"je n'ose jamais m'asseoir à la place qu'occupait ma grand mère morte"

Mars et Mai, école de Jallans - la suite

Publié par Lou Simon

Journal du projet
Danse Marionnettes Théâtre Langue des signes scénique

Le temps a passé depuis notre première intervention et nous avons beaucoup à raconter !

Mars  

Au mois de mars nous sommes revenues deux fois. L'occasion de continuer notre enquête : nous avons commencé à faire des entretiens autour de nous pour récolter des définitions subjectives de l’intelligence pour les uns et les autres : qu’est-ce que l’intelligence en terme de ressentis?  Depuis notre entrée en matière plutôt scientifique, nous sommes progressivement allées vers la récolte sensible de témoignages. Et ces interviews nous ont étonnées, stimulées, et nous ont données des mots-clefs : la mémoire, l’empathie, l’instinct, le choix, l’efficacité, la facilité. Les personnes interviewées racontent ce que l'on vit tous intérieurement, ce que l'on a en commun, les choses invisibles qui nous traversent.

Nous nous sommes demandées ce que cela créerait, de mettre en scène et de poursuivre ces réflexions qui touchent à l’intime, avec les corps, les mains, les signes.
Alors nous avons commencé à récolter ces anecdotes auprès des enfants aussi. Ils nous ont raconté des souvenirs : le jour où je me suis perdue au restaurant, mon rêve de loup, le jour où j’ai changé d’avis et finalement commandé une glace avec des pépites de chocolat, le jour où je me suis sentie bizarre en voyant un quad rouler sur l’endroit où est enterré mon chat.
En partant de ces anecdotes, nous avons travaillé à les mettre en scène. Nous avons repris nos recherches scéniques sur la main, et le signe, et nous avons élargi le champ, en impliquant tout le corps, en abordant le jeu théâtral, avec et sans paroles.  


Mai

De retour après une longue période d’absence, on reprend nos marques dans cette dernière semaine de mai. Nous avons trois jours et un objectif : préparer la restitution qui aura lieu le 15 juin. Nous prenons cet exercice à bras le corps, nous trouvons ça important que les enfants de nos ateliers se confrontent à l’expérience de la scène, avec public, et au travail que cela nécessite. Composer, écrire, répéter : on s’y attelle toutes et tous, nous et les enfants, à travers plusieurs scènes.
Ensemble, nous inventons les signes qui traduisent les paroles de la chanson « la tendresse », de Bourvil. Chaque enfant apporte ses gestes, ses mouvements de mains pour traduire visuellement les paroles, comme un chantsigne.
Nous travaillons aussi, par groupes, à mettre en scène les anecdotes qu’ils nous ont racontées. Elles parlent d’ami imaginaire, des grands-parents qui ne sont plus là, de choix ordinaires qui nous font des noeuds dans la tête. Nous prenons les rôles des metteuses en scène, nous mêlons à leurs narrations le travail des signes, du jeu d’acteur, des mots comme des images corporelles. Les élèves s’impliquent avec enthousiasme, prennent plaisir et comprennent aussi que le jeu d’acteur nécessite de la discipline individuelle et collective.
Nous reprenons d’autres tableaux scéniques : le miroir, le chef d’orchestre, les mains-créatures.

Au bout de cette semaine, nous faisons plusieurs constats.
Dans notre recherche, l’écriture et la précision dans les mouvements sont nécessaires, pour eux comme pour nous.
C’est bien là d’où nous avons envie de partir pour imaginer un futur spectacle : des paroles des gens, celles qui racontent les petites histoires intérieures de la conscience. Nous aimons porter notre attention sur le choix des mots, nous aimons voir que dans les souvenirs intimes des uns, les autres se reconnaissent.
Notre travail permet d’ouvrir un espace de paroles où ils peuvent s’exprimer librement : nous nous rendons compte, à travers les témoignages de certains, qu’ils vivent des émotions fortes et des expériences parfois violentes.
L’exercice de la restitution nous a permis de mettre concrètement à l’épreuve ce que nous avons envie de travailler : nous partageons ce laboratoire et tentons donc d’apporter aux enfants des outils pour aller sur scène, y trouver du plaisir à jouer et à se mouvoir, mais nous trouvons aussi notre compte. Cette esquisse nous indique les chemins que nous voulons emprunter pour la suite de notre travail, nous éclaire les endroits pas encore clairs dans notre démarche, et nous ouvre le champ des possibles.