A l'heure de la ségrégation urbaine et des réseaux sociaux virtuels, nous proposons une intervention de scénographie urbaine qui sort de la routine, suscite des rencontres et enchante le quotidien. Nous fabriquons et installons des sculptures-bobines de fil dans un site problématique. Le public/acteurs les déroule et accroche les fils dans l'espace public, avec des incursions dans les maisons. Au fur et à mesure passants, travailleurs et habitants du site sont mis en réseau par des fils surplombant le site, qui en sort valorisé.
La résidence vise à produire une exposition et une publication à partir du pilote à Paris, des neuf interventions réalisées en Amérique latine et de l’intervention réalisée dans la commune de la résidence.
"Un réseau en fil dans le tissu urbain" est un projet de recherche architecturale et sociale à travers une intervention de scénographie urbaine collaborative.
Constat & Problématique :
Aujourd'hui, grâce aux réseaux sociaux virtuels, nous pouvons être en relation avec des personnes de l'autre bout du monde. Pourtant parfois, nous ne connaissons pas nos propres voisins.
Aussi, le tissu urbain est couvert de multiples réseaux : rues, eau, électricité... Comment pouvons-nous matérialiser le réseau des liens sociaux pour le nourrir, en particulier dans les lieux publics problématiques ?
Par "problématiques", nous entendons que ces lieux urbains souffrent d’isolement, de pauvreté, d'insécurité... Alors que sont érigés murs et dispositifs de sécurité, comment "activer" et valoriser ces espaces publics et la diversité sociale qu'ils peuvent accueillir ?
Objectif :
Notre objectif est de provoquer et renforcer les liens sociaux par la création et l'appropriation collective d'un réseau de fils, une expérience unique enchantant la vie quotidienne. En tant qu'architecte et scénographe urbaine, en tant que sociologue, nous proposons une installation urbaine qui rend acteurs les habitants, les travailleurs et les passants d'un lieu public qui créent le réseau en fil.
Programme :
Le projet s’est déjà déroulé, après un pilote à Paris soutenu par Arep, dans neuf villes d'Amérique latine entre juin 2018 et avril 2019 soutenu par des partenaires locaux : Ville de Guatemala, San José (Costa Rica), Lima, Valparaiso, Sao Paulo, Rio de Janeiro, Bogota, Pereira, Mexico en trois phases d'une semaine chacune :
- Préparation : avec nos partenaires locaux, choix du site du réseau, sensibilisation des riverains, communication, création du dispositif : les sculptures accueillant des bobines de fil.
- Expérimentation : montage de la scénographie, déploiement du réseau par les acteurs locaux, observation et documentation.
- Restitution : poursuite et synthèse de l'observation, entretiens, organisation de la fête du démontage où une analyse est publiquement restituée.
Résultats :
Nous avons observé la valorisation des sites du projet à travers l'expérimentation et l'activité artistique qu'il portait : les habitants et les utilisateurs du site l'ont vu différemment et ont commencé à en prendre soin comme un lieu public et convivial. A Rio de Janeiro, une place servant de parking à motos et de stockage-décharge de matériaux de construction s’est muée lors de l’intervention en un terrain de jeu pour enfants et de réunion pour adultes, avec pour la première fois la création collective de sapins de noël en plastiques de récupération installés sur la place.
Ce trait transversal de valorisation se décline en thématiques plus spécifiques. Par exemple, la création de liens sociaux par des échanges avec les "outsiders" du site, tant à l'intérieur (automobilistes, alcooliques, toxicomanes...) qu'à l'extérieur du site (artistes, étudiants, invités personnels...). Ainsi au Guatemala le réseau en fil a réuni son site, un petit parc délabré, avec le Conservatoire national de musique situé en face. Maestros et étudiants sont venus donner des concerts dans le parc pour la première fois. Après notre départ concerts et cours publics sont prévus dans le parc.
Le réseau en fil a aussi pour vocation de traduire des liens sociaux existants au sein d’une communauté. Au Brésil, dans ce que l’on appelle de l’extérieur « favela » et que les habitants nomment « communauté », nous avons réalisé deux réseaux en fil dans deux sites où tous les passants sont des habitants, aux liens forts et souvent familiaux. Alors ils s’approprient le dispositif et tracent des connexions très denses, croisant de longs fils avec ceux des autres depuis leur maison à celle d’une cousine par exemple.
Le pan artistique complète cette ambition sociale et l’approfondit. Le réseau en fil revêt alors une mission d’éducation populaire à la pratique et au regard artistiques dans des quartiers souvent éloignés de la Culture. Au Pérou, les enfants frappés par l’étrangeté de la sculpture s’y arrêtent et nous les poussons à développer leurs multiples interprétations en s’appuyant sur des éléments concrets de la sculpture. Nous prêtons une caméra aux enfants (et en fabriquons à Mexico) pour qu’ils travaillent leur regard.
Il y va d’une appropriation de notre art : libres de dérouler les fils accueillis par la sculpture, des enfants au Guatemala, au Brésil, au Pérou...jouent, déplacent, remodèlent les œuvres qui deviennent communes. Nous ne cherchons pas à figer une oeuvre mais à raconter une histoire à plusieurs voix avec des matériaux, récupérés, transformés, qui le seront encore selon une trajectoire cyclique.
"Un réseau en fil dans le tissu urbain" s’est imposé comme un outil urbain pour différentes phases d’un projet d’urbanisme : diagnostic, révélation des besoins des riverains, valorisation du site.
Il a joué le rôle de diagnostic complémentaire à San José au Costa Rica, selon l’équipe de chercheurs partenaire les résultats obtenus lors du réseau en fil corroborent les leurs, qu’ils obtiennent en plusieurs années de méthodes quantitatives.
Les besoins des riverains sont éloquents à Mexico, où les clivages religieux au sein du village d’intervention ont fait ressortir le besoin de se réunir autour de l’histoire commune et du patrimoine du village lors d’un festival que nous avons donc organisé.
A Valparaiso, dans le quartier du port la place Echaurren est la première place de la ville, aujourd’hui dévalorisée. L’intervention a suscité de fortes participation et solidarité montrant le potentiel de la place et de ses habitants à leurs yeux d’abord, nombreux sont d’anciens marins qui ont mis en valeur leurs savoirs-faire avec le fil.
Il s’agit d’un projet qui œuvre en finesse au plus près des habitants, bien loin des grands projets d’urbanisme importés de cabinets loin du terrain, notre méthodologie prône un travail social et artistique sensible pour contribuer à une architecture à taille humaine.
Création en cours :
Après notre intense activité d’intervention urbaines, nous avons besoin d’un temps de recherche et création. En 6 mois de résidence, notre objectif est d’approfondir et comparer nos résultats pour produire une exposition et une publication. Grâce au soutien des Ateliers Médicis lors de la résidence « Création en cours », nous pourrons diffuser notre thèse selon laquelle le « réseau en fil dans le tissu urbain » est un outil d’urbanisme, être invités pour continuer à l’expérimenter et en vivre.
De plus l’activité de transmission est une opportunité de clarifier ces résultats pour mieux les présenter à des publics autres que des étudiants latino-américains pour lesquels nous avons fait de nombreuses
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