Ce projet réunit les disciplines dont se nourrit ma pratique de scénographe, telles que le théâtre, les arts plastiques, l’architecture, la danse, le dessin et l’écriture. Je propose la création collective d’un Espace en Jeu, situé dans la cour de l'école, qui soit comme un petit théâtre de cour pour les élèves et les enseignants. Cette installation serait un lieu utopique, une architecture modulable, éphémère, légère et démontable : un espace que les enfants imagineront, élaboreront et s’approprieront à travers différents ateliers pratiques. Il s’agira de raconter des histoires, non pas qu’avec les mots, mais aussi avec l’architecture, avec les corps, avec les sons, avec les mains, avec les yeux, dans un aller-retour entre Espaces et Fictions. L'un des objectifs est de générer du désir et du plaisir lié à l’art et à la culture. Ce projet est également une invitation à sensibiliser et interroger les élèves sur les différentes qualités d’espaces qu’ils côtoient au quotidien dans la sphère de vie privée comme dans l’espace publique.
En tant que scénographe, mon désir est d’éveiller les sensibilités des individus à l’espace qui les entoure, d’éveiller la curiosité et le désir vers le spectacle vivant et de permettre à l’imaginaire du public de se développer. Je crois que cela est possible notamment à travers l’espace et son potentiel sensible, poétique et fictif. À travers ma pratique artistique, je m’interroge continuellement sur la place du public et de sa perception sensorielle au sein des dispositifs que je propose mais également dans un sens plus large sur les relations qu'entretiennent les publics à un lieu qui peut leur être familier ou au contraire totalement étranger. Je souhaite interroger la notion de « Lieu Utopique » à travers le Théâtre au sens d’Espace de jeu comme architecture et comme pratique, cela en développant ma pratique de l’écriture et la recherche d’une nouvelle manière de créer collectivement. Cette résidence de recherche et de création nourrira un projet que je mène depuis 2016 et dont une première étape de travail a été présentée à la Comédie-Française en mai 2017. Ce projet se nomme Les Oiseaux Tisserands et s’est fait en collaboration avec la poète Séverine Daucourt. Avec un groupe de 6 acteurs, 1 costumière et 1 dramaturge nous avons interrogé les passants et les commerçants — dans un périmètre défini autour de la Comédie-Française — sur leurs rapports à l’art et au lieu Théâtre. À partir de leurs témoignages, nous avons ensuite inventé des personnages, écrit des monologues et présenté une lecture mise en espace à l’intérieur de la Comédie-Française. Je souhaite poursuivre l’écriture de ce projet en recueillant des témoignages auprès des élèves, de leurs parents et des enseignants sur les relations qu’ils entretiennent à l’art et au spectacle vivant en particulier. Aussi ces témoignages me permettront d’inventer un espace de jeu à partir des enfants eux-mêmes et pour eux. Par ailleurs, ce projet est inspiré de deux voyages que j'ai effectué à Brazzaville en 2014 et en 2015 au cours desquels j’ai été en contact avec un théâtre de cours, des cours de maisons ou des terrains extérieurs privés, lieux où les artistes pouvaient travailler régulièrement et présenter leurs spectacles à la population locale. Lors de ces deux expériences j’ai pu travailler avec de jeunes gens et rencontrer également de nombreux enfants qui se sont approprié la création d’un théâtre éphémère, devenu selon leurs propres mots « notre théâtre ». Ce théâtre éphémère nous l’avions imaginé collectivement et avec les contraintes du terrain. C’est en quelque sorte cette expérience que je souhaite poursuivre auprès d’un public scolaire issu d'une zone géographique où l’accès à l’art et à la culture est limité, comme cela est le cas à Brazzaville. La cour d'école est un lieu où se joue parfois la violence des mots et des gestes, où se lient aussi les amitiés, où se confient les secrets, où s'inventent les jeux les plus saugrenus, où se forment les premiers amours, où les énergies se libèrent, où les regards s’éveillent etc. Choisir la cour d'école comme le lieu où s'implantera cette installation, est donc pour moi une manière d'interroger ces thématiques et de créer à l'intérieure même de cet espace hétéroclite, un autre espace plus intime avec ses propres règles. La réalisation de cette installation se proposera d’utiliser des matériaux de récupération, des objets du quotidien, contemporains ou anciens, et invitera ainsi les élèves à interroger les fonctions des objets, à les détourner de leurs rôles pour inventer de nouveaux usages et servir la création d’un lieu utopique où pourront se jouer différentes fictions. C’est un atelier ludique qui travaille sur les plans de la fiction, du jeu et de la scénographie. Plus personnellement, ce projet me donnera la possibilité d'expérimenter la création d’un espace architectural sans passer par des techniques de construction lourde, mais au contraire répondre à la contrainte d'une installation légère et démontable, dont les éléments constitutifs seront en partie réalisés par les enfants. Faire vivre ma pratique et participer à la production d'actions culturelles sur des territoires où l'offre est peu développée est un réel engagement que je souhaite poursuivre à travers mon métier.
Isère
Par le(s) artiste(s)
Par les participants