Sous le thème des migrations (dans leur sens large, celui du déplacement), « Migrant Figures » est un duo initié par une jeune sculptrice, Anna Tomaszewski, avec un chorégraphe, Eric Minh Cuong Castaing, artiste associé au Ballet National de Marseille et travaillant régulièrement avec des enfants. Cette démarche est née, d’abord, de l’intérêt de la plasticienne pour le mouvement, de sa volonté de se confronter à la question du corps et à la danse, et notamment à la question d’échelle que posent les enfants à sa propre pratique. Le projet s’est consolidé autour d’une rencontre, celle de deux artistes explorant, dans leurs disciplines respectives, des notions étonnement similaires (mouvement, réel et fiction, mimétisme…), et de la volonté commune d’enrichir l’expérience des enfants, en leur proposant un parcours pluridisciplinaire. « Migrant Figures » - migrations formelles, migrations des corps - produit des déplacements à de multiples niveaux. Outre la migration de la pratique d’une jeune artiste (et de celle de son associé), elle sera celle des œuvres, le projet devant aboutir à une déclinaison de pièces où dialoguent danse et sculpture, par et avec les enfants, les oeuvres se répondant entre elles. Le déplacement sera aussi géographique : Anna T. et Eric MCC proposeront aux enfants un « parcours », de l’école à deux lieux d’art représentatifs de leurs disciplines (à Marseille, où les artistes ont des contacts privilégiés, il pourrait s’agir du FRAC pour l’art contemporain et du Ballet National de Marseille). Il s’agit, enfin, d’un déplacement des regards : les enfants, traversant une expérience de création artistique « de A à Z », de la conception à la représentation, occuperont successivement différentes « places » (praticien ou danseur, matière ou « objet », spectateur…), dans l’optique de la réalisation de trois temps forts de restitution, dans ces trois lieux où seront conviés le public (a minima les enseignants et les parents).
Artiste plasticienne, sculptrice faisant appel à d’autres médiums (photographie, vidéo, installation, performance…), je souhaite proposer dans le cadre de cette résidence un concept artistique, celui d’un duo avec un artiste chorégraphe (Eric Minh Cuong Castaing, Artiste associé au Ballet national de Marseille). Ce duo donnerait lieu à un échange et un partage de savoirs faire et d’idées, me permettant en tant qu’artiste de déplacer ma pratique vers celui de la danse, et permettant aux enfants de comprendre (en multipliant leurs points de vue en présence de deux artistes issus de disciplines différentes) ce qu’est la création artistique mais aussi son contexte.
Ce projet de résidence est placé sous le thème des « migrations », qui sont des déplacements, dans leur sens le plus large, et qui ouvrent à des rencontres et des enrichissements réciproques. Il s’agit donc de se déplacer, de travailler avec l’autre, et pour cela d’établir des possibilités à de multiples niveaux : migration de ma propre pratique artistique, donc ; mais aussi celle des œuvres que nous réaliserons (une déclinaison de pièces faisant dialoguer la danse et la sculpture, par et avec les enfants, et qui se répondront entre elles) ; et enfin une migration géographique. Les différentes œuvres créées en résidence seraient restituées à l’école et dans deux lieux d’art représentatifs de nos disciplines (une galerie d’art et le Ballet National de Marseille ou un lieu dédié à la danse en fonction de la ville d’intervention). Je souhaite ainsi proposer aux enfants un parcours au sein du monde de l’art. Cela pourrait être l’occasion, pour l’école, de nouer ou renforcer des relations avec des lieux culturels de la ville.
Ce duo est une démarche à laquelle je pense depuis quelques temps. Mes sculptures font appel, en effet, à la notion de mouvement (le mouvement comme déplacement, qui touche à la fois au concept, au contexte, et au mouvement qu'opère la nature) mais aussi à des glissements de sens que ces télescopages peuvent provoquer chez le spectateur/regardeur. J’ai envie aujourd’hui de questionner le mouvement des corps et l'immobilité de la sculpture, en essayant de faire bouger ces limites ou de les faire se rencontrer. J'aimerais faire l'expérience de la sculpture en mouvement en la confrontant au mouvement d'un corps. Le corps étant constamment dans cette dynamique entre immobilité et mobilité, il serait intéressant de questionner à la fois l'énergie des enfants en collectif ou seul et la poétique de ces corps non professionnels dans des espaces dit sociaux, tels l’école, et des espaces dit d’art.
J’ai donc sollicité Eric Minh Cuong Castaing (compagnie Shonen, basée à Marseille). Parce qu’il est engagé dans une démarche pluridisciplinaire (associant danse et nouvelles technologies) et développe, dans le cadre de sa mission d’artiste associé au Ballet National de Marseille, en France et en Europe, des collaborations avec d’autres artistes, chorégraphes ou plasticiens. Parce qu’il travaille en continue avec des amateurs et notamment des enfants (pour lesquels il a réalisé une série de pièces chorégraphiques, un court-métrage et une installation). Et parce qu’enfin les notions qu’il aborde dans sa propre discipline rejoignent étonnamment celles que j’explore dans mon propre travail (la représentation / l’image, le mimétisme, la métamorphose, le réel et la fiction…)
A – Création de sculptures inspirées de la danse des enfants (avec deux classes référentes) :
Je réaliserai, à partir d’un travail chorégraphique inspiré de la danse buto avec les enfants, une série de sculptures. Ces dernières seront une tentative de matérialisation des images et des sensations intérieures que je percevrai, chez les enfants, et qui m’évoqueront des textures et des états (liquides, solides…), des formes structurées ou plus souples ou évasives. L’imaginaire activé par la danse buto (une danse contemporaine japonaise où le mouvement / état de corps né de la production d’images mentales, introduite par des consignes « Imagine que ton corps devient liquide comme une rivière, chaud comme de la lave en fusion, etc. ») ouvre pour moi à une relecture des concepts, me permet de partir d’un mot, d’une sensation, de donner naissance à une forme, de conceptualiser ou figer un sentiment. C’est, de ma part, une tentative de traduction, une migration sensible, d’Eric aux enfants, des enfants à moi, d’après laquelle l’impalpable devient palpable. Il s’agit donc de révéler un imaginaire poétique à partir des passages et des métamorphoses qui traversent les corps.
Il s'agira ensuite de cristalliser et de matérialiser ces gestes, ces sensations (se solidifiant pour devenir objets matériels) et de soutirer de cette expérience un imaginaire et un paysage propre à chacun des enfants (paysage lunaire, mélancolique, aquatique, métallique, floral, minéral, liquide ou solide…)
Les enfants, de même, réaliseront leurs propres sculptures. En gardant en tête un paysage qui lui serait propre, chacun cherchera des débris dans l'école mais, aussi, quotidiennement (une pratique au-delà des temps d’ateliers) : des fragments, des choses fragiles qui auront été déformées et travaillées par le temps, par exemple. Enfin je leur demanderai de les inscrire dans des architectures fictives qu’ils auront trouvées (des morceaux d’étagères, une chaussure…)
B – Chorégraphier une récréation (pour toutes les classes de l’école) :
Nous porterons par ailleurs un projet concernant toutes les classes ; un geste fédérateur, touchant par extension toute l’école (personnels, parents…) Nous souhaitons ainsi « chorégraphier » une cours de récréation au ralenti, suivant une technique que le chorégraphe appelle le « slow motion », basée sur des protocoles et consignes laissant vivre la « vibration » du mouvement des enfants. Cette technique en quelque sorte ralentit le rythme des enfants, les menant dans un état de concentration jusqu’à l’immobilité du corps mimant l’objet. Nous aboutirons à des compositions évoquant une danse vibrante et enfantine, des tableaux vivants, une fiction de paysage, qui ne prendra sa forme entière que lors de la représentation. Les ateliers seront réalisés classe par classe s’inspirant de la démarche du « Flashmob » (ces chorégraphies géantes, préalablement apprises sur Internet, qui rassemblent à un instant T dans l’espace public une foule de participants). Nous conservons cette idée de composition commune en temps réel, sans « répétition générale », parce qu’elle donne lieu à une expérience unique. Ce travail in situ, jouant avec l’architecture des lieux, vise un déplacement du regard, entre réalité quotidienne et fiction, pour les enfants acteurs mais aussi pour le public (parents et équipes enseignantes). Enfin, la représentation sera filmée, pour que tous puissent par la suite (re)voir le résultat et laisser une trace pérenne.
Note préambule : si la ville d’intervention est Marseille, le Ballet National de Marseille, dont le chorégraphe Eric Minh Cuong Castaing est Artiste associé, sera un partenaire très réactif, qui réservera un accueil privilégié aux enfants, enseignants et parents. Nous pouvons imaginer des visites, à la découverte du ballet et de son activité. Le cas échéant, un autre lieu partenaire sera sollicité dans ce cadre, en fonction de la ville d’accueil.
Il s'agira de penser à une performance : des photographies (des agrandissements de maquettes de sculptures réalisées à l’école par les enfants) seront projetées. Nous verrons alors ces derniers danser dans leurs propres sculptures, qu’ils auront réalisées en petit format tout en pensant qu’elles deviendront œuvre et paysage à arpenter. Le questionnement portera en particulier sur le poids du corps qui sera mis en parallèle avec des sculptures, en réfléchissant sur l'apesanteur. Les enfants finissent par agir (danser) dans leurs propres regards (l’univers de la maquette), dans un jeu entre mobilité et immobilité qui, du point de vue du spectateur, peut les rapprocher des objets. Je m’intéresse ainsi, particulièrement, à la question d’échelle que nous posent les enfants, ces corps miniatures qui redimensionnent leur environnement, ici avec leurs propres corps et regards.
Les répétitions auront lieu, dans ce cadre, au BNM (ou lieu de danse). « Avec les enfants, je ne souhaite pas aborder une technicité de ballet. Je souhaite avant tout mettre en place les conditions nécessaires pour que ce qu’ils sont puisse apparaître ; ce qu’ils sont et ce qu’ils transportent, presque malgré eux. Une présence mais aussi un présent. Les enfants sont dans l’ici et le maintenant. C’est notre monde d’aujourd’hui, celui qui se construit en ce moment qu’ils emmènent avec eux », déclare le chorégraphe Eric MCC. Son travail se déclinera ici en 4 axes :
- Conscientisation du mouvement dans l’espace.
- Ecoute de l’autre, du groupe.
- Apprentissage de chorégraphies de danse contemporaine inspiré des gestes de la sculpture, du dessin, de l’assemblage d’objets et des œuvres picturales d’Anna T.
- Exercice d’improvisation lente à partir des techniques buto.
Nous proposons d’investir avec les enfants une galerie d’art, lieu qui présente en général des objets d’art, pas de corps et encore moins des corps d’enfant. Il s’agit de faire glisser les regards et les perceptions, de redonner du sensible à un espace qui, a priori, n'en a pas.
La galerie sera sollicitée pour accueillir une installation-performance avec un groupe d’enfants (une classe), évoluant au sein d’un espace de sculptures (spécifiquement à l’échelle des enfants, conçues pour eux et inspirées des maquettes réalisées en ateliers).
Var
Par le(s) artiste(s)