« Les desseins du paysage est un projet d'exploration et de représentation d'un territoire donné. Il s'agit de constituer des fragments de paysage par le dessin et l'enregistrement sonore. Pour cela, je compte créer des « charrettes à dessins » qui sont de petits chariots conditionnés. Ils me servent à transporter le matériel, exposer les œuvres et, dans le travail avec l'école, de support pédagogique. Je dessinerai sur des cartons préalablement conçus pour être assemblés de manière à constituer des structures étant à la fois dessins, objets, architectures et sculptures.
Le projet se construit sur plusieurs dispositifs qui se succèdent et sont tous des éléments constitutifs de ma recherche artistique. Je cherche à produire des protocoles et des structures capables de s'adapter et de réagir à un grand nombres de situations. Je propose ainsi de rendre compte de différents points de vue, différentes sensibilités propre à un contexte. Chacun de ces dispositifs tend à s'entretenir et à interagir avec les autres de manière à proposer plusieurs lectures tout en conservant une cohérence commune. La base de mon travail repose sur la pratique du dessin. Le dessin est pour moi une manière de produire une trace de ma sensibilité et de mon imaginaire. Je distingue plusieurs types de dessin, plusieurs écritures graphiques et formats qui supportent tous une certaine approche de représentation. Dans ce projet il sera surtout question de dessins sur le motif ou sur le vif, ce qui oblige le dessinateur et le modèle à évoluer dans un même contexte. C'est autant la présence physique, que le rapport qu'entretiennent le sujet et le dessinateur qui m'intéressent ici. Je porte beaucoup d'importance à la présence et la position de mon corps dans une situation donnée et à l'interaction possible avec les passants, les habitants et le paysage environnant. Je cherche les distances, les regards, la lignes du ciel, les structures architecturales, les plantes, l'eau. Même si tout cela n'est pas forcement visible dans la représentation, cette recherche est une part importante de mon travail que j'espère ici pouvoir à la fois pratiquer et transmettre. Dans l'espace d'exposition le dessin est producteur de récit, ce sont les desseins imaginés de l'artiste. Les lignes tracées sont pour moi autant de fils de lectures et il m'intéresse de les tisser. Chaque dessin a une individualité et assemblé, ils forment des paysages. C'est dans le but d'assembler les dessins et de produire des glissements de rapport d'échelle au sein même d'un paysage que j'ai entrepris de créer des fragments de carton faciles à assembler. Ces cartons seront des cartons en nid d'abeille, une matière que l’on peut facilement découper, légère, rigide et qui supporte bien l'acrylique. Ils permettront de produire un basculement entre le dessin sur le vif et l'objet exposé. Les objets ainsi produits rendent possibles différents interactions et une mise en commun du travail. On peut, par exemple, organiser la participation de différentes personnes pour dessiner, assembler ou produire d'autres fragments. Cette participation est l'occasion de présenter et de faire interagir différents points de vue, d’ouvrir une discussion graphique et formelle au sein d'une même structure, d'une même œuvre. Par ailleurs, et du fait de leurs installations temporaires dans la rue, au moment des dessins sur le vif, ils sont vecteurs de rencontres et de discussions dans l'espace public. Cette démarche d'inscription et d'intervention dans un espace donné (notamment dans la perspective d'un échange avec les enfants) est soutenu par le projet des « charrettes mobiles ». Les « charrettes mobiles » constituent un projet lié directement au dessein du paysage. Ces charrettes sont une manière d'aborder les problématiques liées à la circulation et la démarche d'exploration. D'un point de vue pratique elles transporteront le matériel et les cartons. Artistiquement, elles sont des mobiles dont les trajectoires sont documentées par le dessins et le son. Elles sont à la fois un objet d'art présentable en tant qu'œuvre dans un rendu final et un outil de transport. C'est encore une fois les glissements de statut, les basculements de posture qui m'intéressent ici. Ces charrettes, tout comme les cartons, forment un support propice à la transmission. Les circulations des charrettes, les discussions des enfants et certains lieux rencontrés au cours de mes marches seront sujets d'enregistrement sonore. Ces enregistrements produisent pour moi un hors champs à la narration dessinée, ils permettent de documenter les voies et de produire des résonances entre différents moments, différents lieux. Ils sont aussi de bon retour dans une démarche de transmission, les enfants peuvent ainsi entendre leurs voix et des sons du paysage qui se retrouvent dans le dessin. Cette pratique de rapprochement entre le dessin et le son à été très justement utilisé dans le site de Sophie Raynal (http://www.pretemoitesyeux.fr). Elle y présente simultanément le dessin d'un lieu et un enregistrement sonore capté pendant qu'elle dessinait. J'ai récemment participé à l'intervention des "Ici même", compagnie marseillaise qui proposait une promenade dans la ville les yeux fermés. Cette pratique m'a offert une nouvelle perception de mon environnement et le projet "les desseins du paysage" me parait une parfaite occasion d'expérimenter et d'ouvrir cette pratique au sein de mon travail. Ce projet est donc une occasion de réaliser et d'ouvrir mon travail à de nouveaux horizons et notamment à la possibilité d'interactions avec les enfants et l'école. L'école publique, notamment dans les zones rurales, est un lieu de rencontre privilégié des habitants d'un territoire. Elle rassemble des personnes de différents milieux sociaux et ouvre pour moi la possibilité de d'interagir avec un publique hétéroclite. Par ailleurs mes précédentes expériences avec des enfants on toujours été riches aussi bien artistiquement qu'humainement et le regard que porte un enfant sur un dispositif artistique est souvent très instructif. Mon intérêt se porte aussi sur l'enseignement et le dispositif pédagogique. Les moyens mis en place pour transmettre et apprendre sont pour moi proche de ceux mis en œuvre dans un travail artistique et la bascule de l'un à l'autre est quelque chose que j'aimerais approfondir.
Cher
Par le(s) artiste(s)
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