Empruntant son titre au vocabulaire de l'édition et de la presse, ce projet propose une approche de la photographie dans l'un de ses développements particulier et contemporain : la création d'un livre. Le livre de photographie a acquis aujourd'hui une importance majeure, autant comme moyen de diffusion que comme champ d'expérimentation en soi. Ce champ d'expérimentation, qui fait partie de ma démarche de recherche et de création en tant qu'artiste photographe, me semble offrir un terrain privilégié de transmission et de participation collective. Au centre du dispositif que je propose se trouve le "chemin de fer", un grand mur sur lequel disposer les images, les déplacer, les manipuler, réfléchir et agir en collectif. De la prise de vue à l'envoi chez l'imprimeur, en passant par l'éditing, la mise en page et le choix du papier, cet espace accueillera toutes les étapes menant de la photographie au livre, au fil desquelles je souhaite accompagner les élèves. Chaque étape soulève des questions de création différentes et mobilise des savoir-faire sur lesquels peut se fonder une démarche d'échange, d'apprentissage et de pratique collective. C'est aussi une approche de la chaîne créative conduisant du numérique au papier qu'il me semble passionnant de rendre visible et d'explorer en pratique avec les "digital natives" qui seront à l'œuvre ici avec moi. La durée de l'intervention me paraît parfaitement appropriée à ce projet, que j'envisage en cinq étapes – prise de contact et immersion par la pratique, présentation de mon travail et présentation du projet commun, ateliers de prise de vue, editing et travail sur la maquette, choix définitifs de maquette et préparation de l'impression – suivies d'un temps de restitution.
Le diplôme que j'ai présenté en 2013 s'attachait à un projet ("L'instabilité des phénomènes") accordant une grande importance à une démarche d'associations et de montage. Articulé autour du récit fictif d'un hydrologue et entrecroisant plusieurs iconographies (scientifique, familiale) avec des images contemporaines, cet ensemble se déploie comme un montage établissant des zones de recouvrements, de glissements de sens et de formes entre ces différentes matières visuelles et textuelles. Il a donné lieu à plusieurs types de présentation, avec des accrochages variables selon les lieux (exposé dans 5 lieux jusqu'à aujourd'hui), et a pris la forme d'un livre, réalisé en 2014.
Ces problématiques formelles et sémantiques, développées également de manière théorique et inscrites dans un champ de références dans le cadre de mon mémoire de fin d'études, sont récurrentes dans mon travail. Elles font aussi partie des questions soulevées par ma performance "La perte du Danube", où je me suis intéressé à la navigation sur Internet. J'y ai interrogé la sérendipité à l'œuvre dans une telle recherche et l'émergence d'images disparates, portées au mur (sous forme de tirages papier) et dont les liens visuels, symboliques, émotionnels, sont activés par le lecteur-performeur face au public.
Ces questions d'associations visuelles et de leur déploiement dans l'espace (et donc dans le temps de regard), entre jeux formels et embranchements narratifs, sont toujours d'une grande importance dans mes projets actuels.
Résidant à Vienne durant l'année 2016, j'y ai travaillé à la construction d'une série photographique, pour laquelle je suis encore en pleine période de recherche, entre editing et poursuite de la production autour d'un noyau d'images. J'envisage de finaliser ce travail dans l'année qui suit, notamment en lui donnant la forme d'un livre. Cette étape de travail, qui se trouve devant moi, est précisément celle que je propose de partager avec les élèves au cours de ma résidence.
Ce moment du travail, entre enrichissement de la matière visuelle existante, stabilisation d'un noyau d'images et nouvelles prises de décisions quant à une mise en forme spécifique – en l'occurrence le livre – me semble particulièrement propice à l'échange et à l'expérimentation commune. Mon intention est alors d'une part de partager cette étape d'atelier avec les élèves : mes interrogations, mes intuitions, les choix en balance, le questionnement sur la réception, et en particulier la leur – toute cette étape d'affinage ; et d'autre part d'ouvrir l'espace d'un projet commun de livre de photographie, dans lequel ils seront acteurs de toutes les étapes, de la prise de vue au livre dans les mains.
J'ai ainsi titré mon projet "LE CHEMIN DE FER - un atelier expérimental autour du livre de photographie". Cette notion de chemin de fer, empruntée au jargon de l'édition et de la presse, me semble désigner assez justement ce que je souhaite mettre en place avec les élèves : un espace physique d'expérimentation, de manipulation et de montage des images, dans lequel la réflexion et les sensations se traduisent en gestes. Je suis persuadé du grand potentiel de transmission et de la facilité d'approche que donne le caractère direct et tangible du livre, du papier que l'on touche, notamment avec des élèves de cycle 3.
Je propose ainsi d'avoir comme espace de travail central et concret un grand mur sur lequel nous pourrons coller et déplacer les images, travailler collectivement à la construction d'un phrasé photographique, à l'élaboration d'un chemin de fer préalable au livre. Précédé par la prise de vue et les tirages de lecture, suivi par la mise en page numérique, l'investissement de cet espace physique sera le cœur de l'expérimentation collective. Simple espace d'affichage des images réalisées, il se transformera peu à peu en espace d'editing (rapprochements, élimination, conglomérats d'images) puis, gagnant toujours en précision, en maquette de livre (position sur la page, recadrages, variations de formats). Ce sera aussi un espace où, entre deux sessions d'atelier, le travail en cours "reposera". Ces intervalles de temps et allers-retours, nécessaires à la maturation d'un projet, seront ainsi possibles, et inscriront celui-ci dans un espace qualifiable d'"atelier" : un lieu où l'on revient, où on travaille, où "ça" travaille.
Autour de ce pôle central, de cet espace de visibilité constitué par le grand mur, se déploieront les autres étapes du projet : prise de vue, traitement des images, mise en page, premières épreuves, choix du papier.
Je propose bien sûr également d'enrichir cette approche par de multiples ouvertures et respirations : découverte de livres contemporains et historiques de photographies, des livres à grands tirages aux livres d'artistes auto-édités, magazines, fanzines, tout ce qui donnera des idées et ouvrira les yeux sur les profusion et la richesse de la création photographique contemporaine dans le domaine du "papier".
Ardèche
Par le(s) artiste(s)