Ce projet est avant tout un projet destiné au théâtre tout public. Il se voudra pluridisciplinaire en regroupant des arts comme l'art dramatique, la danse urbaine et la vidéo. Il s'agit pour nous d'écrire et de raconter une histoire moderne autour du sport le plus populaire en France: le football, en créant un parallèle avec l'histoire biblique de Moïse. La recherche se portera sur l'esquisse du personnage de Moussa que nous suivrons depuis sa naissance et tout au long de sa vie. Son parcours, ses aspirations, ses twists. Comment construire avec les élèves un jeune héros national et l'ériger en tant que Leader humain et politique. Les discutions, les débats s'axeront sur l'image et la représentation des nouveaux modèles publics.
Moussa est un jeune issu d'une France défavorisée, de quartier, de zone rurale décimée, d'une France d'en bas, peu importe comment nous la nommons, celle qui amenuise les chances de résider en haut de l'échelle dès son plus jeune âge. Moussa pourrait être n'importe quel enfant. Cependant Moussa a un talent inné et inexplicable pour le football. Un talent tellement rare que, dans une société comme celle de cette fiction, il s'agit d'une chance inespérée pour son entourage familial de sortir la tête et les jambes de la boue dans laquelle ils s'enlisent depuis des générations. Moussa est un prodige d'un jeu qui génère de l'émotion mais aussi de l'argent. Là est la clé. Ce sport, devenu l'otage de quelques spéculateurs d'une France des Hauteurs, se trouve être l'outil principal pour divertir les foules de cette société divisée en trois couches bien distinctes. Les Hauteurs, les Bas-fonds et les Abîmes. Les meilleurs acteurs de ce sport (pour la plupart) lorgnent sur un déracinement de leur sous-catégorie pour se nicher vers les hauteurs et de fait produire un fantasme parmi leurs anciens co-zonards.
L'écriture de cette pièce s'inscrit dans une réflexion personnelle autour d'un phénomène ultra populaire, et qu'on le veuille ou non : Le Football.
Bien évidemment, tout comme l'est ce sport, le sujet est prétexte à comprendre certains aspects de notre société.
Comment et pourquoi les sportifs sont aussi présents dans notre actualité ? (Cristiano Ronaldo est la personnalité la plus suivie au monde avec plus de 160 millions d'abonnés sur Instagram tandis que Léo Messi se trouve à la dixième place avec plus de 113 millions de followers)
Le football nous effraye parfois avec des sommes hallucinantes d'argent, les transferts records qui ont maintenant dépassés la barre symbolique des 100 Millions d'euros pour l'achat d'un seul et unique joueur. Et cela n'est pas prêt de s'arrêter en si bon chemin. Cependant, si des sommes pareilles sont atteintes, il est évident et logique qu'il n'en génère que plus de bénéfices. Les propriétaires sont sûrement des amoureux du jeu mais ils restent pour autant des businessmen. Pour citer un exemple, le mythique club britannique de Manchester United détenu par deux hommes d'affaire Américains, les frères Glazer, a annoncé des revenus records lors de la saison 2016-2017 à hauteur de 659 millions d'euros de recettes se faisant ainsi le club le plus riche du monde devant le club espagnol du Réal Madrid.
Vingt-deux joueurs en shorts et crampons sur une pelouse de 100 mètres de longueurs sur 45 de largeurs. Un ballon. Et 60 000 personnes autour.
L'argent et la démesure qui l'accompagne.
La place du football nous échappe. Il écrase tout sur son passage. Peu importe l’actualité il trouvera toujours une place où se glisser. Une telle tribune donnée à des millionnaires en short : Impensable ? Anormal ? Sûrement.
Le football est devenu une entreprise gigantesquement lucrative. Et beaucoup viennent de partout pour « en croquer ».
Notre projet d’écriture se porte sur lui. Celui qui pratique le Football.
Le footballeur de haut niveau, d’élite, mondial, le garçon à peine homme de 20 ans qui se tient debout dans les entrailles d’une foule de supporters venue extérioriser son « amour » du jeu. Celui qui, vouant une passion presque vitale pour ce ballon, démarre sa vie en le caressant de ses Nike fluorescentes dribblant des Zidane/Beckham/Ronaldo/Messi imaginés sur un bitume souvent bosselé. Mais qu’en est-il de ce gamin, à l’âge où les nouveaux
« marchands d’enfants » arrivent et rôdent comme des monstres
assoiffés d’Euros.
Certes ils gagnerons pour certains beaucoup d'argent, mais pour ces gosses souvent péchés dans le ventre de la France «d'en bas» (comme dirait l'autre) vers l’âge de 12/13 ans, le déracinement ne
se fait pas sans douleur ni blessure, et se retrouvent à des centaines de kilomètres de la cuisine de maman ou un agent non assermenté aura pu laisser quelques billets dans l'espoir de pousser un peu la décision parentale sur la destination de la jeune poule aux oeufs d'or.
« La plupart des joueurs ont en effet vite quitté l’école pour se
consacrer à leur rêve de footballeur. Les études au centre de
formation éludent ce chapitre-là. Ils ont reçu les rudiments mais
c’est une scolarité de pacotille où l’essentiel se concentre sur le
jeu, le ballon, les développements physique et athlétique", nous racontait le journaliste Dominique Séverac dans son ouvrage "La face cachée des bleus" pour évoquer la difficulté d'expression et de gestion d'image qu'on certains joueurs.
Et si maintenant un prodige se servait de sa notoriété comme arme politique ?
Voici quelle est notre problématique:
Certains acteurs du foot l'ont fait. Et plus qu'on ne le pense. Et si demain cela arrivait dans notre pays, en France, que deviendrait sa popularité ? Une foule se mettrait-elle "en marche" avec lui ? Combien ? C'est à la suite de cette réflexion qu'un mythe en particulier nous a semblé pertinent. Le parallèle avec le récit biblique de Moïse nous servirait de modèle. Retiré dès son plus jeune âge pour s'épanouir dans une société à l'abri du besoin, devenu Prince d'Egypte, il se tournera vers son peuple opprimé pour l' arracher aux mains de sa nation d'adoption. Le Destin de Moussa est déjà tracé, il s'agira pour lui de redistribuer les cartes d'une France dystopique.
Il s'agit pour nous dans un premier temps de nous nourrir sur les "Rebelles du Foot" (nom tiré d'un documentaire de Gilles Pérez réalisé en 2012) qui ont profité de leur notoriété et leur cote de popularité pour se mettre au service d'une cause, d'un peuple, d'une région, d'un pays. (exemple : Didier Drogba, dans un vestiaire à la sortie d'un match qualifiant la Côte d'Ivoire pour la coupe du monde 2006 appelant en direct à la télévision les Ivoiriens a organiser des élections présidentielles et cesser les conflits ethniques qui ravagent et plonge le pays dans un chaos). Il s'agira ensuite d'analyser comment les outils technologiques actuels façonnent et servent ou desservent une image publique. Comment s'en servir ? Comment le foot est devenu "lifestyle" et s'est il ouvert aux non-initiés ? Quels forces de communication utilise-t-il et comment les jeunes générations perçoivent ces jeunes champions du monde qui ont ramenés la coupe à la maison ?
Car, un des enjeux principaux pour nous est la construction de modèles. C'est ce thème que nous aimerions aborder avec les élèves. Quels sont leur modèles, en ont-ils ? D'où viennent-ils ? Que font-ils ? Quels sont leurs messages, en ont-ils ? Comment les suivent-ils ?
Moussa pourrait-il être un de leur modèle ? Que lui faudra-t-il pour construire une révolution avec le soutien de la classe silencieuse mais prête à gronder...
Par le(s) artiste(s)