A.rium est une réflexion sur la manière dont on vit avec l’eau, et sur notre manière d’habiter avec cette ressource. Il s’agit d’une recherche de poétisation de notre rapport à l’eau non potable au quotidien, en rendant l’accès à la ressource et son usage tangibles via des objets à manipuler. A.rium s’articule autour d’un cycle de l’eau défini : récolter la ressource en extérieur par la pluie ou la rosée, la transporter dans l’habitat, filtrer l’eau et la stocker afin de créer une source intérieure accessible, qui devient alors l’élément central de l’habitat. On s’interroge sur les usages possibles de l’eau provenant de cette source. Ces différentes étapes sont imaginées à travers la création d’objets permettant au cycle de se déployer.
Dans notre habitat, nous utilisons l’eau potable à chaque fois que nous avons recours à l’eau. Or, beaucoup de nos usages peuvent se passer d’eau potable et nous pouvons la remplacer par une eau non traitée. Mais l’eau potable est ce que nous avons de plus accessible. En effet, il suffit d’ouvrir le robinet et il semble que l’eau puisse s’écouler et se consommer indéfiniment. Il est difficile alors de prendre conscience de la préciosité et du sens même de cette ressource. L’habitat est un lieu de passage de l’eau, nous n’avons pas vraiment de réserve, hormis un éventuel réservoir aménagé dans le jardin, voire un puit. Nous pouvons cependant affirmer que nous ne voyons pas ce que nous utilisons, ni l’étendue des relations que cette consommation induit dans l’espace et dans le temps. A.rium propose une autre économie de l’eau, en développant une forme d’écologie domestique.
Il s’agit d’un travail visant à construire des relations sensibles avec l’eau et sa transformation, à mettre en place une expérience sensorielle. Le projet s’établit sous la forme d’un cycle : la récupération de l’eau, son déplacement, sa filtration puis ses usages. Il s’agit de créer une source d’eau dans l’habitat en réinterprétant les codes de fonctionnement de l’impluvium romain. En effet, un impluvium est un système de captage et de stockage des eaux de pluie. Il se composait d’une aire de captage, d’un système de transport et d’une réserve et prenait place dans l’atrium, pièce centrale de la maison romaine traditionnelle autour de laquelle les pièces de l’habitat s’organisaient. L’impluvium se situait au coeur de l’habitat, dans la pièce où toute la vie familiale se déroulait. Il était l’élément essentiel, à mi chemin entre intérieur et extérieur.
C’est suivant ce fonctionnement que le projet A.rium s’établit, formant un déploiement dans l’espace ainsi que dans le temps. En effet, le cycle de l’eau non potable imaginé s’inscrit dans une chronologie particulière. Tout d’abord la récolte de l’eau à travers des objets de récupération d’eau de pluie ou de rosée, les ressources à portée de main. Les moyens de récolter l’eau dépendront du lieu de la résidence. Il faudra s’adapter au climat local du territoire : récolter plutôt de la neige, de la pluie, de la brume ou plutôt de la rosé. Il s’agit ici de s’interroger sur la présence de l’eau dans notre environnement sous ses formes les plus diverses. Les moyens mis en place pour récolter raisonnablement de l’eau pour l’habitat feront aussi l’objet d’une recherche. La notion d’indépendance quant à l’accès aux ressources est soulevée. Par la rosée, la quantité d’eau prélevée restera toujours minime mais elle souligne la préciosité de la ressource. Plutôt que de tenter de camoufler cet objet de récolte comme on le voit avec les cuves d’eau de pluie dans les jardins, il s’agirait de donner à ces objets une dimension esthétique, quasiment sculpturale. Par des ateliers mis en place avec les enfants, nous imaginerons diverses manières d’aborder cette question de la forme à travers la fonction.
Ensuite, l’eau est transportée de l’extérieur vers l’intérieur. Par opposition à la circulation de l’eau dans l’habitat par des tuyaux qu’on ne voit pas, A.rium propose un objet qui va servir à déplacer l’eau, à la transporter. Le déplacement de l’eau dans l’habitat sera dessiné par le mouvement de notre corps et rendra visible l’eau comme ressource déplacée. Cela induit une démarche de création d’objet prenant comme point de départ la mobilité. L’atelier avec les enfants imaginé autour de cette étape met en place des échanges sur les dispositifs de déplacement d’un liquide venant s’articuler à notre corps.
Nous avons tout de même besoin de filtrer cette eau pour l’utiliser. L’eau que l’on peut récolter par la pluie ou la rosée contient possiblement des polluants : ceux qui sont contenus dans l’air, de part les pots d’échappement de voitures par exemple, que la pluie traverse. Cette eau va donc être versée dans un filtre afin de pouvoir être utilisée sans risque. De ce filtre va s’écouler une eau propre, toujours non potable, qui va être stockée. Par le design, il s’agit de donner une place essentielle à cet objet et une dimension esthétique singulière. La source d’eau, ce lieu autour duquel les êtres vivants se rassemblent, ce lieu incontournable de survie des animaux sauvages, regagne alors une place dans l’intérieur. Par ailleurs, la filtration est un processus lent. Cette lenteur conduit à la patience et à la conscience de ce qu’il se passe. Cela renforce la notion d’expérience sensorielle. Une temporalité propre au cycle de l’eau non potable construit par A.rium s’établit.
Enfin, la question de l’usage de cette eau se pose. L’eau non potable est mal perçue par nos sociétés occidentales. Pourtant, l’eau de pluie est bénéfique, notamment pour la peau car elle contient moins de chlore et de produits chimiques présents dans l’eau du robinet pour la rendre potable. De nombreux usages sont possibles et ont déjà été imaginés : des humidificateurs d’air, un objet pour se laver les mains, un objet pour se laver le visage, un parc à bouteilles au frais. Bien d’autres usages peuvent encore être définis, notamment lors de l’atelier avec les enfants sur cette thématique.
A.rium aborde le rapport à l’eau, par le prisme des objets, comme un rapport aux gestes, au temps et à l’espace. Ce circuit d’eau secondaire, distinct du circuit d’eau potable, ouvre sur une sensibilisation à ce qui nous entoure, nous rend plus conscient de la ressource d’eau accessible.
Par le(s) artiste(s)