Je souhaite réaliser des maquettes d’architectures qui s’inspireront de grands ensembles. Elles seront en bois et habillées de plâtre, béton, et cire et installés sous la forme d’une scénographie d’urbanisme, au sein de laquelle les enfants seront tels des géants. Ces maquettes deviendront un hybride entre architecture et accessoire. Une chorégraphie courte (10/15min) sera écrite et jouée pour l’occasion. Les interactions avec les modules seront écrites suite aux échanges avec les élèves. Un film d’archive sera également réalisé tout au long de la résidence ainsi que pour le filage de la pièce.
Les formes d’architectures ont une emprise forte sur nous-même ainsi que sur le paysage. Pour prendre un exemple, la ville arrive souvent à obstruer l’horizon de tout côté lorsque l’on emprunte ses rues. Il faut alors prendre de la hauteur pour apprécier ces constructions entre elles. Et même à ce moment nous avons du mal à comprendre ou cerner l’ensemble de ces volumes puisque soumis au prisme du point de vue. C’est donc à travers d’autres éléments tels que le plan, la maquette et la 3D que l’on peut éventuellement conceptualiser l’urbanisme et si l’on pousse le vice, le vivre ensemble d’un point de vue décisionnaire. Voilà donc le début d’un postulat curieux, et il s’agit bien de mon point de départ : le plan demande une projection mentale intéressante et, tout comme la maquette, on aborde la notion d’échelle. Le projet est donc de produire un terrain de jeu et d’expérimentation spatial aux enfants sur des temporalités bien définies (qui dit jeu dit règle, début et fin) qui mettra l’accent sur le ressenti par rapport aux volumes environnants. Cela inclut la présentation d’enjeux d’architecture au préalable par des biais simples. (J’imagine très bien par exemple l’usage de kapla, pour que les enfants produisent de volumes en relation à des images et des plans, puis inversement : le dessin des volumes). Pour la production artistique, je vais produire des objets concrets et du récit. Je vais construire six à huit volumes géométriques de différentes tailles (jusqu’à un mètre de hauteur) et de matérialités/complexités différentes. La structure interne privilégiera le bois et le polystyrène pour la légèreté et le déplacement. Pour les même raisons le revêtement extérieur pourra parfois être partiel, et permettra par la même occasion de révéler le système constructif. Les formes seront épurées tels des architectones, c’est à dire des objets d’étude et des formes embryonnaires sans utilitarisme initial : sous la forme de sculptures qui réduisent l’échelle d’un bâtiment et mettent en avant sa matérialité, ces objets permettront une lecture privilégiée d’un potentiel architectural. Néanmoins ces objets puiseront bien sûr leurs formes premières dans des architectures existantes. Dans ma recherche personnelle, une des choses qui importe est l’attachement qui se produit entre l’homme et son architecture. Je pense que nous héritons des formes qui nous entourent, qu’elles soient passées, contemporaines ou en devenir. La forme, ou même figure que je choisirai d’exploiter ici est celle des grand ensembles. Ils sont le symbole de la modernité urbanistique, en France particulièrement. Ces constructions ont connus un essor post guerre, jusqu’à la fin des Trente Glorieuses pour répondre aux crises du logement. Ce modèle sédentaire sensé exemplifier la cité moderne et insuffler une qualité de vie sociale connait aujourd’hui une forte critique, et l’on y associe souvent une connotation péjorative que l’on qualifie par exemple d’objet du passé. Pourtant, ces constructions existent et se construisent encore aujourd’hui par nécessité, même si l’on tend à dépolitiser son modèle social, son utopie ; et privilégier alors des types de constructions qui se soucieraient plus d’espace que d’urbanisme, avec des constructions en hauteur. Outre les généralités qui constituent l’Histoire et l’évolution des grands logements, il existe la multitude d’histoire singulière qui habite chaque construction. Par exemple, le premier usage du terme « grand ensemble » est attribué à la cité de la Muette à Drancy, en construction dans les années trente, et tristement célèbre pour avoir été, alors qu’inachevée, un camp de transit pour la déportation pendant la deuxième guerre mondiale. Toutes les histoires ne sont pas aussi dramatiques, bien heureusement, et le travail que je propose est celui de la recherche et de l’enquête sur celles-ci : chaque module que je produirai sera en écho avec une histoire, une anecdote, un plan ou un récit plus proche du ré-enchantement et également plus approprié aux enfants. Toute laisse à penser que je serai également influencé par le lieu où je serais affecté, créant alors une résonance ou un décalage intéressant avec le milieu et l’environnement que j’intégrerai. En reprenant l’idée des architectones, l’origine des formes sera camouflée dans l’abstraction et mises à portée du spectateur dans un rapport plus décomplexé. Le but sera d’y associer une pratique qui réinvente l’usage, proche par exemple du parcours, ou du skateboard qui interprète le mobilier urbain. Ici, mes objets seront ludiques, un hybride entre architecture et accessoire : Je confronterais les enfants à ces volumes, et travaillerai avec eux sur une mise en espace. Je leur demanderai quelles interactions ces objets convoquent en eux. Les enfants vont saisir ces formes et décider ce que l’on peut en faire. Nous imaginerons ensemble des gestes et des déplacements. Cela aboutira à une petite pièce de théâtre. Le scénario pourrait être simplement chorégraphique, ou peut être que si l’histoire qui accompagne les architectures s’y prête, elle donnera une ligne directrice. Dans les deux cas, à l’image vidéo, les enfants seront tels des géants au sein de ces architectures, convoquant un imaginaire singulier et un renversement d’échelle.
Puy-de-Dôme
Par le(s) artiste(s)
Par les participants