Mon travail tend à interroger les caractéristiques élémentaires et essentielles de la peinture. Je souhaite mettre en œuvre dans l’espace d’exposition un ensemble de peintures où s’opposent autant des matériaux conventionnels que singuliers. Elles tendent aussi à la citation directe de l’histoire de l’art contemporain au moyen d’archétypes, dans une forme de jeu avec des éléments et des signes reconnaissables. Il serait plus juste d’employer le terme de dialogue, où la peinture au sens classique, son alternative moins usuelle, et le volume sont liés. Je vois les choses au travers un corpus de mots, tel que : peau, couche, surface, texture, matière, couleur, et épaisseur. C’est une façon d’interroger les limites de la peinture dans ses multiples aspects, ainsi que celles du châssis pour en détourner l’usage.
Mon travail tend à interroger les caractéristiques élémentaires et essentielles de la peinture. Il soulève parallèlement une analyse du tableau comme objet porteur de signes et véhicule d’histoire.
Ma recherche questionne la déconstruction du tableau, à savoir ses propriétés formelles et matérielles afin de les détourner.
Toutefois, il s’agit aussi de travailler sur la base d’un corpus de signes, et de symboles dans l’histoire de la peinture moderne et contemporaine. Interroger les représentations collectives par la peinture revient à jouer avec son histoire.
Ces problématiques de masses, d'espaces ou de représentations n'interviennent pas dans une logique de représentation picturale habituelle. Mon travail ne revendique pas une peinture de commentaire, ni une relecture de l’histoire de l’art, mais de cette « façon de peindre », il revisite des problèmes d’actualité et d’un lourd passé chargé de signes.
L’une des revendications de mon travail porte sur mon intention à faire des bonds sur des moments d’histoire. En empruntant directement des signes identitaires et reconnaissables, l’idée est de faire survenir et coexister ce que j’appelle des « moments d’histoire ».
Il n’y a aucune logique d’évolution, mais plutôt un jeu d’accumulations et de perturbations. La seule contrainte que je me fixe est une sorte de mécanique aléatoire d’emprunts et de déformations.
J’ai eu cette année l’opportunité d’aller à la biennale de Venise. Au pavillon anglais, j’y ai fait la découverte de l’artiste Britannique Phyllida Barlow. Ses énormes sculptures entrent dans une sorte de séduction. Séduction de la matière grâce à de curieuses couleurs et textures. Mais aussi, séduction dans le rythme et la forme de ses sculptures qui vacillent entre questions d’équilibre et de poids. Ses sculptures incarnent pour moi une sorte d’anti-pesanteur. Une fois ce symptôme de séduction passé, les matériaux se révèlent ; bois, carton, ciment, goudron, etc. Ces installations grossièrement peintes, aux formes abstraites, rendent compte de la manipulation des matériaux et de leurs qualités brutes.
Récemment, j’ai visité la galerie Ceysson et Benetière à Paris lors de l’exposition cerceaux, Filets, Objets de Claude Viallat. Dans les travaux présentés, Viallat questionne la déconstruction des composantes matérielles de la peinture. Laissée brute et sans cadre, la toile s’incarne dans l’espace, et devient volume. Que ce soit avec des draps, des tissus, des cerceaux en plastique ou des morceaux de bois courbés, tout est prétexte à se référer à la peinture. Ces objets ne sont ni des sculptures, ni de réelles peintures, on en vient à se demander leurs places et leurs statuts.
L’axe de recherche que je souhaiterais développer prochainement tournerait autour de cette place du matériau que l’on considèrerait comme nom artistique dans l’œuvre d’art.
Corporelle, tactile, colorée, la peinture questionne son histoire. Mais elle interroge aussi tous les autres médiums la côtoient . Et c’est en me rapprochant de ses limites que je souhaite me détacher d’un certain référent pictural, et du caractère sacré de la toile.
J’ai également eu la chance à plusieurs reprises de faire des stages avec l’artiste Elsa Tomkowiak. Elle travaille la couleur dans une projection spatiale de celle-ci, dans des espaces architecturaux ou naturels. Tomkowiak éclate la peinture dans l’espace grâce à des surfaces qu’elle accumule tout en créant des volumes. Débordement physique de la peinture, elle peint sur des bâches de plastique au balai, mais également aux poings sur des mousses. Elle utilise bien d’autres techniques qu’elle invente selon le matériau.
Dans le même axe d’expansion de la couleur, le travail de Katharina Grosse m’attire également. Elle peint à la bombe et au pulvérisateur des installations qui transforment l’espace. Espace naturel, industriel, à l’aspect chaotique, elle ramène des couleurs criardes dans des peintures qui vont au-delà de la toile, au-delà du mur, et même au-delà de la couleur. Ses travaux in situ entre fauvisme et art urbain sont d’une grande inspiration.
C’est pourquoi au quotidien j’expérimente d’autres matériaux et d’autres façons de représenter la peinture. Le plastique de couleur, par exemple, devient une alternative à la toile, mais parfois peut devenir l’élément principal d’une sculpture. Par ce biais, l’idée d’une peinture en volume, ou peinture spatiale, pourrait être dégagée et approfondie. De même, l’utilisation d’outils que l’on pourrait dire « non adaptés à la peinture » est au cœur de mes préoccupations. Poncer, brûler, fondre, est pour moi une nouvelle technique de peinture.
Le travaille d’Anita Molinero m’interroge également de façon assez ambivalente. Dans ses sculptures, elle apporte une sorte de puissance du matériau qu’elle déforme en les brûlant, les coupant ou les sculptant. L’irréversibilité du geste qu’elle entreprend amène le matériau à se plier à son geste.
Lorsqu’elle brûle des poubelles par exemple, on ne s’éloigne pas de la symbolique de l’objet récupéré. Dans mon travail, l’objet récupéré perd son caractère d’objet, il n’est reconnaissable que partiellement et n’est présenté que pour ses qualités plastiques et picturales.
Pour résumer, j’aimerais continuer de développer mes recherches qui interrogent la peinture en tant qu’objet, que ce soit formellement, matériellement mais également dans l’espace.
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Par le(s) artiste(s)
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