Ma dernière exposition intitulée «La ligne», travail issu de la résidence de création du AECT Espacio Portalet explorait la notion de frontière et la culture transfrontalière construite sur le col du Pourtalet. Dans cette continuité, je développe actuellement un projet de recherche, à travers les mémoires locales, sur les échanges entre les peuples, notamment par l’exploration du mythe des contrebandiers et des chemins de contrebande le long de la chaine Pyrénéenne.
Ce travail sur le long cours explorera ainsi plusieurs points de traversés entre la France et l’Espagne, dans différentes pratiques culturelles. Tous ces projets d’étude locaux, fonctionnant indépendamment les uns des autres, prendront place en phase finale dans un projet de plus grande envergure, réunissant ainsi tous les travaux.
La photographie sera la discipline dominante du projet, mais une oeuvre sonore accompagnera les images, ainsi que du texte.
Les villages des Pyrénées tiennent une place à part dans l’histoire de la France. De part leurs positions géographique, les villages reclus dans de profondes vallées, entre plaine française et Espagne, ont développé une culture et des mœurs propre à chacun. Cet isolement a poussé les habitants à ériger leurs propres lois morales, et souvent se démarquer, voire s’affranchir, des choix de leur gouvernement : « réticences à collaborer avec le pouvoir, rejet de la culture extérieure, transgression de la morale dominante ... » LES PYRENEES AU XIX SIECLE, Jean-Francois Soulet 1987
La forte cohésion sociale à l’encontre du gouvernement et le fait que les critères juridiques de l’état français de l’époque ne permettaient pas d’apprécier les phénomènes dissidents de fraude, permirent à la contrebande de s’implanter durablement et de s'imposer comme l'une des principales branches de l'industrie. Il se disait de certains villages que toute la population y était contrebandière, maire et prètre compris!
Quelle que soit la saison, les contrebandiers redoublaient d’ingéniosité pour faire passer par la montagne tabac, laine, étoffes, bétail (parfois des centaines de bêtes par convois), denrées coloniales ou de simple consommation, en s’affranchissant des taxes. Cette activité a permis aux populations rurales locales de prospérer. Les contrebandiers étaient alors vus comme robustes et malins, comme des aventuriers défiant l’autorité pour faire vivre leur famille et leur village : un robin des bois montagnard en quelque sorte. Il n’en faut pas moins pour hisser le contrebandier au rang de héro local, lequel fut acteurs de nombreuses légendes et dont on vantait les péripéties au premier venu.
Témoin et acteur des échanges transfrontaliers, certes marchands, mais pas moins culturels, le contrebandier fascine encore de nos jours et fait pour moi un parfait sujet d’étude dans la continuité de mon travail photographique précédent.
Mon projet s’effectuera sur le long terme, souhaitant explorer les chemins de passage de toutes les provinces frontalières avec l’Espagne: Pays Basque, Béarn, Bigorre, Comminges, Cousserans, Comté de Foix, Pyrénées orientales ...
Chaque séjour donnera lieu à un projet et une exposition fonctionnant indépendament les unes des autres. Tous ces projets auront pour vocation à êtres réunis dans un projet de plus grande envergure (exposition conséquente, édition d’un livre ...)
Durant chaque temps de résidence, les étapes de travail seront sensiblement similaires, laissant toute fois place aux imprévus. Un premier temps sera consacré à la documentation sur l’histoire locale et à l’étude de la géographie et des chemins existants. Je rencontrerai dans un second temps la population locale et récolterai aux travers des enregistrements sonores leurs paroles et leurs histoires en lien avec le sujet d’étude. M’inspirant de toute cette mythologie, je réaliserai ensuite les prises de vue photographiques. Souhaitant travailler autour du paysage, les images seront une interprétation poétique et personelle du bagage culturel absorbé lors des premiers temps de recherche.
Chaque appareil photo ayant ses propres caractéristiques (vitesse de prise de vue, orientation de visée, format etc...), j’utiliserai le plus adapté en fonction de chaque scène et du rendu souhaité. J'ambitionne également travailler en pellicule argentique couleur et noir et blanc. Je priviligierai les lumières et ambiances présentes lors des traversées (nuit, crépuscule, brouillard ...) mais reste cependant ouvert afin de ne pas subir de trop grosses contraintes techniques et artistiques.
Aude
Par le(s) artiste(s)
Par les participants