Quand il était petit, avant de passer à table la grand-mère d'un ami disait toujours : "Encore un repas que les prussiens n'auront pas !". Elle faisait référence à une guerre et un pays qui n'existait plus et qu'elle n'avait même pas connu... Il trouvait ça vraiment bizarre. Le projet que nous porterons durant la résidence Création en Cours se construira autour d'un travail de collecte de souvenirs mené en binôme avec l'artiste Julie Deck Marsault que je souhaite inviter sur toute la durée de la résidence. Sur le territoire de l'héritage et de la transmission, il s'agira de faire parler les jeunes de leurs grands-parents, utiliser leurs mots pour explorer ce drôle d’écart qui existe entre ces deux générations. Trouvez-vous parfois vos grands-parents bizarres ? Le projet aura deux formes qui dialogueront l'une avec l'autre. Le premier volet du projet sera une émission de radio d'une vingtaine de minute, construite avec des micros formats faits avec les élèves (micros-trottoirs, interviews, discussions collectives, lectures, musique, jingles) dont il y aura restitution auprès des parents, du personnel scolaire et des enfants au cours d'une séance de diffusion. Le deuxième volet prendra la forme d'une édition papier, un journal de bord contenant transcriptions d'interviews, photos, dessins, textes, retours de la séance de diffusion, questionnements apparus pendant notre résidence. Cette édition sera l'occasion pour nous de mener un travail de documentation autour du contenu audio créé lors de la résidence.
Nous voudrions faire parler les jeunes de leurs grands-parents, utiliser leurs mots pour explorer le drôle d’écart qui existe entre ces deux générations, les différences, les incompréhensions mais aussi les rapprochements qu’il suscite.
Nous partons de ce mot que nous avons souvent entendu dans la bouche des enfants : bizarre.
Les adultes sont bizarres, les grands-parents surtout, cette génération qui parait si lointaine et si étrangère.
Le choix particulier de l'angle de la bizarrerie a été choisi pour enclencher la discussion, éclairer les relations complexes entre les êtres au sein desquelles l'héritage et la transmission ne se passent pas toujours comme prévu. Les petites incompréhensions sont parfois pleines de sens. Avec humour, pudeur, délicatesse, dans un projet tourné vers l'écriture participative (proposer aux enfants de s'interviewer entre eux, de réécrire leurs propres histoires) nous questionnerons en filigrane la manière dont les choses, les gestes et les attitudes passent les générations.
Nous aborderons alors surement des questions plus larges telles que le partage, la connaissance, la reconnaissance, le vivre ensemble, le langage, les mots, les discours, l'écoute, les clichés, l'image, l'inclusion, l'autre, etc. À l'âge où les notions d'identité et de groupe se construisent, nous aimerions entendre ce que les enfants ont à nous dire.
C’est la parole et la conversation qui nous intéressent, vers où elles nous emmènent, dans quelle mesure elles font émerger de la matière narrative et artistique.
Nous tenons à travailler tous ensemble, artistes et enfants, tous acteurs du projet, tour à tour interviewers et interviewés. Pour nous, le temps de travail et le temps de transmission ne sont pas à séparer, nous prenons la résidence comme opportunité de franchir ces frontières pour mener non pas un atelier d'éducation artistique mais un acte créatif commun, un moment d'apprentissage global.
Si nous prenons toutes les deux la question de la collecte à cœur dans notre travail, les moyens techniques que nous utilisons et nos approches diffèrent.
Fictions radiophoniques, dessins, schémas, performances pour Pauline, livres d'artiste, écriture, photographie, installation, du côté de Julie.
C'est là que la discussion nous semble enrichissante. La dynamique de création durant les temps de travail avec les enfants sera renforcée par la rencontre de nos pratiques respectives.
Aube
Par le(s) artiste(s)