre en page et en forme nos propres collectes d’images.
L’enjeu de ma recherche sera de trouver les meilleurs formes éditoriales possibles pour que l’objet livre s’adapte pleinement à son contenu et rende compte des propositions des élèves.
À travers ces différentes séances de travail il s’agira aussi de comprendre qu’un projet artistique est en perpétuelle évolution, qu’il se nourrit des difficultés rencontrées pour mieux les détourner et pousser encore plus loin la réflexion.
La finalisation du projet prendra quand à elle la forme d’un objet éditorial conçu au fur et à mesure et qui découlera de nos recherches et de cette règle, que le fond sert la forme. C’est effectivement en récoltant toute cette matière que nous pourrons commencer à penser cet objet qui nous permettra de garder trace de nos évolutions, nos découvertes, nos expérimentations et nos avancées. Pour cela, je souhaiterai intégrer la photocopieuse dans le processus de production car restant un moyen accessible à tous il nous permettra à faible coût de se tromper, de pouvoir revenir facilement en arrière et de s’adapter à de multiples rebondissements. Cet objet pourra en fin de résidence s’agrémenter de photographies visant à documenter tous les temps de travail collectif avec les élèves, comme un journal de bord, chacun pouvant ensuite avoir son propre exemplaire.
Par le(s) artiste(s)