Fond sensible

Le temps de la résidence me permettra de poursuivre ma pratique du dessin avec la lenteur qu’elle exige et partager avec élèves et habitants de la région un autre rapport au temps et à l’espace par l’expérience de la marche et de l’observation.
J'imagine en premier lieu explorer largement la région et l'environnement de l'école dans laquelle je serai amenée à travailler afin de m’imprégner du territoire et provoquer les rencontres avec ceux qui l’habitent. Cette étape de travail permettra d’enrichir mon fond de documents photographiques, d'accéder à un état de rêverie et d'amorcer le processus de création des dessins. Un travail d’écriture pourra aussi être enclenché lors de ces traversées : la création de toponymes imaginaires et poétiques.
« Aire », « Balcon », « Verger », chaque dessin précédemment réalisé correspondait à des « lieux » de pensée différents. Ce qui m’intéressais était de fixer mes propres images mentales et jouer avec les limites de la représentation et de l’évocation. L’image doit être un support à l’imaginaire pour celui qui regarde. Elle doit appeler le spectateur, le solliciter, lui demander de « deviner » ce qu’il croit voir, et rappeler, ranimer en lui d’autres images mentales.
Dans le cadre de « création en cours » je souhaite poursuivre ce travail à une plus grande échelle en déployant un même univers sur plusieurs formats.
L’enjeu du projet de recherche est de poursuivre la création d’images psychologiques et évocatrices et de travailler leurs relations lors de l’exposition. Les points de vue, la taille et l’échelle des dessins pourront varier, alternant paysages d’ensemble, détails isolés et paysages de « fond » sans objet. Certains éléments d’un dessin pourraient subtilement se retrouver dans d’autres formats, déclenchant une impression de déjà-vu et incitant ainsi le spectateur à reconstruire une géographie mentale des lieux entre les images.
«Fond sensible » proposera lors de l’exposition une déambulation dans un espace psychologique ; un travail déjà amorcé dans l’édition détournée des « Schtroumpfs et le Cracoucass » réalisée précédemment.
Par ailleurs, il s’agira d’approfondir le travail de couleur au crayon en jouant davantage avec les nuances, les superpositions et mélanges afin de mieux traduire encore la subtilité et la sensibilité des motifs représentés. J’accorderai aussi plus d’importance dans cette série de dessins au « fond », à la matérialité du sol sur lequel reposeront les assemblages d’objets. J'accorde dans mes photographies et lors de mes voyages de plus en plus d’attention au végétal, à sa cohabitation avec le bâti et les aménagements. Certains éléments de paysages ruraux m’animent particulièrement ces derniers temps : les bosquets isolés, l’affaissement des herbes hautes dans les champs.

Ce projet, dans le cadre de création en cours permettra, en apportant un regard singulier sur l’environnement parcouru, de ré-imaginer la géographie des lieux par le biais des dessins et des ateliers de transmission liés à ma pratique.
En effet, j’envisage de créer avec les élèves un paysage commun et imaginaire composé d’assemblages de formes qu’ils auront réalisés d’après les photographies prises lors de nos excursions pédestres. Ces sorties seront documentées par de courtes vidéos où l’on pourra entendre les élèves exprimer avis et impressions. Parallèlement à ma pratique, les enfants découvriront au fur et à mesure plusieurs médiums, de la photographie au collage jusqu'au dessin, qui leur permettront de comprendre le passage du réel à l’imaginaire.