La Bête

#4 La Bête

Publié par Alice Chemama

Journal du projet
nuit
Gravure de Félix Vallotton

Quatrième expédition

"Parmi les légendes qui ont marqué les Alpes, il en est une, peu glorieuse, que l'on a longtemps cherché à effacer des mémoires : celle de la Bête du Grésivaudan. D'après ce qu'en disent nos arrières-arrière-grand parents, un grand monstre cornu hanta la vallée entre Grenoble et Chambéry à la fin du Moyen Âge..."

Gévaudan
Gravure représentant la Bête du Gévaudan

Du moins c'est ce que nous raconte le conte moderne "La Bête du Grésivaudan", un titre dont la sonorité n'est pas sans nous rappeler une autre vilaine bébête (celle du Gévaudan).

On a tous dans un recoin de la mémoire une histoire de monstre qui aurait terrorisé une région rurale aux siècles passés, et en effet plusieurs sont attestées. Celle du Gévaudan - la plus célèbre, celle de Primarette, celle du Lyonnais, … Pourtant, après quelques recherches personnelles, je ne trouve pas d'information sur un quelconque animal sanguinaire ayant précisément sévit dans le Grésivaudan (une vallée de l'Isère). Finalement, l'auteur lui-même, contacté par l'institutrice, nous confirme qu'il a joué sur le côté parodique et remodelé librement l'Histoire, empruntant par-ci par-là aux faits divers historiques de nos contrées.

Je ne trouve pas non plus de trace d'une telle bête en Haute-Savoie (je n'ai sans doute pas assez cherché), mais cette dernière n'en est pas moins une région à l'aura mystique, dans l'imaginaire de laquelle gravitent bon nombre de créatures : fées malicieuses, Dame Blanche, loup-garous et même le Diable en personne. En effet, ce territoire riche de mont rocheux, forêts épaisses et grottes obscures présente une topographie idéale pour y planquer des monstres. Et entre nous, vivre la tombée de la nuit au cœur des montagnes a quelque chose d'assez insécurisant...

Extrait du conte
Extrait du conte "La bête du Grésivaudan" de David Gautier, éditions Boule de neige

Le conte de "La Bête du Grésivaudan" a ceci d'intéressant qu'il aborde la question du réel et du fantasmé. À un moment donné, le Chevalier Bayard himself, chargé d'enquêter sur la disparition d'une enfant, tente d'établir le portrait robot de la Bête mais se retrouve aux prises avec tout un tas de témoignages contradictoires. Quand l'un a vu un monstre à plumes, l'autre a vu des tentacules, et ainsi de suite.

''La veuve Ponçon avait vu un gros chien baveux avec une queue de rat qui dansait la Guiguedouille au clair de Lune.''

Si le conte dérive volontiers sur un ton humoristique, il rappelle néanmoins qu'à certaines époques, en l'absence de photographie ou d'autre forme d'enregistrement, l'imaginaire pouvait nous emporter beaucoup plus loin et la terreur collective faire tranquillement son nid, donnant naissance à des légendes désormais plusieurs fois centenaires.

(Et puis, le thème de l'ennemi invisible et la paranoïa de groupe, c'est un peu d'actualité non ?)

gravure
Linogravure réalisée pour le passeport savoyard des élèves

J'ai donc demandé aux enfants de me dessiner le portrait robot de la Bête d'après les informations disséminées dans le conte, et bien évidemment, pas une ne ressemble à l'autre.

Je leur ai également demandé de me dessiner le monstre de leurs pires cauchemars, histoire de grossir un peu plus les rangs des créatures locales...

 

monstres
Les monstres des CM2 de Marnaz

Compte tenu des conditions, tous les élèves ne font pas de retour aux exercices, et je m'interroge sur le cadre qu'ils ont pour travailler. Notre lien me semble assez fragile puisque je n'ai pu être présente physiquement auprès d'eux que deux semaines, et je ne sais pas si mes propositions de dessin sont accueillies avec enthousiasme. L'expédition du mois de mai est d'ores et déjà condamnée puisque la reprise s'annonce comme un joyeux bordel.

Croisons les doigts pour juin...