La légende du Lac Bénit

#1 Dans la vallée oooh oooh, de Marnaz

Publié par Alice Chemama

Journal du projet

From Paris to Haute-Savoie : première expédition

La vallée de l'Arve
Vue de la vallée depuis le Mont-Saxonnex (environ 1000m)

Janvier, débarquement à Marnaz, une petite ville logée dans la vallée de l'Arve, - un torrent qui prend sa source dans le massif du Mont Blanc – et qui avec ses sœurs jumelles, les villes de Scionzier, Cluses, Thyez et Marignier, forment un ensemble d'agglomérations indifférenciées tapissant le creux des montagnes.

L'école des Sages est encerclée par les géants rocheux, dont les cimes enneigées restent inaccessibles pour bien des enfants. Oui, on peut vivre au pied des montagnes sans pour autant les avoir jamais foulées...

Entre les villes d'altitude et celles du fond, c'est deux salles, deux ambiances, et une répartition finalement assez métaphorique.

Pour simplifier, il y a ceux d'en haut, des villages et villes-stations, qui au-dessus de la mer de nuages profitent du fameux air pur des montagnes, et puis ceux d'en bas, du monde ouvrier, qui fourmillent dans les usines de décolletage, brassant un air vicié chargé de particules fines.

l'école
Vue depuis la cours de l'école. En face, le bâtiment dit "le Bargy", nommé d'après les montagnes que l'on voit enneigées en arrière-plan.

Dans ma classe, les origines et milieux se croisent. Pour les uns, grand-papa est guide de montagne, pour d'autres, on a rarement vu plus loin que le kebab du coin.

L'idée de mon projet, c'est de raconter en dessin la Haute-Savoie, son histoire et son identité culturelle, une démarche finalement assez cocasse pour une parisienne débarquée dans un coin a priori peu emblématique. En effet, nulle marmotte à l'horizon, mais je sens que la vallée de l'Arve a aussi des choses à nous dire.

Dès lundi matin je retrouve Elisa l'enseignante des CM2. Très motivée par le projet, elle a déjà fait venir une intervenante en classe : Joëlle qui travaille à la mairie, 100% locale, née un peu au dessus de Marnaz à une époque où l'on descendait à l'école en luge. Elle vient nous conter la Légende du Lac Bénit...

Dans la chaîne du Bargy qui surplombe notre école, dort un lac entouré de forêts. On raconte que jadis, les bûcherons et charbonniers qui s'y approvisionnaient causèrent un terrible incendie, laissant le Bargy ravagé et le lac dépouillé. Ce dernier, furieux, se serait alors mis à bouillonner et à déborder. Terrifiés à l'idée d'être engloutis, les habitants appelèrent au secours un ermite, qui par la force de ses prières était le seul à pouvoir contenir le lac. Il invoqua donc le Seigneur, offrit son anneau magique aux eaux déchainées, et le lac retourna dans son lit. En guise de remerciement, une chapelle fût érigée à l'endroit où l'eau se serait arrêtée. Aujourd'hui encore à Marnaz, on peut s'y recueillir.

 

Le Lac Bénit
Le Lac Bénit, dans la chaîne du Bargy, sur les communes de Marnaz et du Mont-Saxonnex

Autour de cette légende et de ses variantes, en s'inspirant de tapisseries mille-fleurs que je leur ai présentées, les enfants ont réalisé à plusieurs mains six grands dessins illustratifs rassemblant tous les éléments de la légende.

Puis, dans leur ''passeport savoyard'' (un carnet de bord qui les suivra dans toutes nos explorations imaginaires) ils ont consigné le lieu et l'histoire qu'ils avaient découvert.

 

Dessins grand format (environ un mètre carré) et passeports savoyards

Les jours suivants, nous changeons de direction pour aller explorer l'univers personnel de chacun. Dans leurs « cartes mentales », les enfants ont du consigner individuellement les lieux de la région qu'ils connaissaient et qui leur tenaient à cœur. C'est à travers cet exercice que je réalise les disparités culturelles au sein de la classe. Sur la plupart des cartes nous trouverons la maison, l'école, la piscine, le boulangerie, parfois la bibliothèque, le cinéma, le Mont Blanc, … Et quand certains peuvent multiplier les lieux et faire figurer un glacier ou une station de ski, d'autres font graviter leur univers autour du Macdonald.

"Cartes mentales" réalisées individuellement
tampon du Lac Bénit
Première semaine : check !

À la suite de ces quelques jours ensemble, je laisse dans chacun de leur passeport un tampon qui symbolise le travail et le thème de notre semaine.

Avant de partir je leur laisse également une "mission" pour continuer l'investigation locale jusqu'à ma prochaine visite : trouver de nouvelles légendes, puis les résumer et les illustrer sur des cartes postales qui me parviendront à Paris.