Visioconférence avec la comédienne Astrid Bayiha

Lyannaj - rendre visible les liens entre nous

Publié par Yure Romão

Journal du projet

Dans la première semaine de résidence, nous avons travaillé sur les aspects physiques du son, sa définition en tant que vibration, sa propagation, les endroits de résonances et d'échos dans l’école, ainsi que les différentes formes de connexion avec l’autre à travers le son. 

Après ce travail d'enquête et recherche autour du son, nous avons écouté des extraits de La Voix humaine, de Jean Cocteau, enregistré dans la voix de la comédienne Astrid Bayiha.  Ensuite, j’ai proposé aux enfants d’imaginer des conversations téléphoniques avec des personnes qu’ils n’ont pas vu depuis longtemps. Ces récits seraient une façon de nous connecter avec ces personnes et de partager les univers sonores que nous construisons.

Reportage de la télévision locale TeveKa sur la résidence artistique (Cliquez ici)

A partir de cette première approche du son, sa définition et les formes de liens sonores que l’on peut établir, les élèves et les maîtres de la classe ont réagi très positivement avec des références à ce qu’ils connaissaient et qu’ils côtoient dans leurs quotidiens. 

M. Alleaume (maître de la classe)  m’a proposé une balade pendant la pause déjeuner, car il souhaitait me présenter un endroit pas très loin de l’école qui avait un lien avec le son et les résonances. Il m’a amené en voiture à une mangrove, où se trouvait un endroit dénommé “La Maison des oiseaux”. Il s’agissait d’une petite structure en bois, d’environ 12m2, dans laquelle on pouvait observer la forêt de l’autre côté de la marge. M. Alléaume est allé au bout de la structure en bois et a crié très fort “Allo!!”. Telle a été ma surprise, lorsque j’ai entendu une réponse de l’autre côté de la rivière qui disait aussi “Allo! Allo! Allo…”. Dans un premier temps, j’ai mis du temps à comprendre ce qui se passait, une fois que nous étions dans un endroit ouvert, sans bâtiments ou murs qui pourraient créer cet écho ou les résonances de sa voix. Il poursuit sa conversation et je comprends que l'écho était produit par la forêt. Elle était tellement dense, que cela créait une barrière naturelle qui renvoyait le son émis vers nous à nouveau. Il est resté quelques minutes à échanger en créole avec la forêt qui lui répondait. Cela a eu une belle résonance avec ce que j’étais en train de créer avec la classe et m’a amené à des pistes intéressantes, comme des concepts et réflexions déjà connues des enfants et des Marie-Galantais.

Cette expérience dans l’espace de la mangrove, à la maison des oiseaux et la résonance de la forêt m’ont amené à l’idée de Lyannaj, issue des cultures caribéennes, qui a été l’inspiration première pour la construction de l’espace de notre installation sonore avec les récits des enfants. Le Lyannaj est un mot clé dans la culture guadeloupéenne qui signifie le lien, l’union, la connexion. Ce concept trouve une application pratique dans différents contextes, comme dans la biologie, pour désigner les réseaux racinaires des plantes et des arbres, comme dans des contextes historique-sociaux en Guadeloupe, voulant aussi désigner une forme d’organisation collective, qui peut aller de l’époque du marronnage jusqu’à aujourd’hui dans l’union collective locale et les luttes sociales plus amples. 

Ce concept bien connu des enfants nous a amené à construire un grand Lyannaj dans une salle de classe de l’école.  Il s’agit d’une installation que les enfants ont construite avec différents fils attachés à différents endroits de la salle. Chaque fil représente un lien, un appel téléphonique d’un enfant avec une personne distante. Cette installation a été nommée “Le Parcours vocal” par les enfants et est devenue notre espace de scène et de jeu, où les récits se construisaient au fur et à mesure que les enfants investissaient cet espace.

 

Mérick dans le Parcours vocal

Immersion théatrâle

A partir du Parcours vocal, nous avons commencé à aborder l’idée de la scène et des éléments constitutifs de la pratique théâtrale et du spectacle vivant. Nous avons abordé des éléments de scénographie, à travers la construction du “Parcours vocal”, mais aussi d’objets scénographiques comme une cabine téléphonique en carton construite par les enfants et nommée "La Bouche du monde" et le téléphone géant construit avec des sots. Des éléments sonores et musicaux ont été abordés depuis la première semaine, ayant pour but la composition d’une bande sonore, d’un univers sonore à être diffusé au sein du “Parcours vocal”. Ensuite nous avons échangé par visioconférence avec la comédienne Astrid Bayiha autour de son métier, ses techniques pour rentrer sur scène, sa préparation et ce qui la passionnait dans ce métier. Cet échange avec Astrid a permis aux enfants de s’approprier quelques conseils scéniques et les a énormément motivés pour jouer en tant que de vrais acteurs et actrices dans l’espace du “parcours vocal”.

La Bouche du monde (objet scénographique)
Enregistrements des sons qui nous entourent
Mangrove de la Maison des oiseaux