De Midi à Minuit est un projet d'images en papiers découpés et de livres illustrés, dédié aux thèmes du décalage horaire et de la distance, notamment entre l’Outre-mer et la France métropolitaine où je vis actuellement. Ce projet abordera, dans un premier temps, l'écoulement d'une journée, dans le lieu de résidence, avant d'ensuite traiter du décalage horaire séparant les Antilles et Paris, pour enfin représenter ce phénomène à échelle planétaire. En parallèle à ce projet, les élèves travailleront en trois phases similaires. Ils créeront d'abord leurs propres représentations du jour et de la nuit, réaliseront ensuite des éditions illustrées, avant d'enfin se livrer à un travail d'illustration collectif de tous les fuseaux horaires de la planète.
Mon intérêt pour ces notions de décalage horaire et de distance est né il y a deux ans, lors de mon séjour de six mois à Kyôtô, au Japon — soit, à plus de 9000 km de chez moi et avec 7 à 8h « d'avance » sur la France métropolitaine. Ainsi éloignée, je me surprenais régulièrement à calculer l'heure qu'il devait être en France. J'arrivais à attraper mes proches au vol pour un appel, lorsque je me levais, vers sept heures, et qu'eux s'apprêtaient à se coucher, vers minuit. Dans la maison d'étrangers où je vivais, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit, on pouvait entendre quelqu'un Skyper les siens dans sa langue maternelle, courant après les heures d'avance ou de retard, sur son pays d'origine. Parfois, au milieu de la nuit, je croisais quelqu'un de retour de son pays et en proie au jet-lag.
De telles expériences témoignent des tentatives humaines de se relier à ce qui est physiquement séparé de soi — personnes, culture ou pays éloignés — et d'ainsi réconcilier ce qui est pourtant si difficilement conciliable.
Penser le temps à travers ses vingt-quatre fuseaux horaires UTC et à travers la planète entière, nous amène non plus à l'envisager comme quelque chose de linéaire, mais de multiple, de décuplé. Cette conception oppose deux temps: celui d'ici, que l'on vit chez nous et celui, inaccessible, vécu au loin par d'autres. Ainsi, parler du décalage horaire et de la distance, c'est aussi parler d'absence et de présence, d'un ailleurs imaginé. C'est souligner une opposition entre un temps réel, extérieur, et un temps psychique, parfois empreint de manque.
Effectuer une résidence Création en Cours dans les Antilles, de nouveau éloignée de chez moi et immergée dans un territoire inconnu, me permettrait d'enfin traiter cette thématique qui m'est chère.
Le projet que je propose sera divisé en trois phases de travail, respectivement intitulées « Le Jour et la Nuit », « En Deux Temps » (titre provisoire) et « De Midi à Minuit ». Chacune de ces phases aura son équivalent de Transmission auprès des élèves, à travers des ateliers de papiers découpés, d'éditions illustrées et de création d'image collective.
L'enjeu de l'étape « Le Jour et la Nuit » sera de représenter, en images, le lieu de résidence à différents moments de la journée, du matin au soir. Cette phase me permettra, d'une part, de me familiariser avec mon nouvel environnement. D'autre part, elle me permettra de mieux maîtriser la représentation du temps: le déroulement d'une journée, accompagné de ses changements de lumière, de couleurs et d'atmosphère. Pouvoir représenter des scènes autant de jour que de nuit me sera essentiel pour la suite du projet.
Cette étape de travail aura également pour enjeu de représenter le jour et la nuit à travers le médium choisi: le collage de papiers découpés. Celui-ci me plaît pour son immédiateté et sa mise en œuvre très tactile. Sa simplicité technique et la capacité de repentir qu'il offre sont également idéales pour travailler avec les élèves.
Une fois ce premier travail d'images amorcé, je me lancerai dans la création d'une première édition illustrée, provisoirement intitulée « En Deux Temps ». Après m'être familiarisée avec mon nouvel environnement, je commencerai à le mettre en relation avec « chez moi », Paris. Par la mise en parallèle de ces deux lieux, j'aborderai alors la thématique du décalage horaire. Les représentations des Antilles et de la France métropolitaine mettront en scène leurs deux temporalités respectives, en jouant sur leurs parts de décalé, mais aussi, de simultané: instants où il fait jour en même temps dans les deux régions; personnes se livrant aux mêmes activités, dans chaque endroit, à des heures différentes...
Enfin, après avoir représenté le décalage horaire dans deux lieux distincts, je souhaite aborder ce phénomène à son échelle planétaire, en me basant sur l'ensemble des fuseaux horaires UTC.
Cette dernière phase du projet sera dédiée à la création d'un album jeunesse, intitulé « De Midi à Minuit ». Le livre confrontera des scènes se déroulant aux antipodes de la Terre et de l'horloge. Elles auront lieu à 08h aux Antilles et à 20h à Manille; à 05h à Denver et à 17h à Karachi; ou encore à 04h à Vancouver et à 16h à Tbilissi.
Le livre pourrait commencer à 13h à Paris et à 01h à Niue (île néo-zélandaise), pour s'achever à midi à Londres, soit à minuit, aux îles Fiji. Son paradoxe sera de représenter à la fois un instant T précis et, en même temps, les vingt-quatre heures d'une journée complète, étalée à travers la Terre entière.
Réaliser l'album jeunesse dans le dernier temps de la résidence, me permettra d'avoir bénéficié des échanges avec les élèves, avant d'en fixer l'écriture. Les enfants sont généralement peu inclus dans l'écriture des livres, qui leur sont pourtant adressés. Création en Cours m'offrirait la chance de pouvoir travailler près d'eux et d'ainsi m'inspirer de ce contact.
Par le(s) artiste(s)