Le projet croise arts plastiques et écriture. Il consiste à déployer des lettres (évoquant des débuts de mots ou de sons) à l’échelle d’un espace, de telle sorte que l’on puisse les aborder par leur matérialité et y déambuler, comme si le corps entrait dans un livre en train de s’écrire, une pensée en train de se formuler et de se communiquer. L’écriture passe de l’espace plan et abstrait à une densité matérielle qui évolue dans les trois dimensions. Que serait faire l’expérience, dans le même espace que le corps, de l’épaisseur stratifiée de lettres limaçantes, rocailleuses, errantes ou poreuses, de mots incarnés, striés, duveteux, piquants, creusés, qui prennent de l’espace comme le ferait le son ? Que serait pouvoir circuler entre des lettres disséminées, s’y perdre, en être presque touché ? Ces mots incertains mais physiquement présents, pourront évoquer de manière indistincte poésie, onomatopée comique de bande-dessinée, mots ordinaires du quotidien, abréviation sms, etc. Les matériaux seront déterminés au fil de la recherche et de la découverte du contexte.
Mes dernières résidences de création ont été des accélérateurs forts pour ma création. Produire dans la confrontation et l’ouverture à un nouveau contexte, à des espaces spécifiques et à d’autres publics, m’engage dans une dynamique de partage, d’adaptation et d’exploration qui permet de nouvelles avancées dans le prolongement de recherches passées. Les créations que j’ai pu développer en milieu scolaire (organisées par la Galerie Duchamp d’Yvetot, la FEW de Wattwiller, le Théâtre des Minuits de la Neuville-Sur-Essonne…), sur des temps assez courts, ont eu des impacts étendus sur mon travail lors de l’action mais aussi après-coup, par retentissements. Ce contexte m’a particulièrement étonné et apporté par la force collective qu’il permet et par la vivacité du regard et de l’imaginaire déployés par les élèves. Ces résidences ont notamment fait peu à peu émerger la question du langage, qui est un leitmotiv de ma pratique, comme une préoccupation au cœur de l’école, et c’est ce que je souhaite creuser davantage dans le cadre du dispositif Création en cours. Ce qui m’interroge dans le langage est le processus de mise en mots, le passage du non-dit au dicible, de l’expérience incarnée à vif et de sa structuration en énoncés, en syllabes, en phrases. Qu’est-ce que mettre des mots sur quelque chose, chercher ses mots, ne pas les trouver ou en trouver mais pas tout à fait les bons, balbutier, sortir des mots du ventre, du cœur, de la bouche, des mains, de la chair ? Qu’est-ce aussi qu’entendre des mots, les comprendre ou ne pas les comprendre, les digérer, s’en détacher ou en faire autre chose ? Les mots se génèrent, se forment puis transitent, se transmettent, se transforment. Ils sont là un processus impalpable mais qui puise dans nos sensibilités, émerge du corps, définit et impacte nos relations au réel et à l’autre. Comment voir et matérialiser ces dynamiques subtiles et sensibles qui se tissent, à défaut de pouvoir les dire ? Et dans une société hypermédiatisée, envahie de slogans, de messages, d’informations, comment retrouver de l’étonnement face aux mots, comment les redécouvrir ? Comment creuser derrière l’évidence de leur usage acquis, excaver les racines sous-jacentes à leur structure, les tensions qui les impulsent et les traversent ? Et comment leur donner forme ? Le contexte de l’école - particulièrement le dialogue engagé avec l’équipe éducative et les élèves - me permettrait d’explorer précisément ces questions. C’est en effet un cadre où le langage est objet ou vecteur d’apprentissage et de sociabilisation, un cadre où l’on apprend à lire et écrire, où les mots se forment, se décomposent, s’articulent, se structurent, se répètent, se découvrent, se mémorisent, s’oublient, et parfois débordent dans les cris des récréations. Les élèves portent un regard spécifique sur les mots, par les mots encore inconnus qu’ils découvrent, ceux des livres sur les étagères, ceux des affiches quotidiennes, ceux de leur région, pays, ou d’autres cultures, celles des ancêtres ou celles d’autres pays. Le projet croise arts plastiques et écriture. Il consiste à déployer des lettres (évoquant des débuts de mots ou de sons) à l’échelle d’un espace, de telle sorte que l’on puisse les aborder par leur matérialité et y déambuler, comme si le corps entrait dans un livre en train de s’écrire, une pensée en train de se formuler et de se communiquer. L’écriture passe de l’espace plan et abstrait à une densité matérielle qui évolue dans les trois dimensions. Que serait faire l’expérience, dans le même espace que le corps, de l’épaisseur stratifiée de lettres limaçantes, rocailleuses, errantes ou poreuses, de mots incarnés, striés, duveteux, piquants, creusés, qui prennent de l’espace comme le ferait le son ? Que serait pouvoir circuler entre des lettres disséminées, s’y perdre, en être presque touché ? Ces mots incertains mais physiquement présents, pourront évoquer de manière indistincte poésie, onomatopée comique de bande-dessinée, mots ordinaires du quotidien, abréviation sms, etc. Les matériaux seront déterminés au fil de la recherche, en allant vers plusieurs matériaux diversifiés ou vers un seul matériau mais ambigu, malléable, éveillant des sensations complexes et plurielles. Ce ou ces matériaux pourraient éventuellement puiser dans l’environnement de l’école, la ville, son histoire, ses ressources.
Alpes-Maritimes
Par le(s) artiste(s)