Mon projet est l'élaboration d'une vidéo (fiction expérimentale) de recherches plastiques et textuelles sur Tanaka, un personnage de fiction qui a perdu la mémoire. Il ne se sépare jamais d'un sac à dos, qu'il nomme « petit frère », mais il est incapable de l'ouvrir. A partir de personnes rencontrées lors de la résidence, un ensemble de personnages graviteront autour de lui, qui lui apporteront leur interprétation et feront des hypothèses sur ce qu'il y a dans ce sac. Mêlant interviews, dessins, modélisations 3D ainsi que textes, Tanaka évoquera les diverses pistes du contenu de ce sac, pour retrouver sa mémoire. Dans la continuité de mon travail mêlant fiction et documentaire, je voudrais que chacun des élèves crée un double (irrespectueux, fauteur de trouble ou sympathique et aimant) à l'aide du hasard et du jeu. Un personnage imaginaire à partir de traits de caractères, de souvenirs et de leur imagination. Ensuite, je propose de lui donner réalité dans des vidéos créées tous ensemble.
A partir des archives personnelles achetées dans une brocante en République tchèque, j’ai créé et inventé l’existence d’un personnage. De cette fiction, j’en ai tiré un livre de photographies peintes puis un court-métrage. Dans le documentaire-fiction Abwi, une communauté d’individus fait le deuil d’un ami disparu, fictif, tout en jouant leur propre rôle. Ainsi, ils alimentent un être imaginaire de leurs réalités intimes et de leurs manques. Les personnages de mes films sont à la recherche d’une façon de se dégager de leur solitude, de leur ennui par le jeu, le fantasme et l’imagination, et ainsi exprimer leurs émotions, leurs désirs cachés. Ils peuvent également créer des fictions. J’emploie les dispositifs fictionnels pour tenter de sonder les rapports entre les personnes, comment les gens se comportent dans un groupe ou une communauté, et quelles sont leurs rêves et fantasmes. Je m’intéresse particulièrement à cette recherche où l’on sonde les choses que les gens ont à partager, en fonction de leurs envies sur le moment et de la présence de la caméra et de l’environnement. J’aime scruter les individus et les individualités de très près, dans leur intimité, établir des rapports proches et les plonger dans un autre espace et une autre temporalité, où l'on développe ensemble des fictions, des mondes qui se créent. J'utilise le personnage comme vecteur et point de départ de la fiction et des rencontres. Dans la continuité de cette porte d'entrée vers la fiction et le documentaire qu'est le personnage, j'ai eu l'idée d'élaborer une vidéo prenant comme personnage central Tanaka. Tanaka est un personnage paresseux et errant, un peu comme moi. Dans la perspective de lui donner vie, et qu'il retrouve la mémoire, il se nourrit du réel et des autres, pour remplir son sac à dos, qui représente sa mémoire. L'une des origines du projet est le film noir « somewhere in the night » de Mankiewicz où le personnage principal croit appeler Larry Cravat car c'est le nom du tailleur du costume qu'il porte. Cette confusion, avec cette etiquette, lui donne l'occasion de rechercher son identité et aussi de s'inventer une nouvelle vie. Pour Tanaka, il lui faut prospecter à ce qu'il aurait pu être, à s'inventer des possibles, des traits de caractères, des histoires passées... Tanaka fera cette expérience et c'est de cela dont il s'agit dans la vidéo que je propose d'élaborer, qui montrera le processus. Le projet aura une forme de métalepse, qui est un procédé par lequel un ou des éléments d'un récit franchissent le seuil qui le sépare d'un autre qu'il contient ou qui le contient. Ainsi, je voudrais que la vidéo soit la trace d'un récit qui se façonne au fur et à mesure, passant de la réalité à la fiction, et se nourrissant petit à petit de cette réalité. Le sac, contenant et contenu, est un peu cette image. Aussi, il s'agira de mettre en relation histoire racontée et fiction en elle-même, comment entrent en écho une histoire racontée et une documentation réaliste dans laquelle cela se passe. Par ces processus, je cherche à brouiller les provenances, l'origine, fiction et réalité, qui précède quoi...? Si je souhaite aller en outre mer, c'est pour m'imprégner de ce brassage de populations et de métissages. Il y a également le besoin de s'arracher au quotidien pour écrire un projet en toute liberté de ton et influencé par des paysages et milieux ruraux.
Guyane
Par le(s) artiste(s)