"Téléphone" géant construit avec les enfants

Première rencontre à travers la voix

Publié par Yure Romão

Journal du projet

Inspiré de cette expérience dans le bateau pour Marie-Galante et aussi du récit de La Voix humaine de Cocteau, pour la première rencontre avec la classe j’ai proposé une conversation téléphonique avec eux sans vidéo: seule la voix et les sons comme lien entre nous.

Généralement en tant qu’artiste on cherche incessamment une posture et des procédés qui défient la logique établie des choses. Il est certain que dans un milieu  scolaire, avec ses règles et modus operandi rigides, cela peut s’avérer plus difficile. C’est pour cela que je tiens à commencer cet article par un remerciement à M. Alléaume (maître de la classe), à Mme Azede (coordonatrice pédagogique) et à toute l’équipe enseignante et non-enseignante de l’école, qui non seulement m’ont très bien accueilli, mais ont contribué énormément à la mise en place des dispositifs et procédés artistiques que j’avais idéalisés. 

Cela dit, l’appel téléphonique prévu avec les 23 élèves de la classe de CM1 s’est très bien passé. Mon idée initiale était d’échanger avec eux pendant le premier horaire de classe (8h30 - 10h), nous présenter et échanger autour des sons qui nous entourent et de nos rapports à la voix. Cependant, la connexion s’est faite de façon très instantanée et ils ont voulu continuer l’appel après la récréation (10h30 - 12h). Pendant cette pause de 30 minutes, je me suis déplacé jusqu’à l’école qui se trouvait à quelques minutes à pied d’où je logeais et j’ai enregistré le son des enfants dans la cour de l’extérieur de l’école. A la fin de la récréation nous avons repris l’appel téléphonique et je leur ai proposé une dynamique pour reconnaître les sons que je leur aurait fait entendre. Avant cela je leur ai expliqué que les sons des choses pouvaient très facilement être reproduit par d’autres objets ou des instruments comme par exemple le son de la pluie qui était similaire au son d’un bâton de pluie (percussion). Cependant, je leur ai dit que le son de chaque voix est unique et tel une empreinte digitale, il ne pourra jamais être reproduit à l’identique par une autre personne. Cela dit, j’ai commencé à leur faire écouter différents sons par téléphone et ils essayaient avec succès de deviner quel son et quel objet le produisait. A un moment spécifique, je leur ai fait écouter l’enregistrement de la cour de l’école pendant la récréation et cela a créé un effet assez surprenant chez les enfants, qui étaient étonnés d'abord d’entendre le son de la cour et étaient intrigués par cet enregistrement. Ils ont imaginé différentes possibilités (le professeur me l’avait envoyé, un des enfants avait enregistré, c’était un son de l’internet…). A la fin, comme je leur ai dit que c’était moi qui l’avait enregistré, ils ont déduit que j’étais dans l’école ou dans les proximités. Cela a déplacé la distance qui existait entre nous et les a déplacé dans le temps aussi vers un moment qu’ils venaient de vivre quelques minutes auparavant. Dans la suite, ils ont commencé à reconnaître les voix des enfants qu’ils entendaient dans cet enregistrement, des amis d’autres classes, la voix des professeurs et les situations qui ont eu lieu le temps de la récréation. Tout d’un coup la salle était pleine des récits et souvenirs de la recréation, déclenchés par le simple son de la cour.

Cette énergie m’a permis de rentrer directement dans le vif du sujet : quels imaginaires pouvons-nous créer à travers le son ? A partir de là, l'ouïe est devenu le centre de notre intérêt pendant toute la résidence et nous avons commencé à construire des univers sonores à travers les sons et les récits qui nous entouraient.

Univers sonore créé par les élèves de la classe de CM1 (Ecole Leopold Lubino)

Inspiré d’un texte homonyme de Jean Cocteau, qui nous livre le récit d’un appel téléphonique, Yure Romão s'est lancé le défi d’explorer avec les enfants les différentes formes qui rendent visibles et palpables les fils nous reliant à quelqu’un de distant. Un univers sonore a été construit à partir des récits des enfants et des sons enregistrés par eux au long de la résidence artistique.
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