Comment définir aujourd’hui le monde rural ? Quel est le rapport de ses habitants à leur territoire ? Nous avons, avec l’association Le Carroi, la DRAC soutenant ce projet, mené une résidence d’autrices, à la rencontre des habitants du territoire du Cher, afin de nourrir une future création théâtrale partant de leurs témoignages, de leur rapport à leur environnement. En plus d’interviews sociologiques types, le Carroi nous a mis en relais avec différentes structures pour lesquelles nous travaillions comme bénévoles (participation au travail d'une épicerie sociale, travail avec les maraichers de la région) ou à des actions culturelles telles que des lectures, des ateliers de théâtre et d’écriture auprès d’amateurs et de scolaires. Si nous partions de l’idée selon laquelle le territoire rural était isolé et délaissé par les politiques publiques, nous ne soupçonnions pas la richesse des initiatives de ses habitants et le dynamisme de sa vie locale. C’est ce dont nous voulons témoigner.
PROJET DE L’ARTISTE ET PROJET PÉDAGOGIQUE
Nous avons le projet d’une future création théâtrale à partir du témoignage des habitants d’un territoire rencontrés. Notre création suit trois temps majeurs avant la mise en scène du spectacle et enfin sa restitution : l’immersion, l’improvisation et l’écriture dite « de plateau ». Nous partons toujours dans notre travail d’un sujet ancré dans une réalité sociale donnée. En l’occurence, pour notre prochaine création qui a pour titre Le fil n’est pas coupé, nous voulions interroger le monde rural actuel français, plus particulièrement témoigner d’un territoire, le Cher, sur lequel notre compagnie est basée depuis quatre ans et que nous avons jusqu’ici parcouru pour récolter les témoignages de ses habitants. Chacune de nos créations suit ce temps d’immersion en amont de l’écriture de nos spectacles.
Dans le cadre de la création de notre spectacle, nous souhaitons poursuivre notre travail d’actions culturelles et continuer de nourrir notre création auprès des élèves de troisième cycle.
Ici nous souhaitons donc interroger les habitants des zones rurales. Quel regard portent-ils sur leur territoire ? Comment l’habitent-ils ? Quel est leur rapport à la politique, à la culture ? Dans ce projet, nous souhaiterions amener les élèves de troisième cycle à faire le récit de leur territoire et à suivre avec nous le parcours d’une création où chacun d’entre eux sont à la fois narrateurs, auteurs, acteurs.
FAIRE LE RÉCIT DE SON TERRITOIRE
Inciter les élèves à raconter leur campagne. Nous partons du constat que les zones rurales sont dotées d’une offre culturelle plus faible qu’en métropole. Notre envie est donc de travailler avec des élèves de troisième cycle en zone rurale. Ils s’agit d’une part d’une volonté d’amener la culture dans des zones plus délaissées par celle-ci, d’autre part de revaloriser le lien entre l’élève et son territoire.
Il s’agira à travers ce projet d’aider les élèves à se dire dans l’espace dans lequel ils évoluent, de rendre compte de l’organisation de leur microcosme, de légitimer leur parole en tant qu’habitants d’un territoire donné.
Par des ateliers d’écriture et d’improvisation, nous les amènerons à travailler à la fois sur l’écriture de leur parole, l’écriture de l’oralité et la retranscription de leurs improvisations, comme matériau théâtral, propre au cadre narratif d’un spectacle.
ATELIERS D’ÉCRITURE
Dans un premier temps, nous souhaitons interroger les élèves sur leur perception de leur territoire à travers des ateliers d’écriture. Il s’agit de désacraliser l’exercice d’écriture, de partir de soi et d’apprendre à se dire, à dire son monde, avec son propre langage et loin des présupposés que l’on peut porter sur le métier d’auteur comme génie ou de la langue savante de l’écriture. Partant de ses ateliers de Master de Création Littéraire, Millie Duyé, amènera les élèves à l’écriture par le récit de soi. En donnant des thématiques et des genres précis tels que une lettre au Président sur ce qui vous indigne, un discours pour défendre quelque chose que vous voudriez vraiment avoir dans votre village, ce que vous préférez dans votre village, décrire votre village idéal etc… nous voulons amener les élèves à raconter leur territoire, à le rêver et à faire de leur récit et de leur quotidien, théâtre. Sur l’écriture, il s’agit de travailler sur quelque chose proche de soi, proche de l’oralité de chacun. S’écrire comme on se dirait et interroger l’intérêt d’une écriture qui se rapproche de l’oral.
VALORISER L’ÉLÈVE CITOYEN - L’ARGUMENTATION, L’IMPORTANCE DE LA PRISE DE PAROLE
Amener l’élève à raconter sa campagne, c’est le placer au centre de l’espace dans lequel il est contenu, valoriser sa position de citoyen dans son microcosme. En amenant les élèves à réfléchir sur leur campagne, à nous la raconter, nous l’interrogerons aussi sur ses envies. Qu’aimerait-il y voir naître ? Si l’élève était un conseiller municipal, quel projet défendrait-il sur son territoire ? Il s’agira pour les élèves d’apprendre à s’exprimer. Être à l’aise à l’oral, développer l’empathie, apprendre à ne pas être d’accord, structurer sa réflexion, défendre une opinion pour se révéler aux autres mais d’abord à soi-même. Les élèves seront invités à poser à l’oral leurs idées, organiser leur pensée, leurs arguments, gérer leur stress, placer leur voix, assumer leurs opinions, trouver l’image qui retiendra l’attention, en un mot : convaincre. C’est une véritable culture du débat que nous souhaiterions mettre en place, en armant les élèves avec les outils de l’art du discours. Ces ateliers seront dirigés Mélanie Charvy, diplômée de droit social et familière de ce travail auparavant réalisé avec des enfants du Centre Kirikou, association du 17 ème arrondissement de Paris. Nous souhaiterions ainsi travailler un Conseil Municipal des élèves, en leur donnant pour principale consigne : que voulez vous défendre dans votre village ? En amenant plusieurs thèmes : L’école est menacée de fermeture, comment réagissez-vous pour défendre sa sauvegarde ? On finance un projet de votre choix, que décidez vous d’amener dans votre village ?
INITIATION AUX OUTILS DU COMEDIEN
Les élèves seront, dans un autre temps, amenés à une initiation au travail de comédien à travers les outils principaux de celui ci : le corps et la voix. Par des exercices et jeux théâtraux, toute la première partie du travail consiste à donner à chaque élève un panel suffisamment large d’exercices pouvant lui permettre de prendre connaissance de son corps et de sa voix dans l’espace. Dans un second temps, ces exercices, lui permettront également de se positionner dans un groupe. D’une part, de solidariser ce groupe, d’autre part de permettre à chaque personnalité de s’exprimer au sein de ce même groupe.
UNE ÉCRITURE DU RÉEL - L’IMPROVISATION ET L’ÉCRITURE DE PLATEAU
Dans cette démarche de re-valorisation des élèves, nous souhaitons partir de leurs réalités respectives comme matériau premier au théâtre. Quel que soit le sujet donné, les élèves sont amenés à l’aborder avec leur sensibilité et leur réflexion propre. Nous souhaitions collecter de la parole en offrant une participation sociale et culturelle, à savoir, échanger avec des personnes dans le cadre d'une intervention promotrice de culture et favorable à l'échange. Les élèves seront donc amenés à un travail d’improvisation autour d’un sujet donné. Nous leur donnons une base plus théâtrale pour cibler leur travail d'improvisations ; des situations données sur lesquelles nous avons réfléchi, des situations théâtralisées, à savoir, des situations où il y a bouleversement par un événement, souvent extérieur. Cela place les élèves dans une double démarche de revalorisation : revalorisation d’eux-mêmes d’une part, revalorisation du théâtre comme art pouvant comprendre leur réalité, qu’ils peuvent ainsi appréhender comme art contemporain touchant à leur sensibilité propre. Tout cela suit une démarche de théâtre social et citoyen visant à dépoussiérer les appréhensions de certains élèves sur le théâtre comme art désuet ou élitiste. Ce travail d’écriture de plateau met également les élèves dans une démarche d’écriture. Par leurs improvisations, ils sont acteurs et auteurs du propos.
Il s’agirait donc de créer un spectacle à partir des improvisations réalisées avec les élèves et des discours soulevés par chacun en atelier d’écriture et en débat.
TRAVAIL DE GROUPE - TRAVAIL DE CHOEUR
Le travail en groupe sera favorisé afin de créer la cohésion du groupe indispensable à la création, autour des valeurs communes : entraide, solidarité, tolérance, écoute, respect des différences. La créativité sera particulièrement stimulée par la prise en compte de la parole de l’élève, qui sera placé au centre du processus créatif. Le travail de plateau doit être appréhendé comme un espace de liberté d’expression, en particulier dans les propositions théâtrales que pourront faire les élèves.
Le travail de groupe nous amène à travailler sur le choeur. Cela nous permet d’approfondir le travail sur les identités tantôt solitaires, tantôt communautaires. L'autre intérêt du travail de choeur est aussi de trouver une vraie illustration des corps et de leur rapport à l’espace. Nous aimerions pour cela partir du travail de groupe sur la base du choeur antique sur la conception du corps comme acteur principal et la parole comme seule nécessité quand le corps ne suffit plus. Ce travail permet au élèves de prendre conscience de l’importance du groupe, de sa force et de ses contraintes. Il impose une vraie rigueur en tant que comédien et apporte des qualités de savoir-être éminemment nécessaires qui peuvent être mise en relation avec l’individu et son rapport à la société aussi bien dans leurs interrogations personnelles que dans leur épanouissement social et éducatif. Par des exercices théâtraux de choeur, de véritables exercices chorégraphiques, l’élève apprend à être tantôt meneur, tantôt suiveur de la chorégraphie, développe la connaissance de son corps et de sa position au sein d’un groupe.
LE THÉÂTRE COMME OUTIL DE RÉFLEXION
Nous souhaitons, dans le prolongement de l'éducation morale et civique, faire comprendre aux élèves de l’atelier comment la pratique du théâtre interroge notre façon d’être au monde et fait écho aux grandes questions de l’homme. Les interroger donc sur eux-mêmes en tant qu’individus et sur leur rapport au monde, à la société dans laquelle ils sont contenus.
RESTITUTION
L’intérêt est, à partir de ce travail avec les élèves, de rendre compte d’une forme courte, d’un rendu d’atelier ayant pour thème principal : la campagne des enfants.
Par le(s) artiste(s)
Les Ateliers Médicis seront fermés au public du 21 décembre au soir au 5 janvier inclus.