Mon projet s'est transformé au cours de l'année 2020 Je l'ai réadapté pour faire face aux conditions sanitaires. Le titre "Subterfuge" s'est transformé en "Comment toucher à distance ?"
Projet initial : Subterfuge
Subterfuge est un projet conçu pour des élèves au sein de leur milieu scolaire. Il s'inscrit à la fois dans le champ de la sculpture, de l'écriture et celui de la performance. Ce projet se fonde sur une notion de fonctionnalité, en lien avec l'organisation collective d'une école et les échanges sociaux existants. Ce projet a pour ambition de créer une forme de communication sensible entre les usagers de l'institution. La rencontre avec l'autre, la peur de l'inconnu, l'acceptation de la différence seront les thématiques abordées.
Projet final : « Comment toucher à distance ? »
La pandémie de COVID-19 nous a contraints à l’éloignement. Nous communiquons à distance alors que nous vivons à côté les uns des autres. Comme si chaque individu ou chaque famille vivait dans un pays éloigné. Repliés dans nos habitats, nos relations corporelles deviennent de plus en plus immatérielles. Nous prenons le risque d’oublier la sensation des présences physiques. Ce risque pourrait affecter notre relation au monde, à la matière et à nous même. L’autre nous maintient en équilibre. Il.elle est essentiel.le et existentiel.le.
« Comment toucher à distance » est un outil de communication sensible. Il s’est construit dans les limites de nos conditions sociales actuelles. Ce livre est un objet, un morceau de soi, une pensée materielle pour l’autre. Ce livre facilite l’échange entre l’adulte et l’enfant. Un lien nécessaire, fondateur et émancipateur à tout être humain : la transmission.
Projet Initial : Subterfuge
Dans ma démarche artistique je questionne sans cesse le rapport à l'autre. L'humain est au coeur de mes préoccupations. Il me semble primordiale de tisser des liens entre les individus pour faire face aux difficultés rencontrés au quotidien. Pouvoir agir dans le milieu de l'éducation est aujourd'hui mon voeux le plus cher. Il est nécessaire de transmettre une vision et une pratique de l'art dés le plus jeune age. Au cours de mes créations, j'ai développée un réel plaisir à transmettre et à partager des connaissances. J'ai notamment créée, par ma propre volonté, à l'ESAD de Reims (École Nationale Supérieur d'Art et de Design) un atelier de performance et d'écriture visant à favoriser les liens entre les étudiants, à établir un espace de confiance. Ce rendez-vous hebdomadaire est devenu important pour les participants. Il est née d'un besoin de vivre ensemble dans un cadre institutionnel, celui de l'école. Cet exemple est à l'image de l'expérience que je voudrais réaliser grace aux Ateliers Medicis. J'aimerais pouvoir continuer mes recherches dans une institution scolaire et compléter mes connaissances dans le champ de l'éducation et de la transmission. La notion de collectivité est un terrain qui me semble encore à explorer voire à enquêter. Comment faire école est une question que je me posais lors de mes études. Aujourd'hui je voudrais proposer une façon de nouer des liens, comme une réponse aux manques que j'ai pu relever au sein des mes établissements scolaires.
Subterfuge est un projet où la communication entre les élèves, au sein d'une école, sont sources de création. À l'aide d'objets "trafiqués", les enfants créeront des relations épistolaires au sein d'une même endroit. Ce lieu institutionnel servira d'enveloppe à l'élaboration d'un projet intérieur, personnel et en dialogue avec autrui. Les objets seront réalisés par les enfants, Sa poésie sera discrète et subtile et servira d'élément fondateur à la création d'une communauté. Ce projet s'inspirera des modèles de la communication secrète, du monde de l'espionnage et de la magie. L'apparence des choses ne révèle pas l'intériorité. Ce sont ces doubles couches que je voudrais mettre en lumière, en travaillant l'intérieur et l'extérieur, successivement.
Je traduirais cette réalisation en cinq étapes:
1. L'histoire
2. Le message
3. L'objet
4. La réponse
5. La conversation
1. L'histoire
Cette idée s'inspire des objets réalisés par les résistants lors de la seconde guerre mondiale. Au moment de la résistance, les soldats ont du créer des objets pouvant contenir des secrets afin de se transmettre des informations et de survivre. Ils ont, au Musée de l'Armée, aux Invalides à Paris, une vitrine contenant certains de ces objets (exemple de photos dans le diaporama). J'aimerais, dans un premier temps, effectuer des recherches sur ces objets, pouvoir les photographier et les analyser avec les enfants. J'organiserais une sortie scolaire et nous discuterons de cette époque.
2. Le message
Quel est le message que je veux écrire à quelqu'un? C'est une question très personnelle. Lorsque l'on veut écrire à l'autre, on dévoile beaucoup de même. Quel est le message qui aurait besoin d'être caché, dissimulé? Avec les élèves, nous parlerons de l'intime et de la protection, de la difficulté à garder un secret, de faire le choix de parler ou de ne pas parler. L'écriture est une forme complexe mais nécessaire à la création d'une identité. Écrire une lettre c'est s'adresser à l'autre mais c'est aussi choisir de dévoiler certaines parties de soi. Avec les élèves, j'aimerais aborder cette question et pouvoir travailler le plus individuellement possible. J'aimerais qu'ils choisissent de me dire quelque chose sur eux, peut-être une seule chose, et la développer. .. Tout en ayant connaissance que, finalement, le message sera envoyé à un inconnu qui révélera petit à petit.
3.L'objet
L'élève devra choisir l'objet dans lequel il voudra cacher son message. Cet objet à pour condition de ne pas personnel. Il doit avoir l'air de "passe-partout" et s'intégrer dans le cadre de l'école. Par exemple, il peut être un tube de colle, un stylo, une chaise. Après ce choix, l'élève pourra trouver une cachette afin d'y mettre son message. Ensuite, il devra adapter la taille du message à celle de la cachette, choisir le bonne forme et le bon papier. Finalement, l'objet devra ressembler à ce à qui il ressemble à l'origine.
4. La réponse
L'objet sera récupéré par un professeur ou par moi-même, puis distribué à un autre élève qui aura pour tache de répondre à ce message.
5. La conversation
L'objet sera retourné à son propriétaire et ainsi, celui-ci pourra choisir s'il souhaite entamer une conversation, c'est à dire à s'il souhaite renvoyer l'objet.
Ainsi, des relations épistolaires pourront naître entre les élèves avec cette envie de découvrir qui est l'Autre et par, le même biais, se découvrir soi-même.
Projet final : Comment toucher à distance ?
J’ai grandi dans un pays étranger. De l’autre côté de l’Atlantique. Un pays lointain. Enfant j’ai été déplacée, j’ai déménagé à Paris. J’ai été déracinée puis enracinée à nouveau. J’ai rendu visite à ma famille aux États Unis, au Canada, en Espagne, au Liban, en Thaïlande, en Indonésie, en Afrique du Sud, aux Philippines. Aujourd’hui je me pose la question. Comment garder le lien avec des personnes qui sont loin ? La lettre et la carte postale sont des moyens de communication précieux. La lettre est un objet tactile. Le papier est pris en main et griffé par l’écriture de l’émetteur. La carte postale est choisie pour son image. Elle dévoile une couleur, une esthétique, une interprétation. Contrairement à une conversation téléphonique ou une vidéo, la lettre et la carte ne sont pas éphémères. Elles sont traces. Elles résistent à la mort. L’écriture d’une lettre est une forme de communication souterraine. Elle donne accès à autre chose qu’au sens des mots. Elle offre une matérialité, une consistance, un corps. La lettre est vivante.
Dans un premier temps, mon projet a été reporté. Dans un deuxième temps, mon projet a été annulé. Comme beaucoup d’autres projets artistiques prévus en cette période, mon projet n’a pas été considéré comme prioritaire. Nous vivons actuellement dans un climat anxiogène et cloisonnant. L’art nous aide pourtant à le comprendre, à évacuer, à penser. L’art interroge les limites et les contraintes. L’art est une respiration intime et profonde. L’art creuse un espace dans notre quotidien et nous extrait d’un système linéaire dont on connait la fin. L’art est une voix de transmission humaine qui ne peut exister sans le regard de l’autre.
Malgré l’annulation, j’ai continué. J’ai conçu ce livre-outil à l’adresse des enfants à qui je n’ai pu transmettre ma pratique : l’art de la performance. Comment puis-je déplacer mon corps sans me déplacer ? La performance, l’art de fabriquer avec la vie, m’ont conduit à la fabrication de ce livre. Le papier est devenu l’extension de mon corps.
Si mon corps est une lettre alors je ne me déplace jamais seule. D’autres personnes contribuent à mon voyage. Ils ou elles me tamponnent, me saisissent dans leurs mains, me lisent l’adresse et me déposent dans une boîte aux lettres. Parfois ils me perdent. Parfois j’atterris dans une mauvaise boîte. Parfois je suis volée.
Toutes les rencontres ne se font pas. Tout le monde n’est pas prêt à perdre une partie de soi.
Par le(s) artiste(s)